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il SAINT), fHÊOLOGIE TRINITAIRE ET CHRISTOLOGIE 566

Fils, et par celui-ci aux hommes, v, 26 ; vi, 58. Mais le trait le plus caractéristique de l’action divine, c’est qu’elle est inspirée par l’amour. Si la définition : « Dieu est amour » se trouve dans la première épître johannique et non dans l’évangile, elle y a son équivalent, car celui-ci est tout rempli des manifestations de l’amour du Dieu Père pour son Fils et pour les hommes et pourrait se condenser en cette déclaration : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, a tin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle >m, 16.

En cet amour se manifeste la paternité de Dieu. Le Père », c’est le nom le plus ordinaire et le plus caractéristique de Dieu dans le quatrième évangile. L’idée synoptique de la paternité universelle de Dieu s’y retrouve (en particulier dans les passages tels que iv. 23 : xv, 16 ; xvi. 23, où Jésus donne à Dieu le nom de Père sans allusion à lui-même) ; cependant la paternité divine y exprime d’abord et avant tout la relation mystérieuse qui existe entre Dieu et Jésus-Christ, son Fils unique, puis les rapports entre Dieu et les croyants qui, associés en quelque manière par le Sauveur à sa filiation divine, deviennent enfants de Dieu, participants à sa vie. i, 12. On pourrait même croire, à lire superficiellement certains textes, que la paternité de Dieu ne s’étend pas à ceux qui refusent de croire au Christ. Aux Juifs qui déclarent n’avoir d’autre père que Dieu. Jésus réplique en effet : « Si Dieu était votre père, vous l’aimeriez… Vous avez pour père le diable… » vui, 12. 14. Mais il ne s’agit ici que de la paternité spirituelle de Dieu, qui fait des croyants ses fils adoptifs en un sens spécial et qui suppose des conditions morales chez ceux qui veulent mériter ce titre de vrais fils. C’est dans le même sens, moral et non physique, que Jésus refuse aux Juifs le droit de se dire enfants d’Abraham, viii, 39, alors même que, par la génération charnelle, ils en sont les authentiques descendants.

Le Fils de Dieu.

Cf. article Fils de Dieu, t. v,

col. 2395-2397 et col. 2404-2406.

Dans plusieurs passages des synoptiques Jésus est désigné ou se désigne lui-même comme Fils de Dieu en un sens spécial, impliquant entre lui et Dieu une relation exceptionnelle. Mais ce caractère unique, transcendant de la filiation divine du Christ est beaucoup plus accusé dans le quatrième évangile. Il ne peut plus être ici question d’une filiation entendue simplement au sens moral et religieux ; saint Jean fait nettement reposer la filiation divine du Christ sur un fondement métaphysique. Les croyants sont bien enfants de Dieu, -réx.va tgî> G^O’j, i, 12, mais Jésus seul est dit le Fils, utéç ; il est le Fils par excellence, l’unique engendré du Père, fjiovo7ev7)ç, i, 14, 18 ; ni, 16-18, cf. I Joa., iv, 9, qui était de toute éternité dans le sein du Père, i, 18.

Pour analyser complètement l’idée de la filiation divine dans le quatrième évangile, il faut l’envisager sous un double aspect, et comme à un double moment : dans la préexistence céleste du Christ, puis dans la vie historique de Jésus.

1. Le Fils de Dieu préexistant.

En plusieurs passages des discours rapportés par saint Jean, Jésus affirme sa préexistence. Il est (bfà) elui, au présent), avant qu’Abraham ne fût, .-in, 58 ; il était glorifié avant que le monde existât, xvii. 5 ; Dieu l’a aimé avant la création du monde, xvii, 21 ; il remontera au ciel où il était auparavant et d’où il est descendu. vi, ’.'A, 62. Ces textes ne peuvent s’entendre, comme l’ont soutenu certains excrètes, Beyschlag, Wendt, etc. d’une préexistence purement idéale, dans la pensée et les desseins de Dieu : quand Jésus se déclare antérieur, a Abraham, ce n’est pas d’idées, mais bien de personnes qu’il s’agit ; la oersonne historique du Christ est ici identifiée avec un être divin, préexistant d’une

existence éternelle, comme le montre le prologue, où la pensée de l’évangéliste trouve dans la doctrine du Logos son expression définitive. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. » i, 1. En ce premier verset de l’évangile, saint Jean affirme l’éternelle préexistence du Logos, son éternelle communion avec Dieu, et enfin sa divinité. Dès cette origine des choses, èv àpxyj, dont parle le début de la Genèse, le Logos existait, ^v, et non pas commençait d’être, èyèvezo, comme les créatures. Il existait donc éternellement, et de toute éternité il était auprès de Dieu, npoç tOv 0s6v (Dieu le Père, comme l’indique l’article) ; distinct du Père par conséquent, mais dans une union intime de vie avec lui, cf. i, 18 : le monogène qui est dans le sein du Père. Il possédait lui-même la divinité : 0e6ç, sans article, n’est plus ici un nom personnel, mais indique la nature divine qui appartient au Verbe aussi bien qu’au Père.

L’évangéliste décrit ensuite l’action du Verbe dans le monde. Il est d’abord l’agent de la création : la Genèse représentait le monde comme créé par une parole de Dieu, le Verbe johannique est cette Parole substantielle, par laquelle tout a été fait, i, 3. Il est ensuite principe de vie et de lumière pour l’humanité i, 4, 9. Son action vivificatrice et illuminatrice, qui s’est exercée au milieu des ténèbres par la révélation de l’Ancien Testament, i, 10, 11, a son couronnement dans l’Incarnation, par laquelle il est venu personnellement dans ce monde, apportant aux hommes la grâce et la vérité, qu’il possède en plénitude, i, 14, 16, 17.

Au terme de cette description des attributs et de l’action du Logos, le Verbe préexistant est nettement identifié avec le Christ, auquel Jean-Baptiste rend témoignage, i, 15, 17. Et par là s’affirme la personnalité du Verbe avant l’Incarnation : ce n’est pas, comme le Logos de Philon, un être abstrait, métaphysique, une idée personnifiée, c’est un être concret, qui, après l’Incarnation, garde sa même personnalité dans son existence terrestre. C’est tellement une personne que vise saint Jean, même quand il désigne le Verbe par des termes abstraits comme la lumière, t6 çwç, qu’à ce terme neutre il fait rapporter des pronoms au masculin, od>-bi, i, Il et 12, qui montrent bien que, dans sa pensée, c’est du Christ qu’il s’agit. La différence entre la conception johannique du Logos et la théorie phi-Ionienne n’est pas moins marquée quand il s’agit-du rôle du Verbe dans le monde : le Logos de Philon est un être intermédiaire, à mi-chemin entre Dieu et le monde, et qui les unit l’un à l’autre, tandis que le Verbe de saint Jean n’est point un Dieu inférieur ; sa divinité est identique à celle du Père ; c’est par le moyen de son incarnation qu’il est un médiateur, qui « réunit Dieu et l’homme, non parce qu’il se trouve entre eux, mais parce qu’il est à la fois l’un et l’autre. » Lebreton, op. cit., p. 594.

Aussi, beaucoup plus qu’au Logos de Philon, c’est au Christ préexistant de l’épître aux Colossiens et de l’épître aux Hébreux que lait penser le Verbe johannique. Le mot Logos ne figure pas, il est vrai, dans ces deux épîtres, mais toutes les idées essentielles de la théologie de saint Jean y sont déjà exprimées. La personne historique du Christ y est identifiée avec un être divin, qui est le Fils par excellence, Col., i, 13 ; Heb., i, 2, 5, 8, préexistant à toute créature, en qui, par qui et pour qui tout a été créé, Col., i, 15-17 ; Heb., i, 2, possédant la plénitude de la divinité, Col., n, 9, et ayant droit à l’appellation divine. Heb., i, 8. Ces données de la théologie paulinienne, saint Jean leur a donné une expression encore plus nette, et les a synthétisées dans le mot de Logos, qui devenait ainsi l’expression technique de la foi chrétienne en la préexistence et en la divinité du Christ'