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JEAN VII - JEAN VIII, SA POLITIQUE OCCIDENTALE


Benoît de Saint-André du mont Soracte, Monumenla Germanim historien, Seriptorts, t. m. p. 700. — Langen, t. ii, p. 595 ; Gngoiw lus, t. ii, p. 191-192 ; Hodgkin, t. vi, p. 364379 : Hartmann, t. n 6, p. 75., - i„.„„

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    1. JEAN VIII##


9. JEAN VIII. pape, consacré le 14 décembre S72, mort le 15 décembre SS2. — Depuis vingt ans Jean exerçait les fonctions d’archidiacre de l’Église romaine, quand il fut, sans aucune dilliculté. semble-t-il, désigné par les électeurs pour remplacer Adrien II. Bien qu’il fût déjà âgé, et de tempérament maladif, il eut à cœur de continuer les traditions de Nicolas I t, r, son antéprédécesseur. avec lequel il avait collaboré. Doué d’une rare énergie qui confinait parfois à la violence, Jean était en même temps un esprit d’une extraordinaire souplesse, un politique des plus avisés, allant au but qu’il s’était proposé sans trop regarder aux moyens qu’il mettait en ouvre, utilisant sans trop de scrupule les instruments les plus discutables. On le vit bien dès le début du pontificat, dans la façon dont il conserva dans les hautes administrations pontificales un certain nombre de personnages tarés, dont il était impossible qu’il ne connût pas les défauts. Il se réserverait d’ailleurs, le jour venu, d’en tirer justice. Nous étudierons successivement : I Sa politique occidentale.- — II. Sa politique en Orient et spécialement ses rapports avec Photius. — III. Son activité ecclésiastique générale.

I. Politique occtdkntai.k. — Le pontificat de Jean VIII fut tout entier dominé par des questions de politique extérieure, lesquelles exercèrent sur plusieurs grades problèmes religieux une influence assez fâcheuse. Le monde carolingien, déjà fortement ébranlé depuis le traité de Verdun (843), achève de se disloquer sous les faibles héritiers de Charlemagne ; sourdement miné au-dedans par les premiers essais de la féodalité, il est continuellement attaqué au dehors par les nouveaux barbares. Normands au nord Sarrasins au midi. C’est contre les attaques sans cesse renouvelées de ces derniers que se débat la malheureuse Italie. Déjà installés en Sicile, les Sarrasins ont réussi à prendre pied dans l’Italie méridionale. Devant eux ils n’ont trouvé qu’une résistance faible et dispersée, car il n’y a plus d’autorité centrale qui s’impose dans le sud de la péninsule. Ducs byzantins, comtes carolingiens, évêques devenus seigneurs de leurs villes, sont pratiquement indépendants, et le péril sarrasin ne peut les décider à s’unir pour une commune résistance. Les uns après les autres tous ces petits dynastes ont conclu avec l’envahisseur musulman des trêves séparées, voire des traités de paix et d’alliance. Encouragé par de tels succès, celui-ci continue donc vers le nord sa marche triomphante. Rome, si elle est mise par son enceinte, récemment complétée sous Léon IV, à l’abri d’un coup de main, est exposée sans cesse à être coupée de ses communications avec le monde chrétien. Plus d’une fois, du haut des remparts de la cité léonine, ou du parapet des forts qu’il a élevés autour de Saint-Paul-hors-les-Murs, Jean VIII a pu suivre dans la campagne romaine les évolutions -de la cavalerie sarrasine. Pour lui, le musulman est le grand péril ; c’est à conjurer ce danger que s’emploie toute la politique occidentale de Jean VIII, et sa politique orientale sera bien souvent dominée, elle-aussi, par la préoccupation des menaces qui pèsent sur l’Italie du sud.

Au début de son pontificat c’est encore du côté de l’Occident qu’il cherche une protection. En Italie l’empereur Louis II, fils de Lothaire, est tout désigné pour continuer le rôle de défenseur-né du Saint-Siège, qui est proprement la raison d’être de la fonction impériale. C’est sur lui que compte le pape pour détacher les petits souverains de la Lasse Italie de leurs alliances avec les Sarrasins, JafTé a. 3012 : a lui qu’il expédie un bulletin de victoire au retour d’une cam pagne qu’il a menée lui-même contre les infidèles, JalTé, n. 3008 ; c’est en faveur de Louis qu’il intervient auprès des deux oncles de celui-ci, Louis le Germanique et Charles le Chauve pour tenter de lui faire rendre la Lotharingie, que les deux frères se sont partagée à la mort de Lothaire El. Jaffé, n. 3000. Mais la mort de Louis II. 12 août 875, vient brusquement ouvrir la succession à l’Empire et au royaume d’Italie, car le défunt ne laiss> pas d’héritier. Jusqu’à ce moment c’était le principe de l’hérédité qui avait joué pour l’accession à la couronne impériale. De Charlemagne celle-ci était passée a Louis le Pieux, puis à Lothaire, puis à Louis II, et jamais encore la question ne s’était posée de savoir qui avait le droit de désigner le candidat à l’empire. Mais il y avail le précédent du pape Léon III, conférant en 800, le titre impérial à Charlemagne ; or, avec Jean VIII et après Nicolas I er, la papauté se sentait assez forte pour disposer de la couronne au mieux de ses intérêts, en prenant d’ailleurs ce mot dans le sens les plus élevé. En fait c’est Jean VIII qui s’investit lui-même du droit de donner un empereur à l’Occident. Tout d’abord c’est vers la France qu’il se tourne, car il n’est pas question pour lui de créer un empereur strictement italien ; la puissante maison de Spolète, qui dans quelques années ceindra la couronne impériale, ne semble pas à Jean VIII une force suffisante. Comment pourrait-elle assumer la tâche qu’il demande à un empereur ? Par ailleurs les sympathies du pontife ne vont pas vers l’Allemagne. Louis le Germanique éliminé, restait le roi de France Charles le Chauve, c’est vers lui que se tourne Jean VIII. Jafïé, n. 3019 (où il faut lire Carolo Calvo et non Carolo Crasso, comme l’a très bien démontré le P. Lapôtre, Jean VIII, p. 246). Sans se faire longuement prier, Charles se rend à l’appel du Saint-Siège, triomphe aisément des forces que lui opposent dans la HauteItalie les deux fils de Louis le Germanique, Charles le Gros et Carloman, reçoit à Pavie la couronne des Lombards, arrive à Rome enfin, où il est sacré empereur le jour de Noël 875, exactement soixante-quinze ans après le couronnement de son grand-père. Avant de rentrer en France, où le Germanique commençait à lui susciter les pires embarras, Charles essaie d’organiser la défense de l’Italie et du Saint-Siège. Boson, son beau-frère, est chargé de le représenter en Lombardie : le duc de Spolète, Guy, et son frère Lambert reçoivent mission de défendre plus immédiatement le pape ; d’ailleurs en juillet 87(i, le pacte signé à Ponthion (département de la Marne), plaçait tous’es États lombards du sud de l’Italie sous la direction immédiate du pape. Le domaine temporel du Saint-Siège atteignait presque les limites théoriques que lui avait fixées, plus d’un siècle auparavant la donation de Kierzy-sur-Oi.se, en 75 I.

Pauvre domaine d’ailleurs et où le pape n’est guère suzerain que de nom. Loin de servir le pape, le duc de Spolète lui créait les pires difficultés ; les féodaux du Midi en faisaient tout autant, et ni la menace des peines ecclésiastiques, ni la crainte des jugements impériaux ne pouvaient les faire renoncer à leur politique de trêve avec les Sarrasins. Il fallait, Jean Y 1 1 1 le pensait du moins, que, toutes affaires cessantes, l’empereur se décidât à descendre une seconde fois en Italie, pour tout régler par lui-même. JafTé, n. 30773070. 3090, 3095. Le pape lit auprès de Charles de telles instances qu’en août 877 celui-ci reprenait le chemin des Alpes. Jean VIII se porta à sa rencontre à Verceil : mais au moment où Charles débouche par le val de Suse, Carloman accourt de Bavière par le Saint-Gothard, bien décidé à barrer la route de Rome à l’empereur. Celui-ci dul tourner bride ; le <> octobre 877 il mourait dans une misérable auberge de la route du mont Cenis.