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603 JEAN Mil. SA POLITIQUE ORIENTALE. RÉHABILITATION DE PHOTIUS 604

C’était l’écroulement de toute la politique sur laquelle Jean VIII avait fondé ces espérances. Carloman s’agitait de plus en plus dans le Nord de l’Italie, pour se taire reconnaître comme roi, quitte à venir demander ensuite à Rome la couronne impériale. En attendant, Lambert de Spolète, soit désir d’appuyer la candidature de Carloman, soit dessein d’avancer ses propres affaires, s’emparait de la cité Léonine et se maintenait aux portes de Saint-Pierre, vexant les pèlerins, arrêtant les cérémonies saintes, faisant rentrer dans la ville les pires ennemis de Jean VIII, avril 878. Alors le pape, qui ne renonçait pas encore à l’idée de couronner empereur un Français, se mit en route pour le royaume de Louis le Bègue. Parti d’Italie au début de niai, il est à Troyes au mois d’août. Il y a convoqué les carolingiens des divers États, pour délibérer avec eux des intérêts de l’Église et de l’Empire. .Mais seul le roi de France, Louis le Bègue, s’est présenté : épuisé par la maladie, il ne peut se résoudre à accéder au désir du pape et à accompagner celui-ci en Italie. Aussi bien, tout en cheminant de Saint-Gilles-sur-le-Rhône à Troyes, Jean VIII a eu le temps d’élaborer d’autres plans ; il s’est lié par une promesse à l’égard de Boson, le beau-frère de Charles le Chauve, préposé par celui-ci à la défense de l’Italie du Nord. Finalement, c’est sur Boson, que le pape reporte ses espérances, et quand Louis le Bègue charge Boson d’accompagner en son nom le pape en Italie, Jean VIII croit tenir enfin la solution qu’il cherche. Rentré en Lombardie à la fin de novembre 878, Jean s’agite autour de la candidature de son protégé. Jaffé, n. 3205, 3224. Mais celui-ci va lui échapper : peu soucieux peut-être d’une couronne impériale si lourde, Boson a préféré se tailler un royaume à lui dans le midi de la France. Au printemps de 879, Boson se proclame roi d’Arles,

C’était l’Allemagne qui allait maintenant se présenter pour ramasser la couronne impériale dont la France ne voulait plus. Carloman, ruiné par une maladie incurable, laissait la place libre à son frère puîné, Charles le Gros. En octobre 879, celui-ci revendique le royaume d’Italie et l’Empire. Malgré ses répugnances. le pape l’accepte comme roi d’Italie au début de 880, et le 8 février il le couronne empereur à Saint-Pierre de Rome. Ce n’était qu’un pis-aller. Charles le Gros allait se révéler plus incapable encore que son oncle Charles le Chauve, à défendre les intérêts généraux de la chrétienté, et les intérêts plus particuliers de la papauté en Italie. Jean "N’III ne vivra pas assez pour être témoin de la suprême déchéance Je son empereur allemand en 888. Du moins il eut tout le loisir de constater l’absolue incapacité de Charles à arranger les affaires italiennes. C’était d’un autre côté qu’il fallait chercher des secours, et voici Jean VIII amené à entrer en négociations serrées avec le basileus. L’appui de ce dernier permettra au vieux pontife de remporter quelques succès sur les Sarrasins dans l’Italie méridionale. Succès chèrement achetés ; car il a fallu les payer de la réhabilitation du patriarche Photius. Ces négociations avec Byzance nous font arriver au point le plus contestable de la politique de Jean VIII.

IL Politique obientale. La réhabilitation di Photius. Depuis 807 c’était Basile l, r qui régnait a Constahtinople. C’était Basile qui avait replacé sur le siège patriarcal Ignace supplante par Photius en 858, lui dont l’autorité avait permis la tenue du VIIIe concile ; lui, qui, de tout son pouvoir, avait l’ait pression sur l’épiscopal grec pour lui l’aire entériner. autre discussion, les anathèmes prononcés à Rome contre Photius et ses partisans. Voir Cons’i


itnople (IV Concile de) t. m. col. L273-1307. Ainsi

.auiail être soupçonne d’avoir ent retenu à l’endroit du Saint Siège des disposil ions malveillantes.

Encore moins pourrait-on supposer de tels sentiments chez le patriarche Ignace, la victime de Photius, l’obligé de la cour romaine. Or, par un singulier revirement, il va se trouver que le patriarche ami de Rome se verra sur le point d’être excommunié par Jean VIII. alors que Photius, le condamné de 870, sera finalement réhabilité par ce même pontife. C’est là un de ces imbroglios ou aboutissait parfois l’habileté, par trop politique, de ce pape. On dénouera celui-ci, au moins en partie, si l’on veut bien remarquer que le revirement du pontife fut amené d’un côté par la tournure inattendue que prit soudain l’affaire bulgare, de l’autre par les nécessités de la politique générale de Jean A" 1 1 1.

I 1 L’affaire bulgare. — On a vii, t. ii, col. 1177-1182, qne la première conversion des Bulgares sous le roi Boris, vers 860. avait été surtout le fait de missionnaires byzantins. Puis, mécontent des lenteurs que mettait le patriarche Photius à réaliser ses rêves, Boris s’était tourné vers le pape Nicolas I er, qui promit avec le plus grand empressement d’organiser au plus vile une hiérarchie autonome en Bulgarie. La légation romaine, ayant à sa tête l’évêque de Porto, Formose (le futur pape), eut un très vif succès dans ces pays neufs. Mais le pape Adrien II ayant refusé de donner Formose comme patriarche à Boris, celui-ci se retourne à nouveau vers Byzance, et lui demande un clergé de son rite. Le patriarche Ignace, rétabli depuis 867. s’empresse de le satisfaire. Devant les prêtres venus de Constantinople, le clergé latin déjà à l’œuvre se replie sur Rome ; la Bulgarie échappait au latinisme. Bien n’était pLus sensible que cette perte à la cour romaine. Installé dans cet Illyricum que, de tout temps, Rome avait prétendu faire relever de sa juridiction patriarcale, le jeune royaume bulgare lui apparaissait comme un Bef de sa mouvance. Aussi au concile de Constantinople en 803 les légats d’Adrien II s’étaient-ils efforcés par tous les moj*ens de faire prononcer le rattachement de la Bulgarie à Borne. Leur succès fut médiocre. Tout respectueux qu’il fût des intérêts du Saint-Siège, Ignace se cramponnait à ce qu’il appelait ses droits sur la Bulgarie. Adrien II protesta, menaça, mais ne fit rien, et laissa à son successeur le soin de liquider l’affaire bulgare. Jean VIII y entra avec sa décision coutumière. Ses premières lettres à Michel, le successeur de Boris, sont particulièrement véhémentes ; il n’y est question que de la perfidie byzantine, des dangers que l’emprise grecque peut faire courir à la foi. encore mal affermie, des néophytes bulgares, de menaces contre les empiétements d’Ignace. Jaffé, n. 2002, 2’.iG3. 2996, 3130 ; cꝟ. 3246, 3261. A les lire on ne se douterait guère que le siège de Constantinople est occupé par un prélat en communion de doctrine avec Borne. Au point où en venaient tout de suite les choses, une rupture semblait inévitable entre le Saint-Siège et son ancien protégé. Des sommations, appu de menaces d’anathème, furent envoyées à Ignace. La troisième et dernière, expédiée de Rome le 10 avril 878, devait lui être portée par deux légats romains, charges d’instrumenter contre le patriarche si. dans les trente jours, il ne rappelait de Bulgarie tout le clergé byzantin. Jafïé, n. 3133. Ignace lui-même était trop engagé pour pouvoir reculer. La Providence lui épargna de trop cruels combats ; quand les légats de Jean VIII arrivèrent à Constantinople, le vieux lutteur était mort depuis longtemps déjà. 23 octobre 877. Cf. t. vil, col. 713-722.

2° Réintégration de Photius. - Par contre les envoyés ilu Saint Siège se trouvaient en présence d’une situation Infiniment plus complexe que celle qu’ils avaient prévue. Photius, qui, depuis quelque temps, avait reparu a la cour et y était rentré en laveur, n’avait pas hésité un instant a reprendre le siège que laissait vacant la