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499 JANSÉNISME, QUESTION DE DROIT ET QUESTION DE FAIT 500

lorsqu’il est observé par amour de la justice ; or cela n’est possible que par la grâce efficace, car la grâce suffisante augmente le désir du péché, rend prévaricateur et fait abonder le péché, t. iii, De qratin Christi, t. I, c. vii, vin ; en effet, l’homme charnel, avec la loi et sans la grâce, pèche plus facilement, plus souvent et plus ardemment ; aussi la loi tnultiplie-t-elle les péchés. Ibid., c. xi. Il est faux que la loi ait été donnée à tous « vec la grâce suffisante (thèse des scolastiques) ; elle a été donnée pour enseigner la nécessité de la grâce adjuvante, ibid., c. xiii et pour faire naître l’humilité. Ibid., c xii, xiv ; l. III, c. iv, v. Dans l’Ancien Testament, Dieu ne promet que des choses temporelles (rich ?sses, biens, paix, victoire) ; aussi l’espérance et la charité des Juifs étaient vicieuses ; ils n’observaient la loi qu’en apparence et ils ne dépassaient guère les gentils qu’en ce sens qu’ils demandaient ces biens temporels au vrai Dieu. Ibid., . III,

c. VI.

G. La crainte de Dieu ; fc’Jrition. — La errinte de Dieu ou la crainte des châtiments ne suffît pas pour l’accomplissement d’un précepte. T. iii, De gralia Christi, t. V, c. xxv. Il est impossible que celui qui s’abstient de pécher uniquement par crainte du châtiment, ne pèche pas, car la volonté, dans ce cas, ne s’écarte pas vraiment du péché : elle ferait le péché, si elle le pouvait impunément ; aussi elle fait une œuvre bonne devant les hommes, mais non point devant Dieu, car elle n’aime pas ce qu’elle fait, mais tout autre chose qu’elle craint de perdre. T. ii, De statu nuturæ lapsir, 1. 1 1, c. xv.

La crainte laisse attaché au péché dont elle ne détourne ni l’intelligence ni la volonté, t. iii, De gralia Christi, t. V, c. xxi, xxii ; seule, la charité change la volonté ; la crainte presse et ne détruit point la cupidité ; elle retient la main et non le cœur et la volonté, ibid., c. x ; par suite, les scolastiques sont dans l’erreur, quand ils enseignent que la seule crainte fait vraiment fuir le péché. Ibid., c. xix.

La crainte de l’enfer vient de Dieu, mais n’est pas une grâce de Jésus-Christ, laquelle est uniquement charité. Ibid., c. xin. L’attrition vient de l’amour de soi, de l’amour de son corps qui redoute les châtiments ; ce n’est pas une disposition à la justification. Ibid., c. xxv. Le concile de Trente ne parle pas de cette attrition des scolastiques qui procède de la seule crainte, mais de la contrition qui est une forme de la charité et qui renferme toujours la détestation et la douleur du péché. Ibid., c. xxvi.

7. La prédestination et ta réprobation.

Le péché originel a (ail de tous les honmies une masse de perdition et il est, par conséquent, la cause radicale de la damnation.

A cette masse, par miséricorde, Dieu arrache ceux qu’il veut ; il les prédestine et à ceux qu’il a ainsi

librement choisis, il remet les péchés ; il éloigne d’eux les maux qui sont justement infligés à tous ceux qu’il a laissés dans la masse ; il dissipe leur ignorance et guérit leur cécité ; il leur accorde toutes les grâces nécessaires pour qu’ils arrivent infailliblement au salut. I. ni. De gralia Christi, I. 1, c. viii-x,

Ceux qu’il n’a pas choisis et que, très justement, il

abandonne dans la niasse de perdition, restent dans

l’ignorance et l’endurcissement, uniquement parce que Dieu a décidé de ne pas les sauver ; écartés du décret de libération posi par Dieu, quoi qu’ils fassent, ils seront damni i, Ibid, I. IX, c. xx ; ils sont réprouvés

par un deent positif de Dieu qui, lil rement, a décidé de les laisser dans l’état où ils se trouvent par le fait du pécbé originel et d’où il a tiré librement ceux qu’il a voulu. Ibuu, I. X, e u. Ainsi le péché originel est non seulement la cause de la réprobation négative, mais encore de la réprobation positive par laquelle

Dieu, positivement, a décrété de laisser le plus grand nombre des hommes dans la masse de perdition, parce qu’il les juge indignes du bienfait de la vie éternelle, qu’ils soient adultes ou enfants, fidèles ou infidèles, justifias ou pécheurs ; car, pour être délivrés, il faut persévérer dans la justice jusqu’à la fin. Il ne suffit pas d’être délivré du péché originel par le baptême, car, à cause du péché originel même effacé, Dieu peut ne pas vouloir délivrer totalement de la masse de damnation, puisque la concupiscence demeure encore et détermine au péché, si Dieu n’accorde pas des grâces victorieuses pour en triompher. Ibid., I. X, c. ni. La libération comprend donc de nombreux degrés : inspiration surnaturelle, foi et rémission du péché originel par le baptême, grâces efficaces et enfin persévérance finale : tout cela dépend uniquement de la miséricorde de Dieu et, seule, la persévérance finale constitue la libération totale de la masse de perdition. Ibid., c. iv. La réprobation positive comprend l’aveuglement, l’endurcissement, l’abandon de Dieu, toutes les peines de cette vie et enfin la damnation Ibid., 1. v. Qui n’est pas délivré de tous ces maux n’est point élu, et, bien que justifié pour un temps, n’est pas réellement séparé de la masse de damnation. Ibid., t. IX, c. ix.

Les enfants morts sans baptême sont damnés et subissent la peine du sens. T. il, De statu naturse lapsse t. III, c. xxv, et ouvrage de Florent Conrius publié avec VAuguslinus.

V. Après la condamnation des cinq propositions jusqu’à la paix de Clément IX (165 : *- 1068). — 1° La « question de droit » et la « question de fait ». — La bulle d’Innocent X fat reçue dans tous les pays catholiques. En France, la conduite des défenseurs de Jansénius fut assez, équivoque. La plupart, suivant les expressions du Journal de Saintvmour, se soumirent à la bulle et déclarêrenDcondamner les cinq propositions dans tous leurs mauvais sens, étant donné que cette condamnation ne touchait pas la doctrine de la grâce efficace par elle-même ; mais la soumission de beaucoup n’était pas sincère. Ils adhéraient au jugement du Saint-Siège et condamnaient les propositions partout où elles se trouvaient : mais ils niaient qu’elles fussent dans Jansénius ou qu’elles fussent condamnées dans le sens de Jansénius et qu’elles eussent été soutenues par eux. Bref, la condamnation qui atteignait les propositions prises en elles-mêmes, n’atteignait point VAuguslinus, car le sens de Jansénius était pleinement d’accord avec les principes de l’orthodoxie la plus parfaite, puisque c’était le sens de saint Augustin. Le* propositions condamnées ne se trouvaient dans VAuguslinus, ni quant aux termes ^’du moins les quatre dernières), ni quant au sens hérétique condamné par la bulle ; Jansénius, en elTet, n’enseignait que la pure doctrine de saint Augustin, autorisée durant tant de siècles par l’Église et à laquelle Innocent X lui-même avait déclaré ne vouloir en rien porter atteinte.

Dans une Relation abrégée sur les cinq propositions condamnées par la Constitution du pape, composée en 1653, mais publiée seulement en 1717, Arnauld prétend : 1° que les propositions condamnées ont été fabriquées par Cornet et ses partisans et ne sont tirées ni de Jansénius ni d’aucun autre auteur ; 2° que personne ne les soutenait ni ne les avait soutenues dans les divers sens hérétiques qu’elles pouvaient avoir ; 3° que la députai ion envoyée à Rome n’avait nullement pour pu1 de soutenir ces propositions, mais seulement de défendre la doctrine de saint Augustin cl d’empêcher que, sous prétexte d’erreurs et d’hérésies, on ne donnât quclqu’alteinte à cette doctrine très catholique.

Le P, Annal entreprit alors de montrer que les cinq