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JANSÉNISME, LES CINQ PROPOSITIONS


ser au pape Innocent X. Habert, le théologal de Paris, fut charge de faire la lettre au Pape ; elle fut signée de 85 évêques auxquels trois autres se joignirent dans la suite. Pour faire cerscr les discussions qui, depuis dix ans, troublent l’Église, les évéques supplient le

Pape de « définir clairement et distinctement de

porter un jugement clair et distinct » sur chacune des propositions qui suivent sur lesquelles « la dispute est plus dangereuse et la contestation plus échauffée. Ils citent les cinq propositions et demandent encore « de prononcer sur le sens de ces propositions un jugement clair et distinct. »

A la demande de quelques évêques opposants, Arnauld publia des Considérations sur la lettre de M. l’évéque de Vabres, Œuvres, t. xix, p. 43-73, et le P. dom Pierre de Saint-, Joseph répondit parune Défense de MM. les évêques qui ont écrit au SaintPère touchant quelques points de la doctrine de Jansénius pour répondre aux considérations très inconsidérées que les jansénistes ont /ailes sur leur lettre. Onze prélats, parmi lesquels Gondrin, archevêque de Sens, Gilbert de Choiseul, évêque de Comminges, Vialart, évêque de Chàlons, Henri Arnauld, évêque d’Angers et frère du grand Arnauld, écrivirent au pape pour le prier de ne point se prononcer avant que l’Église de France eut examiné les propositions.

Le pape nomma une commission chargée spécialement d’étudier les cinq propositions (12 avril 1651) ; les quatre cardinaux désignés se réunirent le 20 avril et, sous la présidence du cardinal Jules homa. examinèrent les propositions qu’ils comparèrent à celles de Baius, en attendant l’arrivée des députés français. Les quatre envoyés des jansénistes : Louis de Saint-Amour, Brousse, de La Lane, docteurs de Sorbonne et Angran, licencié, arrivèrent à Rome les premiers, avant Hallier, Joisel et Lagault, députés des 88 évêques. Le cardinal Roma demanda des mémoires à tous les députés (Il juillet 1652) ; ce cardinal étant mort le 16 septembre fut remplacé par le cardinal Spada, devenu doyen de la Congrégation, nui fut lui-même remplacé comme membre de la commission par le cardinal Pabio Chigi, le futur Alexandre VII. La commission choisit onze consulteurs : les Pères Vincent Candide et de Pretis, dominicains, le P. Visconti, général des augustins, le P. Raphaël Avensa, général des Théatins, le P. Modeste de Fcrrarc, procureur général des cordeliers, le 1’. Dominique Cumpanella, carme déchaussé, le P. Luc Wadding, franciscain, le P. Marc Antoine Carpinetti, procureur général des capucins, le P. Ange Marie de Crémone de l’ordre des servîtes, le P. d’Elbene, supérieur des théatins, le P. Sforza Pallavi et ni, jésuite. Les pp. Célestln Bruni, augustin et Augustin Tartaglia, canne déchaussé, se joignirent bientôt aux onze consulteurs. Albizzi, assesseur général de la S. C. de l’Inquisition, fut le secrétaire de la commission. Rapin, Mémoires, t. ii, p. 36-41.

L’examen des propositions dura plus de deux ans (du 16 avril 1651 au 31 mai 1653). La première congrégation avec les consulteurs fut tenue le 24 septembre 1652. Chacune des propositions fut d’abord discutée devant les cardinaux par les consulteurs, (landes séances privées, d’octobre 1652 a janvier 1 Rapin, Mémoires, t. ii, p. 1-24, 31-48, 53-55, 63-73, 81-120 ; Dumas, Histoire des cinq propositions, t. i, p. 23*26, tandis que le pppe est tenu au courant de toutes les conférences. Le 27 janvier 1653, le cardinal Spada invita les députés jansénistes et antijansénistes a défendre leurs sentiments devant les cardinaux et les consulteurs. Les séances du mois de février furent consacrées a résumer les conclusions générales ; enfin durant les mois de mars et d’avril, en onze séances auxquelles assistait le pape, on examina de nouveau lis propositions. Après avoir entendu les députes des

deux partis et lu les écrits, composés par eux, le pape, avec l’aide des cardinaux et des consulteurs, rédigea la bulle qui parut le 31 mai 1653 et qui qualifiait chacune des cinq propositions.

Le pape ajoutait qu’il n’entendait point, par cette déclaration, approuver, de façon quelconque, les autres opinions qui sont contenues dans le livre de Jansénius. Texte dans Duplessis d’Argentré, Collrctio judiciorum. t. ni b. p. 261.

La bulle Cum occasione fut envoyée avec un bref au Roi très chrétien et à tous les princes catholiques. Elle arriva en France le 20 juin et le nonce la remit au roi avec le bref du pape le 3 juillet. Le conseil hésita à la recevoir, disent les jansénistes, à cause des libertés de l’Église gallicane qui paraissaient atteintes ; mais, sur les instances du cardinal Mazarin et de M. de Marca, arche vèque-uommé de Toulouse, il enregistra la, bulle, dés le 4 juillet, avec une déclaration du roi.

Mazarin fit rassembler les prélats qui se trouvaient à Paris. Les trente évêques présents se réunirent le Il juillet chez le cardinal Mazarin alors malade ; ils acceptèrent la bulle ; ils écrivirent au pape une lettre de remerciement et aux prélats du royaume une autre lettre pour les engager à recevoir la bulle avec eux. Des lettres patentes du roi autorisaient la publication de la bulle et ordonnaient de la recevoir sans obstacle. La plupart des évêques du royaume publièrent le mandement dressé par les évêques de l’assemblée ; cependant l’archevêque de Sens et les évêques de Châlons, Orléans, Angers, Beauvais et Comminges modifièrent les termes de ce mandement et ceux de Sens et de Comminges furent même condamnés par un décret du 23 avril 1654.

L’évêque de Rennes, Henri de la Mothe Houdencourt, premier aumônier de la reine-mère, par ordre du roi, apporta la bulle à la faculté de théologic(l C ! r août) qui la reçut et l’enregistra. La faculté déclara que tous les docteurs et bacheliers seraient obligés de s’y soumettre et elle fit défense d’enseigner ou de soutenir aucune des propositions condamnées. L’assemblée du 1 er septembre confirma cette conclusion et ajouta même qu’on exclurait de la faculté quiconque soutiendrait avec opiniâtreté une de ces propositions. Recueil historique des bulles, constitutions, brefs, décrets et autres actes, p. 76-84 ; Fuzet, Les jansénistes du xviie siècle, p. 217-269.

III. l.KS CINQ PROPOSITIONS. COMMENT ELLES SE

RATTACHENT a l’Auoustinus. — Dans le livre De la grâce du premier homme et des anges et dans les livres De la (/nier du Sauveur, Jansénius indique la distinction essentielle qu’il établit entre l’état d’innocence et l’état de n ;. turc déchue : dans l’état d’innocence, l’homme, par sa nature, était placé dans un certain équilibre entre le bien et le mal qu’il pouvait choisir à son gré, car il était parfaitement libre ou de persévérer dans le bien ou de faire le mal ; actuellement, après le pèche, l’homme a perdu complètement cette indifférence, cet équilibre parfait entre le bien et le mal et il a contracte l’inéluctable nécessité ou de faire le mal, tant qu’il reste sous l’empire de la concupiscence, ou de faire le bien, quand il a reçu la grâce Erai instar bilancts in mquilibrio consUtutus et instar globi rotundlssimt in planitie perfectissima versus omnem parlent œque mobilis, hinc adjulus per naturam, indl per gratiam. De gratia primi hominis, c. xiv, et de gratta Christi, t. II, c. m.

Dana les deux états, la grâce est nécessaire ; mais, dans l’état d’innocence, la grâce était soumise à

l’empire de la volonté qui était parfaitement bine ; c’est Vadiulorium sine quo non, la grâce suffisante des mollnistes, Dans Tel al (le nature décline, la grâce est maîtresse de la volonté ; c’esl Vadjutorimn quo. la grâce efficace des thomistes.