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JEAN (SAINT), SOTÉRIOLOCIE

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c’est par l’intermédiaire du Christ, Fils de Dieu, et par l’action de son Esprit que se fait cette régénération. Tous ceux qui refusent de croire au Christ restent donc dans les ténèbres, qu’ils ont préférées à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises, in, 19 ; dans leur orgueil ils ont dit qu’ils voyaient, et ont fermé les yeux à la lumière divine, c’est pourquoi ils deviennent aveugles, ix, 39 ; au lieu de participer à la filiation divine, ils restent fils du diable dont ils veulent accomplir les désirs, viii, 44, et ils meurent dans leur péché, vin. 21.

Bien que ces déclarations ne s’adressent directement qu’aux Juifs, le Christ johannique laisse suffisamment entendre qu’il est le Sauveur, et l’unique Sauveur de toute l’humanité. Sa mort, qui marquera son triomphe sur Satan, lui attirera tous les hommes, xii, 32. Dans l’allégorie du bon pasteur, il désigne évidemment les nations païennes quand il parle des brebis qui ne font pas partie du troupeau primitif.et qu’il amènera pour qu’il n’y ait qu’une seule bergerie. x, 16. Et l’évangéliste, expliquant le sens caché d’une parole de Caïphe, précise que Jésus devait mourir non seulement pour la nation, mais afin de réunir ensemble tous les enfants de Dieu qui étaient dispersés, xi, 51.

2. La mort rédemptrice, condition du salut. — Ce dernier texte indique clairement que, dans la pensée de saint Jean, la mort du Christ a été un moyen nécessaire à l’accomplissement de sa mission de salut. L’idée de la mort rédemptrice par laquelle le Christ détruit le péché et réconcilie les hommes avec Dieu, , idée qui fait le fond de la conception paulinienne du salut, tient cependant beaucoup moins de place dans la théologie johannique. La mort de Jésus y apparaît certes comme ayant pour but et pour conséquence le salut des hommes. Jésus doit donner sa chair pour la vie du monde, vi, 52 ; il est le bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, x, 12, 18, et, en la donnant, il prouve l’amour qu’il a pour ses disciples, xv, 13. Ces textes qui indiquent les fruits salutaires de la mort du Christ ne lui attribuent pas positivement le caractère de sacrifice expiatoire. D’ailleurs la crucifixion du Sauveur elle-même n’est pas présentée, ainsi que dans les synoptiques, comme un supplice humiliant, mais il s’y mêle une idée de gloire et d’exaltation, iii, 14 ; xii, 32. L’idée de sacrifice est exprimée plus nettement dans ce qu’on a appelé la prière sacerdotale du Christ, lorsque Jésus dit qu’il se sanctifie ou se consacre, (le verbe ày-^Cw signifie tantôt l’oblation d’une victime, tantôt la sanctification qui résulte de cette oblation), c’est-à-dire s’offre en victime et se voue à la mort, pour que ses disciples soient eux-mêmes sanctifiés et consacrés à Dieu, xvii, 19. Il réalisera ainsi ce que Jean-Baptiste avait dit de lui, en le présentant comme l’agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. i, 29. Cette parole du Précurseur est le passage du quatrième évangile où se retrouve le mieux la conception paulinienne, puisque Jésus y est désigné comme une victime dont le sacrifice chasse le péché. Encore n’est-il pas indiqué nettement en cet endroit que ce sacrifice est un sacrifice expiatoire, et que c’est en prenant sur lui le péché, que le Christ agneau de Dieu réconcilie les pécheurs. L’idée de la propitiation est au contraire nettement exprimée dans la première épître johannique. Cf. col. 591.

3. Le salut, révélation de Dieu. — C’est sous un autre aspect que le quatrième évangile présente de préférence l’œuvre de salut accomplie par le Christ : elle est conçue avant tout comme une révélation de Dieu en la personne de Jésus. Le Christ est venu dans le monde comme lumière, xii, 46, et, c’est parce qu’il est lumière qu’il communique la vie : celui qui le suit aura la lumière de vie. viii, 12. Il faut croire en lui qui

est la lumière, afin de devenir enfants de lumière. xii, lit). Le salut, la vie éternelle, c’est d’abord une connaissance : connaître le seul Dieu véritable et son envoyé Jésus-Christ, xvii, 3. Connaître Jésus-Christ, c’est d’ailleurs connaître Dieu, xiv, 7, car, étant venu de Dieu, étant descendu du ciel, il est par excellence le témoin de Dieu, le témoin des choses célestes, iii, 1113 ; vi, 46. Et ce témoignage est l’essentiel de sa mission, selon la déclaration que Jésus fait lui-même à Pilate : « Ce pour quoi je suis venu dans le monde, c’est pour rendre témoignage à la vérité », xviii, 37, non pas à une vérité abstraite, mais à la vérité substantielle qu’est Dieu lui-même, à la réalité divine qui est manifestée dans le Christ. C’est pourquoi Jésus lui-même dit qu’il est « la vérité », xiv, 6, que son Esprit est l’Esprit de vérité, xiv, 17 ; xv, 26 ; xvi, 13. Il communique cette vérité non pas tant, comme un maître, par une transmission d’idées, que par une prise de possession totale de l’âme de ceux qui croient en lui : ceux-ci communient en lui non seulement aux idées divines, mais à la réalité divine elle-même.

Et c’est ainsi que le Christ est principe de vie, non pas seulement dans la gloire de sa résurrection ( ce qui est le point de vue de saint Paul), mais dans l’éternité de sa préexistence, Lebreton, op. cit., p. 465 : la vie était éternellement dans le Verbe, et il est descendu du ciel comme pain de vie, vi, 33, 35, pour donner la vie aux croyants, en leur révélant Dieu, et en les unissant ainsi à Dieu par la foi qui les unit au Fils de Dieu.

Le salut et ses conditions.

1. Le salut commencé en

ce monde. — Selon l’enseignement des synoptiques, le salut, c’est l’entrée dans « le royaume de Dieu » ou « le royaume des cieux ». On retrouve cette expression avec la même signification, au c. iii, du quatrième évangile, dans l’entretien de Jésus avec Nicomède, ^.3 et 6 ; mais dans tout le reste du livre, il n’est plus question du royaume de Dieu, et c’est l’expression « la vie éternelle » déjà employée aussi par les synoptiques, qui traduit le plus souvent l’idée du salut. On retrouve dans cette expression johannique le double aspect que présente le royaume de Dieu des synoptiques. Le royaume ne devait se réaliser dans sa plénitude qu’à la fin des temps, mais il était commencé pour les croyants dès la vie présente. De même, la « vie éternelle », c’est la vie après la mort, après la résurrection glorieuse (dans ce sens Jésus dit : « Je suis la résurrection et la vie », xi, 25, et de même v, 21 ; vi, 39, 40, 44) ; mais cet aspect eschatologique est beaucoup moins marqué dans le quatrième évangile, où le salut que Jésus apporte se réalise sur la terre même par la vie surnaturelle et divine, dont jouissent dès ici-bas ceux qui croient au Christ, iii, 26 ; v, 24 ; vi, 48, et dont la résurrection glorieuse et la vie céleste sont comme le terme logique et le couronnement, vi, 40. C’est la vie éternelle, en ce sens que c’est une vie toute spirituelle, qui ne dépend pas des conditions de temps et de lieu, et qui se réalise dans ce monde, tout aussi bien que dans le monde à venir, une vie sur laquelle la mort corporelle n’a pas d’influence et qui est indestructible, xi, 26.

2. L’union du chrétien à Dieu par le Clirisl. — Cette vie éternelle a son principe dans l’union mystique au Christ, qui, ayant la vie en lui-même, parce qu’il l’a reçue du Père, v, 26, la communique aux croyants en qui il demeure et qui demeurent en lui, xiv, 20 ; xv, 4-7, les faisant ainsi participer à la vie divine elle-même. Cette union au Christ, condition de la participation à la vie divine, est exprimée avec la plus entière netteté dans l’allégorie de la vigne, xv. 1-7. Comme le sarment ne vit et ne produit qu’autant qu’il reste uni au cep, duquel il reçoit la sève, ainsi le fidèle n’est vivant et ne produit de fruits de vie