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JANSÉNISME. I.KS CINQ PROPOSITIONS


pas contrainte par une coaction ou violence extérieure, pour qu’on puisse dire que cet acte est en notre pouvoir. L. VIII, c. iv. iii, viii, xxxv, xxxviii. 11 écrit : Bx quo fit ut apud eos (Patres et peteres theologos) liber actus sit idem qui non coactus, qui non sit nobis nolentibus sen irvids, et nui hoc ipso est in r.ostra potestate. L. VII, c. v.

Le pouvoir de choisir le bien ou le mal consiste uniquement, d’après Jansénius, en ce fait que la volonté veut et agit spontanément et avec délectation et non point malgré elle, sous le coup de la violence et de la coaction ; elle n’est point mue et poussée par un mouvement aveugle de la nature, mais elle agit par un jugement qui précède et elle se meut de son propre mouvement, bien qu’elle veuille et agisse sous l’influence d’une nécessité inéluctable, comme celle, qui, chez les bienheureux, découle de la vision intuitive. C’est donc simplement un pouvoir sans coaction et sans violence, et non peint une faculté qui, à son gré et d’elle-même, puisse prendre tel ou tel parti.

C’est donc avec raison, ce semble, que le P. Annat et d’autres adversaires du jansénisme ont d’A que cette conception de la liberté est, en dépit des termes employés, pleinement d’accord avec celle des calvinistes.

Les défenseurs de Jansénius, après avoir longtemps attaqué 1rs thèses thomistes, prétendent être, sur ce point, d’accord avec elles. A l’homme qui est sous l’influence de la grâce, Jansénius, disent-ils, attribue la même puissance que les thomistes. La grâce efficace par elle-même de Jansénius est identique à la grâce efficace de ces théologiens. Jansénius attribue à la volonté une simultanéité de pouvoir mais non point une puissance de simultanéité ; simultas (acultatis, non autem facultalem simultatis. L. VIII, c. iv, xx.

Mais Jansénius avait pris soin de distinguer ses thèses de celles des thomistes : au t. VIII, c. ii, il signale sept différences capitales entre ses théories et les leurs au sujet de la grâce suffisante qu’il rejette, au sujet de l’indifférence essentielle’à la liberté et au sujet de la manière de comprendre les sens divisi et composé.

Jansénius n’admet point de grâce purement suffisante, ni d’indifférence active. La délectation victorieuse (grâce ou cupidité) crée un lien que la volonté ne saurait briser et qui attache la volonté de telle sorte que, tant qu’il existe, l’acte opposé est réellement et physiquement impossible. L. VII, c. ii, iii, v. La délectation est une chaîne qui lie la volonté dans le bien ou dans le mal et lui ôte tout pouvoir vrai de faire l’acte opposé, tout comme le démon n’a plus le pouvoir d’aimer la vérité éternelle. Comme les deux délectations ne peuvent être simultanément victorieuses, il suit que l’acte bon ou l’acte mauvais est toujours en dehors de notre pouvoir. L. IV, c. ix.

Les thomistes disent cm’avec la grâce efficace, la volonté ne peut pas faire le mal, ni faire le nien avec la seule grâce suffisante, car, d’après le système thomiste, la grâce efficace se rapporte à l’acte second et non à l’acte premier lequel est déjà complet par la grâce suffisante. La grâce efficace est l’application de la faculté à l’acte lui-même ; or il n’est pas possible que la puissance soit appliquée à i’acte et n’agisse pas. Il répugne que Dieu, par sa prémotion, concoure a l’acte de la créature et que celle-ci n’agisse pas., car, autrement il agirait et n’agirait pas en même temps. Cependant, tous les thomistes admettent que, tandis que la volonté est appliquée s. l’action par la grâce efficace, la volonté conserve une véritable puissance prochaine de ne pas agir, une puissance qui n’est nullement liée et empêchée par une nécessité antécédente ; en un mot, en même temps qu’elle a la grâce

efficace, la volonté possède un vrai pouvoir de ne pas agir. L’efficacité « le la préniotion divine ne consiste qu’en ce qu’elle enlève â la volonté le pouvoir libre de la rejeter, si elle veut, mais en même temps, de fait, elle ne la rejette pas.

Pour Jansénius, il en est tout autrement : la seule délectation victorieuse rend la volonté libre et capable de faire des actes, de sorte qu’en l’absence de cette délectation, la volonté ne peut pas vouloir et elle est absolument impuissante ; comme, d’autre pari, les deux délectations, en cette vie, ne peuvetit jamais être victorieuses simultanément, l’une doit nécessairement triompher et, par suite, les deux pouvoirs ne peuvent coexister. L. II, c. v ; 1 VIII, c. xx.

Pour Jansénius, la simultanéité des puissances n’est pas autre chose que l’inconstance et le changement d’état de la volonté qui, dans la vie présente, peut être délivrée, par la délectation opposée, de la délectation présente. Ce changement possible de notre état nous distingue des élus et des démons dont l’état est définitif. Bref, il reste en nous, non point une simultanéité de puissance active, toujours capable de choisir entre p’usieurs actes, mais simplement une simultanéité passive, c’est-à-dire, une capacité de passer de l’état de captivité à un autre état de captivité. L. VII, c. v. Il n’y a pas une vraie simultanéité de puissance, mais seulement une succession possible de pouvoirs, tandis que, chez les élus et les damnés, 11 y a une fixité absolue de puissances.

D’ailleurs Jansénius ne songe point à faire appel à la théorie thomiste qui, dit-il, est complètement inconnue de saint Augustin, des Pères et des premiers théologiens, t. VIII, c. iv, v, et il s’applique à montrer que, d’après saint Augustin, la volonté, sous l’influence de la grâce, ne se meut pas comme un tronc, comme une souche, mais agit vraiment sans violence, en voulant le bien, quoiqu’elle y soit portée par une nécessité inéluctable. L. VIII, c. v, xx.

D’autres disciples de Jansénius prétendent que la nécessité dont parle l’évêque d’Ypres est une nécessité volontaire conséquente, absolument semblable à celle de la grâce efficace in sensu composite des thomistes et non point une nécessité antécédente. L. VI, c. xxxvri.

M Mais c’est mal interpréter la pensée de Jansénius La nécessité découle de la délectation victorieuse indélibérée et d’une pleine connaissance de la raison, mais elle détermine la volonté et elle détruit entièrement le pouvoir de faire l’acte contraire.

Ordinairement on appelle nécessité conséquente celle qui découle du libre choix de la volonté, l’acte que la volonté s’est imposé à elle-même avec le pouvoir de faire un autre acte ; par contre, la nécessité antécédente précède le consentement de la volonté ; elle vient ou d’un principe externe contraire à la volonté (c’est la nécessité de coaction) ou d’un principe intrinsèque qui précède tout jugement (nécessité involontaire).

Jansénius change entièrement le sens de ces mots et appelle nécessité conséquente celle qui dérive d’une délectation victorieuse indélibérée qui nécessite la volonté, sans lui laisser le pouvoir de faire l’acte contraire. Ainsi Jansénius se sépare entièrement des thomistes qui appellent nécessité conséquente celle qui dérive de la grâce efficace.

On peut ramener les thèses de Jansénius en cette matière aux propositions suivantes : 1. l.c libre se confond avec le volontaire. 2. La liberté est détruite seulement par la coaction ou violence et par la nécessité involontaire, mais elle peut se concilier avec la nécessité simple volontaire qui, précédée d’are connaissance, pousse la volonté à un acte, de telle sorte qu’elle ne peut s’en abstenir.’'. Cette