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ISAIE, LE LIVRE - Al THENTICITÉ

tiennent’l’une manière absolue l’unité d’auteur du livre d’Isaîe, et ceux qui Is rejettent complètement, il

faut rangerai] certain nombre d’auteurs qui. persuades d’une manière générale de l’authenticité du livre d’Isaîe, font une exception pour les chapitres xxxvixxxix. Ils appuient leur sentiment sur les raisons suivant

a. — Ces chapitres mentionnent encore la mort de Sennachérib, xxxvii, 38 arrivée en 681. Or il est peu probable qu’Isale, ayant commencé son ministère en 74D, ait survécu à Sennachérib.

b. — Ces chapitres placent l’expédition de Sennachérib la quatorzième année d’Ézéchias, xxxvi, 1. Semblable erreur chronologique ne peut être attribuée à Isaîe.

c. — Dans tous ces chapitres. Isaïe est lui-même mis en scène : on parle de lui à la troisième personne, xxxvii, 2-5, 21 ; xxxviii ; xxxix, 3-5. Ce sont des épisodes de la vie d’Isaîe racontés par un narrateur autre que lui, comme nous en trouvons au chapitre vu et au chapitre xx. C’est un narrateur aussi qui a joint dans le même récit, xxxvii, la prédiction del’échec des Assyriens et de la mort de Sennachérib, et l’accomplissement de cette prédiction.

d. — On apporte souvent aussi contre l’authenticité de ces chapitres le fait de leur dépendance vis-àvis de IV Reg., xviii, 13-xx, 19 ; mais ce problème littéraire est très complexe et mérite un examen spécial. Voici les faits : le texte du livre des Rois est certainement parallèle à celui d’Isaîe qu’il reproduit presque textuellement. A côté de divergences de moindre importance, on note deux variantes principales : le livre d’Isaîe ne parie pas du tribut payé par Ézéchins, d’après IV Reg., xviii, 14-16 ; par contre, il insère le cantique d’Ézéchias dans xxxviii, 9 20. A part cela, le texte des Rois est plus circonstancié, il nous est parvenu, d’une façon générale, dans un meilleur état de conservation. Le livre des Rois, comme ce lui d’Isaîe, raconte la maladie d’Ézéchias et l’ambassade de Mérodach, après l’expédition de Sennachérib placée la quatorzième année d’Ézéchias.

Les anciens commentateurs d’Isaîe n’ont guère cherché à résoudre ce problème littéraire. Cf. Touzard, De la conservation du texte hébreu, Étude sur Isaïe, XXXVi-xxxix, dans Revue biblique, 1897, p. 188191. Cependant, Eusèbe de Césarée’Y710ji.vT)u.aTa etç’Haaiav, P. G., t. xxiv, col. 344, laisse entendre que le rédacteur du livre prophétique, qui est, à ses yeux, Isaïe lui-même, a emprunté ces récits au livre historique. Telle est aussi l’opinion de Procope de Gaza, ’Etu-ou./", tejv elç tov — poçT)T7)v’Haatav Siatp6pwv

r, -rpeojv, P. G., t. lxxxvii, col. 2309-2312. La plupart

des ex< gètes modernes se sont appliqués à résoudre la difficulté. Ils sont d’ailleurs loin de s’entendre sur la manière. Voici les principales solutions.

Le rédacteur du livre des Rois aurait emprunté ces chapitres au livre d’Isaîe, et les versets 14-16 proviendraient d’une autre source. Mais pourquoi aurait-il omis le psaume d’Ézéchias, lui qui se plaît à raconter les actions d’éclat de ce prince ? A moins de dire que ce psaume, provenant d’un recueil de morceaux liturgiques, a été inséré dans le livre d’Isaîe tardivement, après l’emprunt fait par le livre des Rois. Mais, si le texte d’Isaîe est primitif par rapport à celui fies Rois, comment se fait-il que celui-ci soit meilleur et plus complet ?

Le rédacteur du livre d’Isaîe aurait emprunté ces chapitres au livre des Rois, dont le texte aurait été, d’une façon générale, abrégé, et d’un autre côté, amplifié par l’insertion du cantique d’Ézéchias. Cette opinion a beaucoup de partisans parmi les critiques qui rejettent l’authenticité isaïenne des chapitres xxxvixxxix. Elle s’appuie sur le fait qu’on rencontre dans ces

chapitres d’Isaîe, les expressions lavorites du rédacteur final du livre des Rois. Is., xxxvii, 35 et III Reg., xi, 12 sq, 32, 34 ; Is., xxxviii, 3 et III Reg., viii, 61 ; xi 4, etc. Llle rend compte aussi de l’abréviation de IV Reg., xx, 1-Il dans Is., xxxviii. Mais comment expliquer alors que la même interversion chronologique qu’on trouve dans les chapitres d’Isaîe se rencontre aussi dans le livre des Rois ? On peut trouver une raison à cette interversion dans le livre d’Isaîe : les chapitres xxxvi-xxxvii peuvent servir de conclusion à la première partie du livre, et les chapitres xxxviiixxxix, d’introduction à la seconde ; mais la transposition ne se justifie pas dans le livre des Rois. Faut-il dire que le désordre existait déjà dans le document dont s’est servi le rédacteur du livre des Rois ? ou bien que le livre d’Isaïe a réagi à son tour sur le livre des Rois ?

Le rédacteur du livre d’Isaîe et le rédacteur du livre des Rois auraient emprunté ces récits à une même source, soit à une biographie du prophète Isaïe à laquelle se rattacheraient aussi les fragments biographiques des chapitres vu et xx, soit à un autre ouvrage d’Isaîe, peut-être cette vision du prophète Isaïe qui, au témoignage de II Par., xxxii, 32, contenait le récit des actions d’Ézéchias et de ses œuvres pieuses. Cet emprunt aurait été fait d’une façon indépendante par les deux rédacteurs et le livre des Rois aurait plus fidèlement conservé sa source que celui d’Isaîe ; ou bien le livre d’Isaîe dépendrait de cette source médiatement, par l’intermédiaire du livre des Rois. L’hypothèse qui rend le mieux compte de l’ensemble des faits paraît être la suivante : le rédacteur du livre des Rois a puisé les éléments de son récit dans une composition d’origine prophétique, biographie d’Isaîe ou vision du prophète Isaïe, fils d’Amos, laquelle n’a pas nécessairement Isaïe pour auteur. Il a emprunté la mention du tribut payé par Ézéchias à une autre source. Le récit du livre d’Isaîe dépend de celui du livre des Rois qu’il abrège. Le cantique d’Ézéchias a une autre provenance ; son insertion tardive au chapitre xxxviii d’Isaîe a bouleversé l’ordre logique des éléments de ce chapitre. L’interversion chronologique des événements dans les chapitres xxxvi-xxxix paraît être le fait du rédacteur final du livre d’Isaîe, et ce phénomène, par la faute des scribes et des copistes, a ensuite réagi sur la disposition des événements dans IV Reg, xviii, 13-xx, 19.

2. La seconde partie du livre d’Isaîe, xl-lxvi. — L’origine isaïenne de ces chapitres a été admise sans contestation jusqu’au moyen âge. Alors, Aben Esra, ( Abraham benMeïrben Esra.t 1167) émit le premier quelques doutes touchant l’attribution de ces chapitres au grand prophète du viiie siècle. Il conjectura qu’ils devaient avoir été composés pendant l’exil de Babylone, et, cherchant l’auteur auquel on pourrait les assigner, il avança la supposition que ce pourrait bien être le roi Jichonias. De la fin du xiie siècle à la fin du xviii*, la question n’a plus guère été discutée. En 1775, Doederlein, et en 1782, Eichhorn, rejetèrent l’authenticité de la seconde partie d’Isaîe, et en placèrent la composition vers la fin de l’exil babylonien. Ils furent suivis par Gesenius, Ewald et la grande majorité des critiques protestants ; ils furent combattus par Hengstenberg, Keil, Kleinert, Rutgers, etc. Franz Delilzsch, après avoir vigoureusement défendu le point de vue traditionnel, s’est finalement rallié à l’opinion dite critique. La plupart des exégétes catholiques ont, jusqu’à présent, maintenu l’unité et l’authenticité du livre d’Isaîe, et le décret de la Commission biblique du 29 juin 1908. De libri Isaite indoh et auctore, est venu apporter l’appui de son autorité arguments en faveur de la thèse traditionnelle. Nous nous elîorcerons d’exposer l’état de la question le plus clairement et le plus objectivement qu’il nous s ra possible de le faire.