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569 JEAN (SAINT), THÉOLOGIE TRINITAIRE ET CIIRISTOLOG 1 K r>70

Père est à moi », xvi, 15, et dire à son Père : Tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi. » x il, 10. C’est cette communication de la nature et des attributs divins qu’expriment les affirmations du Christ : « Je suis dans le Père et le Père est en moi. » xiv, 10-12. Cf xvii, 22-23 : « Moi et le Père, nous sommes un. » x, 30.

Cette unité du Père et du Fils, cette immanence réciproque du Père et du Fils t, permet de concilier l’affirmation johannique de l’égalité du Père et du Fils avec l’affirmation non moins nette de la dépendance du Fîls par rapport au Père, dépendance non point seulement de l’humanité du Christ à l’égard de Dieu, mais aussi dépendance éternelle du Fils vis-à-vis du Père : le Fils ne peut rien faire de lui-même, à moins qu’il ne le voie faire au Père. » v, 19. « Comme le Père a la vie en lui. ainsi il a donné au Fils d’avoir la vie en lui. » v, 26. Ainsi que l’a faittrôs justement remarquer le P. Lebreton, le Fils, dans la doctrine de saint Jean, n’est point conçu comme un être intermédiaire, détaché pour ainsi dire de Dieu afin d’être son instrument et son représentant, et qui aurait reçu à l’origine, pour les posséder ensuite en toute indépendance, les priviet les pouvoirs divins nécessaires à son action dans le monde : le Père demeure et agit constamment dans le Fils, étant ainsi à tout instant la source, le principe de tout ce que celui-ci possède et de tout ce qu’il fait. La divinité du Fils n’est donc pas subordonnée et inférieure à celle du Père, c’est la divinité même du Père qui lui est communiquée : « Si le Fils ne dit rien de lui-même, s’il n’a rien qu’il ne tienne du Père, c’est qu’entre le Fils et le Père tout est commun, l’action, la vie, l’être, c’est que le Fils est dans le Père et que le Père est dans le Fils. » Lebreton, op. cit., p. 483.

c) Mode et moment de V Incarnation. — Il ne faut pas chercher dans le quatrième évangile des données précises sur le mode et sur le moment de l’Incarnation. La préoccupation essentielle de l’évangéliste est de montrer en Jésus le Fils de Dieu et d’expliquer cette filiation divine par l’union du Verbe et de l’humanité ; et il ne semble pas avoir envisagé la question de l’origine de l’humanité de Jésus, non plus que celle du mode de son union au Verbe. Ce qu’on peut du moins affirmer, c’est que, pour lui, l’humanité dans laquelle le Verbe s’est manifesté était une humanité complète. S’il est dit que « le Verbe s’est fait chair », le mot chair indique ici la nature humaine en son intégrité. Dans la pensée de l’évangéliste, le Verbe n’a pas pris seulement un corps. Jésus avait une âme humaine, douée d’une intelligence et d’une volonté humaines. D’autre part, il résulte de tous les textes indiqués au paragraphe précédent, que le Verbe, en devenant homme, n’a rien perdu de ses prérogatives divines.

Saint Jean ne précise pas quel fut le moment initial de l’Incarnation. Bien qu’il ne soit question dans le quatrième évangile que de la manifestation du Verbe incarné dans la carrière publique de Jésus, et que la vie cachée du Sauveur soit en dehors de la perspective directe de l’évangéliste, on peut tenir pour certain que, dans la pensée de saint Jean, l’humanité de Jésus n’a jamais cessé d’être possédée par le Verbe. La formule erbe s’est fait chair j indique assez clairement que le Verbe ne s’est pas uni a une personnalité humaine déjà constituée, et, quoique l’évangéliste ne dise rien sur l’origine de l’humanité du Christ, sa façon de parler suppose que dès l’instant de sa formation cette nature humaine a été placée soih le domaine du Verbe. « Il paraît impossible, qu’il ait songé a faire incarner le Verbe de Dieu en un Individu qui jusqu’à sa trentième aiyiée n’aurait été qu’un homme ordinaire, né comme les autrc> hommes, sans rien qui le distinguât des autres Galiléens. » Lepin, op. cit., p. 362. Cela

suflit à montrer l’invraisemblance de la supposition faite par certains critiques (cf. Loisy, op. cit., p. 105, 181), d’après lesquels, dans la perspective du quatrième évangile, le moment initial de l’Incarnation se confondrait avec le baptême de Jésus, « parce que c’est alors seulement que la gloire du Verbe commence à se manifester dans les œuvres du Sauveur. » On verra plus loin ce qu’il faut penser de l’hypothèse complémentaire des mêmes critiques qui, voyant dans la descente de l’Esprit divin sur Jésus au baptême la représentation sensible de l’Incarnation du Verbe, estiment que, dans la pensée de saint Jean, l’Esprit que reçoit Jésus ne se distingue pas du Verbe.

Il n’en reste pas moins que la naissance terrestre du Christ, avec son caractère miraculeux, demeure en dehors de la perspective du quatrième évangile, bien que la tradition relative à cette naissance miraculeuse fût certainement répandue dans l’Église par le premier et le troisième évangiles, au moment de la composition de l’évangile johannique. La conception miraculeuse du Christ serait pourtant enseignée dans notre évangile s’il fallait lire, i, 13, ô ; oùx sÇ oûu.âxMV oùSè kv. 6eXY)u.a70ç ootpxô ;, oùSè èx 6eXy][xxtoç àvSpO ? àXX’èx Gej’j èyevvyjOr), au lieu de la leçon commune oE… èyevvr )0/)aav : c’est alors du Verbe incarné et non des croyants qu’il serait dit qu’il est né, non du sang, ni du vouloir de la chair, ni du vouloir de l’homme, mais de Dieu. Cette leçon, qui est attestée par quelques mss a pour elle le témoignage de plusieurs auteurs anciens. Sans parler d’une allusion plus ou moins claire de saint Ignace, Smyrn., i, 1, on la retrouve à coup sûr chez Irénée, Cont. hærcses, I. III, c. xvi, n. 2 et c. xix, n. 2, P. G., t. vii, col. 921-922 et 940, et dans Tertullien, De carne Christi, xix, P. L., t. ii, col. 784. Tertullien, qui connaissait la leçon actuelle, la regardait comme une altération dont il rendait responsables les valentiniens. C’est vraisemblablement aussi la leçon ô ; èyevvt ]6y) que lisait saint Justin Cî.DiaL, lxiii, 2, / Apol.. xxxii, 9, etc., P. G., t. vi, col. 620 et 380. Elle aurait donc quelque chance d’être la leçon primitive. Quoi qu’il en soit, et même avec la leçon ordinaire, on a pu dire qu’il ne serait, pas nécessaire de presser beaucoup le texte du prologue pour en tirer, sur l’origine humaine du Christ, des indications conformes à la théologie traditionnelle de l’Incarnation. Cf. Calmes, op. cit., p. 125-127.

L’EspritSaint.

L’Esprit Saint — ousimplement

l’Esprit, selon l’expression ordinairementemployéepar saint Jean — est souvent mentionné dans le quatrième évangile, en particulier dans les discours après la Cène, où Jésus promet à ses apôtres, après qu’il les aura quittés, de leur envoyer l’Esprit de vérité. Mais c’est la mission de l’Esprit Saint, son rôle dans l’Église et dans la vie individuelle des disciples du Christ, qui sont l’objet direct de l’enseignement de Jésus, beaucoup plus que la nature de ce mystérieux Paraclet, par qui se continuera et s’achèvera l’œuvre du Sauveur. De ce qui est dit des fonctions de l’Esprit Saint, xiv, 16-17, 26 ; XV, 26 ; xvr. 7-15, on peut cependant conclure immédiatement qu’il n’est pas une simple créature, mais appartient a la sphère du divin : il est envoyé par Dieu pour régénérer ; sanctifier, fortifier, consoler, pour révéler toute vérité, et son action est si divine qu’elle sera plus efficace que celle du Christ lui-même, xvi, 7. Cette action dans les âmes ne commencera d’ailleurs qu’après le retour de Jésus auprès de son Père, car l’Esprit Saint sera envoyé par le Christ glorifié, ("est pourquoi l’évangéliste dit que, durant la vie terrestre du sauveur, i l’Esprit n’était pas encore, parce que Jésus n’avait pas encore été glorilié. (vu, 39. (Le texte grec : oÛ7t(ûyàp^v -ve^xoc ndu par la Vulg il : nondum erat Spiritus datus.) L’Esprit Saint existait cependant alors auprès de