Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/288

Cette page n’a pas encore été corrigée

5 ;.7 JEAN SAINT), DONNÉES INTIWNSÈQI ES 1)1 Ql A 11 ! IÎ..M I ; ÉYANC.IEE 558

tranchée par là : c’est un problème de critique textuelle sur lequel les avis sont partagés. Cette péricope ne figure pas en effet dans les mss orientaux, et même les autorités occidentales, sauf le Codex Base, et quelques mss vieux latins, l’ont ignorée jusqu’au iv siècle. Elle n’a été commentée par aucun Père grec, et paraît avoir été ignorée des écrivains latins. D’autre part, la place qu’elle occupe dans l’évangile, entre deux discussions de Jésus avec les pharisiens, qui se font nettement suite l’une à l’autre, semble assez anormale. Par contre, quoi qu’en aient dit certains critiques, ce récii. ni pour le fond ni pour la forme, ne tranche de telle sorte sur les autres parties du quatrième évangile, que, à l’envisager en lui-même, on soit obligé de l’attribuer à un auteur différent. Rien n’empêche donc d’admettre son origine johannique, maison peut supposer qu’il exista d’abord isolément, soit qu’il n’ait pas fait partie de la première rédaction de l’évangile, soit qu’il en ait été détaché par des copistes, et que ce fut plus tard seulement, après bien des hésitations, qu’il fut fixé à l’endroit où il se trouve maintenant.

La question de l’authenticité du c. xxi, ou tout au moins des versets 24-25 de ce chapitre, a été examinée plus haut, col. 550. S’il était établi que ce chapitre n’appartient pas à la forme originale de l’évangile, et que c’est un véritable appendice, composé sans doute de fragments authentiques, mais ajouté au texte primitif par des éditeurs différents de l’auteur du livre, on pourrait se demander si ces éditeurs n’auraient pas fait subir certains remaniements à l’œuvre de saint Jean qui, dans cette hypothèse, n’aurait pas rédigé lui-même son évangile sous sa forme définitive. En faveur de cette supposition, on pourrait faire valoir la notice, d’ailleurs légendaire dans ses détails, du canon de Muratori sur le quatrième évangile, ainsi que certaines assertions de Clément d’Alexandrie et de plusieurs écrivains ecclésiastiques latins, qui semblent dire que l’entourage de saint Jean aurait joué un certain rôle dans la rédaction et la publication du quatrième évangile.

Les critiques, qui ont tenté l’analyse littéraire du quatrième évangile en partant de l’idée qu’il est le résultat d’un travail rédactionnel complexe, ne se contentent pas d’ailleurs de cette supposition, et vont beaucoup plus loin : si Wendt admet l’authenticité substantielle du recueil de sentences johanniques, sorte de Logia, qui formerait d’après lui le noyau de notre évangile, et si Spitta reconnaît saint Jean pour auteur du document primitif, qu’un rédacteur, par de nombreuses additions et des remaniements importants, aurait transformé, la plupart, Wellhausen, Soltau, Bacon, Loisy, n’attribuent à l’apôtre aucune part dans la formation de l’évangile qui porte son nom. Voici, à titre d’exemple, l’exposé de la théorie la plus récente, celle de M. Loisy. Le fond du quatrième évangile proviendrait d’un écrit primitif, recueil de méditations sur le thème du Christ-Sauveur, mélange de visions symboliques et de discours théologiques, dû à un prophète mystique qui vivait à Éphèse dans le dernier quart du i er siècle. Au commencement du ne siècle, on se crut obligé d’adapter à l’orthodoxie commune la doctrine et l’évangile par trop gnostiques et transcendants du mystique d’Éphèse, en rapprochant son Christ du Christ synoptique et en faisant une place aux croyances eschatologiques. Ce travail rédactionnel ne se fit pas en une seule fois ni d’une seule main. On distingue surtout deux étapes : la première, la plus importante, caractérisée par l’adjonction de la plupart des matériaux empruntés à la tradition synoptique et par la fixation du cadre chronologique ; la seconde, plus tardive (vers 130-140) caractérisée surtout par l’addition du c. xxi, mais qui dut comporter

d’autres additions et remaniements dans le corps du livre, notamment en ce qui concerne le disciple bienaimé mis en vedette comme l’auteur de l’évangile.

Ce système, on le voit aisément, est fait surtout de conjectures dont le point de départ est une conception préconçue du développement de la tradition évangélique. Quant aux raisons positives qu’on fait valoir pour contester l’unité littéraire du quatrième évangile (défaut de liaison et de suite dans les développements, incohérences, répétitions, nuances doctrinales), elles ne paraissent pas suffisantes pour prévaloir contre l’unité d’esprit, de vocabulaire et de style qui se révèle si fortement d’un bout à l’autre du livre pris dans son ensemble. Pour expliquer les faits allégués à l’appui de la théorie documentaire, il suflit d’admettre, comme 1e fait Stanton, op. cit., p. 50 sq., que la matière de l’évangile a fait l’objet de l’enseignement oral de saint Jean avant d’avoir été consignée par écrit, qu’elle a été rédigée d’abord par fragments, et que ce serait de la réunion de ces fragments que l’évangéliste aurait composé son livre, dont on ne saurait s’étonner dès lors qu’il ne présente pas l’unité parfaite d’un ouvrage écrit d’un seul jet. L’hypothèse — qui ne s’impose pas sans doute, mais qui n’est pas invraisemblable, et n’est pas opposée à l’authenticité substantielle du livre — de la publication de l’évangile par les disciples de saint Jean après la mort de l’apôtre, empêché de mettre lui-même la dernière main à son œuvre, achèverait de résoudre les diflicultés, qui servent de point de départ à la théorie documentaire.

2. Distinction entre l’auteur et le rédacteur.

Y a-t-il avantage à aller plus loin, et les difficultés du problème johannique seraient-elles atténuées, si l’on attribuait à un disciple de saint Jean non seulement la publication, mais encore la rédaction du quatrième évangile, dont l’authenticité johannique ne serait plus qu’une authenticité médiate, l’auteur direct du livre y ayant consigné par écrit la catéchèse de saint Jean, à peu près comme saint Marc fixa dans son évangile la prédication de saint Pierre ? Cette hypothèse, qui paraît s’imposer à des critiques conservateurs, tels que Stanton, soulève, semble-t-il, plus de difficultés qu’elle n’en résout. On ne s’expliquerait guère dans ce cas que la tradition ecclésiastique n’ait attaché au quatrième évangile que le seul nom de l’apôtre saint Jean, et n’ait gardé aucun souvenir du véritable auteur du livre qui pourtant, s’il est, en même temps, comme on doit le supposer, l’auteur des épîtres johanniques, dut tenir une place importante et jouir d’une grande autorité dans les Églises d’Asie. D’autre part, si l’on s’explique difficilement qu’un pêcheur du lac de Tibériade soit devenu le théologien du Logos, le profond mystique du quatrième évangile, il faudrait admettre une transformation du même genre, et qu’il ne serait pas beaucoup plus aisé d’expliquer, chez le rédacteur du quatrième évangile, supposé différent de saint Jean, puisque ce disciple de l’apôtre devrait être comme lui, on le reconnaît, un Juif palestinien, venu en Asie et qui se serait assimilé la culture hellénique. La différence d’âge et peut-être de condition qu’on peut supposer entre le disciple et le maître ne diminue pas beaucoup la difficulté de cette assimilation. Cf. Lebreton, Bulletin d’histoire des origines chrétiennes, dans Recherches de science religieuse, 1921, p. 241 sq.

Cette difficulté n’a-t-elle pas d’ailleurs été exagérée ? Si saint Paul, juif de naissance, pharisien d’éducation, s’adapta de telle façon à la mentalité grecque qu’il réussit à traduire sa foi en des formules acceptables pour des esprits formés par la culture hellénique, pourquoi saint Jean, qui passa sans doute assez jeune en Asie, n’aurait il pu lui aussi, s’assimiler, au cours d’un demi-siècle d’apostolat, tout ce qu’il y avait de fécond dans les conceptions religieuses caractéristiques du