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567 JEAN (SAINT), THÉOLOGIE TRIN IT A IR K HT CHR IST0L061K

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Le nom de Fils de Dieu n’est pas appliqué au Verbe dans le prologue du quatrième évangile, sinon en tant que le Verbe incarné est identifié avec Jésus-Christ, et, dans le reste de l’évangile, la filiation divine exprime toujours la relation transcendante de Jésus avec Dieu. On s’est donc demandé si, dans la conception johannique, le Verbe ne devient pas Fils de Dieu pari’Incarnation, au lieu d’être engendré éternellement (Loisy, op. cit., p. 102). Mais — de quelque façon d’ailleurs qu’on interprète l’expression (xoveevi, ç uî6ç, iii, 16, 18, (au ꝟ. 18 du ci, la leçon occidentale (Aovoyevi, ? 6e6c, mieux attestée, est peut-être préférable à la leçon commune (xovovev/ ; ç ulôç). qui peut s’entendre ou du Verbe incarné ou du Verbe préexistant, — si l’on prend la pensée de saint Jean dans son ensemble, avec l’identité personnelle fortement affirmée du Verbe et du Fils, si l’on tient compte des textes de l’évangile, m, 17 ; x, 36 ; cf. I Joa., iv, 14, où la filiation divine semble bien donnée comme antérieure à la mission terrestre du Christ dont elle est le fondement et assure l’efficacité, si l’on remarque enfin que dans l’épître aux Hébreux la génération éternelle du Fils était déjà nettement exprimée, on devra conclure que saint Jean n’a pas envisagé la filiation divine du Christ seulement du point de vue historique, comme une génération dans le temps, mais du point de vue métaphysique, comme une filiation éternelle, dont le terme est le Verbe préexistant. Cf. Calmes, op. cit., p. 140-144.

2. Le Verbe incarné.

« Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous », i, 14, homme parmi les hommes. Jésus-Christ est le Verbe incarné, et c’est par l’analyse des relations entre Jésus et le Père qu’on peut compléter l’étude des rapports du Verbe, du Fils éternel avec Dieu. Mais on ne saurait s’attendre à trouvermarquéeensaint Jeanavectoutts les précisions fixées par la théologie postérieure la distinction entre ce qui, dans le Christ, ressortit à la divinité et ce qui appartient à l’humanité. On l’a fait justement remarquer : « chez saint Jean, plus encore peut-être que chez saint Paul, l’unité de la personne du Christ est l’objet principal de la contemplation ; l’apôtre ne méconnaît pas la distinction des natures, il n’oublie pas la diversité des rapports qu’elles fondent ; mais il est soucieux avant tout de ne pas diviser le Christ. » Lebrcton, op. cit., p. 477. Sous le bénéfice de cette remarque, on peut étudier successivement dans le Christ johannique l’humanité et la divinité.

a) La nature humaine en Jésus. - Certains critiques, Loisy par exemple, mettent une opposition radicale, on l’a vu plus haut, entre le Christ synoptique et le Christ Johannique, ce dernier étant représenté comme un être divin, dont la divinité rayonne en toutes les actions et toutes les paroles. D’autres par contre, Lepin, La valeur historique du quatrième évangile, 2e partie, p. 334, pour rapprocher le quatrième évangile des synoptiques, ont peut-être insisté un peu trop sur les caractères humains de la physionomie du Christ dans le quatrième évangile, et attribué à son humanité des traits qui, dans la pensée de l’évangéliste, semblent bien constituer des privilèges divins. Il est certain que saint Jean a mis surtout en évidence ce qui, dans la personne et dans l’activité de Jésus, était une manifestation de la gloire du Verbe incarné. Son Christ n’en est pas moins un homme, pleinement homme, dont les démarches, — on l’a indiqué déjà — sont d’un homme, dont les sentiments sont essentiellement humains. Rien de plus convaincant à ce point de vue que l’épisode de la résurrection de Lazare, xi, voir surtout p. 33, 35, 41. on notera que si l’évangéliste passe soùs silence, délibérément sans doute, certains épisodes, comme la tentation et comme l’agonie de Gethsémani, où le Christ apparaît dans une altitude qui semble lui attribuer les faiblesses de l’humanité,

il signale d’autre part le trouble qui s’empare de Jésus à la pensée de sa mort prochaine, xii, 27, et son angoisse lorsqu’il songe à la trahison imminente, xra, 21.

C’est également d’une façon humaine que le Christ johannique se comporte ordina. ; en : ent dans ses relations avec Dieu, et les sentiments qu’il exprime à l’égard de son Père sont le plus souvent ceux d’une créature humaine, qui se sent inférieure à Dieu, qui, humblement et amoureusement, reconnaît et accepte sa dépendance totale vis-à-vis de Dieu. Il déclare que son Père est plus grand que lui, xiv, 28 ; il l’aime, et, parce qu’il l’aime, fait en tout sa volonté, xiv, 31 ; xv, 10 ; viii. 29, 55 : etc. disant ce que son Père lui prescrit de dire, xii. 49-50, accomplissant l’œuvre qu’il lui a donnée à faire, iv, 34 ; xvii, 4. On a dit (Réville et Loisy) que le Christ johannique ne prie pas, ou que, s’il prie, c’est pour la forme, pour l’édification de ceux qui l’entendent. Cette interprétation de passages tels que xi. 41 : xii, 27 ; xvii, 1, ne saurait se soutenir : l’assurance d’être exaucé par le Père qui s’affirme en ces prières n’empêche pas que l’attitude de Jésus y soit celle d’un homme qui sollicite de la puissance divine l’accomplissement de ses désirs.

Faut-il voir dans le titre « Fils de l’homme », dont use assez fréquemment le Christ johannique pour se désigner lui-même, l’expression du côté humain de sa personnalité ? Il semble plutôt que, dans le quatrième évangile, comme dans les synoptiques, ce titre ait un sens messianique, en relation avec la glorification du Christ, i, 51 : v, 27 ; vi, 63 ; xii, 23. Il y a même un passage, iii, 13, où Jésus paraît dire qu’il préexistait au ciel, en qualité de Fils de l’homme : il en résulte tout au moins que le Fils de l’homme ne fait qu’un personnellement avec le Verbe éternel.

b)La nature dirinc en Jésus. — Le titre de Fils de Dieu, appliqué à la personne historique de Jésus marque dans le quatrième évangile, plus nettement que dans les synoptiques, la participation du Christ à la nature divine. Sans doute c’est encore un titre messianique, mais il s’applique à la personne du Christ, plutôt qu’il ne désigne sa mission et ses fonctions de Messie. Saint Jean ne remonte pas de la messianité de Jésus à sa filiation divine : c’est de la filiation divine entendue au sens propre que découlent les pouvoirs et l’activité messianiques ; Jésus est Messie parce qu’il est Fils de Dieu par éminence, parce qu’il possède une nature divine. Contrecette assertion on ne saurait alléguer le passage x, 34, où Jésus répond aux Juifs, qui lui reprochent de se faire Dieu, par un texte des Psaumes où certains hommes sont appelés dieux. Il s’agit là seulement d’une sorte d’argument ad hominem. < S’appuyer 1 sur ee passade pour nier le caractère métaphysique et transcendant de la filiation divine, serait aller contre ce qu’il y a de plus clair dans la doctrine johannique. » Loisy, op. cit., p. 102.

La divinité du Fils de Dieu n’est donc pas une divinité d’ordre inférieur : elle fait du Fils l’égal du Père, ainsi que l’ont compris les Juifs eux-mêmes qui reprochaient à Jésus comme un blasphème l’affirmation de cette égalité, v, 18. Égal au l’ère, le Fils l’est par sa science, qui est parfaite et universelle : i Nous savons, déclarent ses disciples, que tu connais tout et que tu n’as pas besoin qu’on t’interroge, et c’est pour cela que nous croyons que tu es sorti de Dieu, i XVI, 29. Ht l’évangéliste en toute occasion signale la connaissance Surnaturelle que possède le Christ des choses les plus secrètes, ainsi « pie de l’avenir, ii, 24 ; vi, 65 ; xii, 33, etc. Le Père et le Fils ont aussi la même puissance L’activité du Christ se confond avec celle du Père, v, 17, 20, 36, el les œuvres qu’il fait sont le témoignage irréfutable de son union avec Dieu. En un mol. le l’ère remet tout entre les mains du Fils, iii, 35 : xiu. 3. de sorte que Jésus peut déclarer à ses disciples : « ’foui ce qu’a mon