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JEAN (SAINT-, ESCHATOLOGIE


johannique Personne ne vient au Christ, s’il n’est tiré par le Père, vi. 44, si le Père ne lui donne de le faire, vi, CG. Or le Père, n’a donné à son Fils en les appelant a la foi. vi. 30-40, qu’un certain nombre d’hommes, que celui-ci garde et qui semblent par suite assurés du salut. xviii.G. Les autres appartiennent au diable, a ce monde pour qui le Christ refuse de prier, xvii. 0. qui est incapable de recevoir et même de connaître l’Esprit de vérité, xiv, 17, ils sont condamnés à la perdition. D’autre part, cependant, cette influence du Père, attirant à la foi ceux qu’il veut, cette volonté divine, qui détermine ceux qui sont appelés à la foi et ceux qui sont voués à l’incroyance, ne détruisent pas la liberté morale et la responsabilité de l’homme qui sont affirmées en plusieurs endroits du quatrième évangile. Dans toute une série de textes, en effet, la foi ou l’incroyance sont attribuées à la différence des dispositions morales, dont chacun est responsable Les hommes ont mieux aimé la lumière que les ténèbres, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. m. 19-20. C’est parce que les Juifs n’ont pas en eux l’amour de Dieu, parce qu’ils recherchent la gloire du monde et négligent celle qui vient de Dieu, v, 42, 44, parce qu’ils ont trop de confiance en leurs propres lumières, IX, 41, qu’ils ne reçoivent pas le Christ. Les fidèles ne sont pas non plus tellement assurés de leur salut qu’ils ne puissent se perdre : sur la vigne divine il y a des sarments qui ne portent pas de fruits, et que le vigneron arrache du cep et jette au feu, xv, 2, 7 ; c’est pourquoi il leur est demandé, pour être sûrs d’être sauvés, de persévérer dans l’union au Christ et dans la charité, xv. 1-7 : 9-10. De même, le fait que Jésus exhorte les Juifs à croire en lui montre bien qu’ils restent libres de renoncer à la nature mauvaise pour renaître de Dieu. Comment accorder ces deux séries de textes, ces deux aspects de la doctrine johannique ? Le quatrième évangile ne contient aucune théorie destinée à concilier la prédestination et la liberté humaine : par ses affirmations qui se complètent, il a posé seulement les données du difficile problème que la théologie ultérieure essaiera de résoudre.

5. Les sacrements, moyens de salut. — La foi n’est pas la seule condition de salut ; pour devenir enfant de Dieu, il faut renaître de l’eau et de l’Esprit Saint, iii, 3-5, c’est-à-dire recevoir par le rite du baptême communication de l’Esprit divin ; pour posséder la vie divine, pour réaliser pleinement cette union mystique par laquelle le fidèle demeure dans le Christ et le Christ dans le fidèle, il faut manger la chair et boire le sang du Fils de l’homme, vi, 54, 57, c’est-à-dire participer à l’eucharistie.

On a écrit que saint Jean, tout en étant un grand spirituel, mystique et spéculatif au plus haut degré, est en même temps < un grand sacramentaliste », Christus, 3e édit., Paris, 1920, p. 1022 (cf. J. Iluby, Saint Jean, p. 27 ;, en ce sens que, tout en recommandant le culte en esprit, il fait une large place dans la religion a l’élément extérieur et sensible, en particulier aux rites dans lesquels la matière, servant de véhicule à l’Esprit, communique d’une manière mystérieuse, mais très réelle et souverainement ellicace, la vie divine a ceux qui participent à ces rites dans les dispositions convenables. Cette affirmation est de moins en moins contestée, bien que beaucoup d’exégètes protestants se refusent encore a trouver dans le. quatrième évangile de vrais sacrements, au sens catholique du mot, et continuent en particulier à ne voir qu’un pur symbole dans la communion au corps et au sang du Fils de Dieu, qui est présentée au c. vi comme la condition nécessaire pour avoir la vie éternelle. On a fait d’ailleurs justement remarquer !. I. Huby, loc. cit.), que la doctrine sacramentaire est en parfaite harmonie avec la doctrine de l’incarnation qui fait le fond

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de l’évangile johannique, doctrine qui est l’expression suprême de cette fusion du sensible et du spirituel par laquelle se caractérise l’action divine dans le monde. i De même que le Christ, tout Dieu et tout Esprit en tanl que Verbe, ne laisse pas d’être réellement incarné, le culte en esprit s’incarne dans les sacrements où agit l’Esprit et il reste spirituel sous les signes sensibles. Au lieu de se contredire, l’évangéliste est fidèle à sa théorie de l’incarnation et à son idée générale du symbolisme religieux, de la révélation des vérités éternelles dans des images temporelles, de la communication de Dieu sous les espèces des choses terrestres. » Loisy, op. cit., p. 110.

Le baptême est donc le symbole et l’instrument de la génération spirituelle et surnaturelle, par laquelle le baptisé devient enfant de Dieu. On peut remarquer que de même que l’idée de la rémission des péchés, de la conversion et de la pénitence tient moins de place dans la conception johannique du salut que dans la sotériologie des synoptiques et surtout de saint Paul, l’idée de purification s’efface, dans les passages du quatrième évangile qui font allusion au baptême, devant l’idée de régénération, qui implique d’ailleurs celle de purification, car la vie nouvelle du chrétien est incompatible avec le péché. Cf. I Joa., iii, 9.

Les deux symboles de l’eau et du sang, de l’eau qui communique la vie spirituelle, du sang qui l’entretient sont réunis dans le passage du récit johannique de la Passion, xix, 34-35, dont l’importance est marquée par l’attestation solennelle de l’évangéliste, et on a pu voir là une allusion aux deux grands sacrements chrétiens : le baptême et l’eucharistie (cf. le texte des trois témoins terrestres, I Joa., v. 7-8, où l’eau, le sang et l’esprit sont associés). Ainsi, bien que l’institution de l’eucharistie ne soit pas mentionnée dans le quatrième évangile, les allusions à l’eucharistie n’y manquent pas. En tous cas, quelle que soit l’interprétation qu’on donne au c. vi, et à supposer que dans la première partie de l’e :.tretien du Christ avec les Juifs, il ne s’agisse que de l’union au Christ par la foi, dans la dernière partie tout au moins, c’est bien de l’eucharistie qu’il est question, de l’eucharistie présentée comme une condition et un gage de vie éternelle pour l’âme, et une semence d’immortalité pour le corps, vi, 54-55, comme une communion au Christ Sauveur dans le symbole de sa mort, sa chair donnée et son sang répandu pour la vie du monde, vi, 51. Dès lors par le moyen de l’eucharistie, l’homme tout entier, chair et esprit, est intimement uni au Christ, et vivifié par lui : « De même que je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi. » vi, 58. C’est donc surtout dans l’eucharistie que le Christ se montre principe de vie pour les fidèles, et qu’il achève sa mission vivificatrice au sein de l’humanité. L’union des fidèles entre eux, sur laquelle saint Paul insiste comme sur l’un des principaux effets de la participation commune à l’eucharistie n’est pas mentionnée explicitement par saint Jean comme fruit de la communion eucharistique. Mais l’appel pressant à la charité mutuelle qui revient à plusieurs reprises dans les discours du Christ après la Cène n’est pas sans rapport avec l’eucharistie, dont beaucoup de commentateurs estiment que l’idée est sous-jac’ente à ces discours, particulièrement à la prière sacerdotale, ou est précisément proclamée avec plus de netteté l’unité des fidèles dans le Christ. Sur la doctrine eucharistique du quatrième évangile, cf. article Eucharistie d’après la Sainte Ecrituri. t. v. col. 989 1024 et 1068 i !

IV. Ks< ii icu.ui.ii.. Les éléments essentiels de

l’eschatologie dis synoptiques : retour du Christ, résurrection de, morts, jugement, se retrouvent dans le quatrième évangile, mais sous une [orme assez différente. Tandis que les synoptiques insistent sur le

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