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    1. JANSÉNISME##


JANSÉNISME, LES PREMIÈRES LUTTES JANSÉNISTES

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Pour repondre à V Apologie, Habert publia un gros volume en latin. Theologist grtirorum Patrvm vindicat ; v circa unioersam materiam gratin. Habert veut démontrer la parfaite orthodoxie des Pères grecs contre les attaques d’Arnauld qui prétendait retrouver chez ces Pères les erreurs pélagiennes et semi-pélagiennes et il donna un certain nombre de citations qui pouvaient être gênantes pour les jansénistes. Œrberon, Histoire du jansénisme, 1. 1, p. 185, se contente de dire que « Habert avait oublié qu’il était enfant de l’Église latine et que l’Église latine ne renvoie pas ses enfants aux Pères grecs, mais à saint Augustin pour savoir ce qu’ils doivent croire des mystères de la grâce. »

Au temps même de ce duel entre Habert et Arnauld, un autre champion entra en lutte : le P. Etienne Deschamps (1613-1701) soutenait des thèses sur le libre arbitre au collège des jésuites de Paris (-1 janvier 164-1) et il publiait, pour préciser ses idées, un écrit très important : De/ensio censurée sacræ facultalis Parisiensis lalæ 27 junii 1560, seu disputatio théologien de libero arbilrio. Sous le pseudonyme d’Antoine Richard. le P. Deschamps y combat une des propositions essentielles de Jansenius : la violence seule ou coaction externe répugne à la liberté, laquelle peut coexister avec la nécessite. L’ouvrage, bien qu’écrit en latin, eut une grande vogue L’éditeur des Œuvres d’Arnauld t. xvi, p. xi, dit que les thèses de Deschamps furent reprises par le P. Petau, au t. iii, de ses Dogmes catholiques, par le P. Labbe, Triumphus catholicee veritalis, et le P. Duchesne, Histoire du baianisme, » un roman ». En 1646, parut une 3e édition considérablement augmentée, en tête de laquelle se trouve la thèse théologique soutenue le 10 juillet 1646 en Sorbonne par le prince de Condé, Armand de Bourbon : le jeune prince reprenait les thèses des jésuites de Louvain et affirmait, en particulier, la possibilité de la nature pure, l’universalité de la grâce suffisante, l’identité foncière des grâces suffisante et efficace qui ne différaient que par le consentement de la volonté accordé eu refusé, la nécessité de la grâce pour le bien surnaturel, mais non pour le bien moral. De son côté, le P. Deschamps combat la thèse de Jansenius sur la définition de la liberté et l’identification du volontaire avec le libre. Jansenius se rencontre avec Baius et emprunte son opinion aux protestants, car il donne les mêmes arguments, il apporte les mêmes exemples, il allègue les mêmes textes scripturaires et patristiques, il se sert des mêmes subtilités et lance contre les thèses catholiques les mêmes accusations. Bref, les doctrines soutenues par Jansenius ne diffèrent pas sensiblement des doctrines protestantes sur les points capitaux de la liberté et de son accord avec la grâce, it de la volonté de Dieu relativement au salut des hommes. Le P. Deschamps essaie également c’e préciser certaines idées émises par Jansenius, en particulier.au sujet de l’autorité de saint Augustin : on ne doit pas mettre ce docteur en opposition avec les autres Pères ; d’ailleurs, même sur la question de la grâce, saint Augustin n’est pas infaillible et son autorité, quelque grande qu’elle soit, est inférieure à celle des papes, en sorte que les opinions de saint Augustin s’imposent à notre foi non point parce qu’elles sont de saint Augustin, mais parce qu’elles sont approuvées par des papes et des conciles. Aussi, même dans l’hypothèse où Jansenius exposerait toujours fidèlement la doctrine de saint Augustin, l’affirmation de saint Augustin ne serait pas décisive par elle-même. Le P. Deschamps examine longuement la question de la liberté et s’applique à montrer que Jansenius a mal compris la pensée du grand docteur qui est d’accord avec l’opinion commune : est libre ce qui est en notre pouvoir, denc ce que nous pouvons faire, quand nous voulons ; par suite, toute sorte de nécessité est contraire à la

liberté, puisque ce qui est nécessaire n’est pas en notre pouvoir ; d’autre part, sans la liberté actuelle, le péché ne saurait exister, quoi qu’en dise Jansenius qui affirme qu’après le péché originel, il y a, sans la grâce, nécessité de pécher. Enfin le P. Deschamps combat la conception de la grâce médicinale exposée au t. ni de V Augustinus : les hommes ont encore aujourd’hui le pouvoir de consentir ou de ne pas consentir à la gra< e et ils peuvent observer les commandements qui leur sont imposés. L’ouvrage du P. Deschamps critique les thèses fondamentales de.Jansenius et il est incontestablement l’écrit le plus sérieux qui ait été opposé à l’Augustinus.

A côté du P. Deschamps, d’autres adversaires moins redoutables attaquèrent encore Jansenius. Le P. Pierre de Saint-Joseph lança un Avis charitable à Vapologisle de Jansenius et La théologie du temps. Le P. Yves, capucin, publia Des miséricordes de Dieu sur la conduite de l’homme, avant, durant et après le péché, dédiées à Mgr le Prince ; le P. Sirmond rééditait les œuvres d’Hincmar : Hincmari, archiepiscopi Rhemensis opéra, duos in tomos digesla.

Afin de propager leurs doctrines, les jansénistes multiplient et rééditent leurs œuvres anciennes ; un incident grave provoqué au Parlement de Toulouse par la publication d’un ouvrage du P. Réginald, dominicain, sur la science moyenne, faillit soulever de nouvelles polémiques après la réponse du P. Annat, mais l’Assemblée du clergé arrêta le procès, tandis que se répondaient attaques et ripostes en vers et en prose, en latin et en français. Gerberon, Histoire du jansénisme, t. i, p. 206-210.

I. Autour de l’Augustini s. — Thèses theologicœde graliâ, libero arbilrio, prædestinatione, in-4°, Anvers, 1641 ; Jacobl Zegers, Humilis elsupplex querimonia aduersus libellvm R. P. S. J., regiæ capellic Bruxellensis concionaloris, et thèses RR. PP., anno 1641 disputatas ; accessit Spongiola mendorumel clypeus adversus tela R. P. Viveri, in-4°, Louvain, 1641 ; le même, Augustini Ipponensis et Augustini Iprensis de Deo omnes salvari volente et Christo omnes redimente, homologia per thèses antapologeticas expressa et Lovanii, loco per Jac. Zegers designando, propugnanda, quando adversariis uidebitur, in-8°, Louvain, 1641 ; Pierre de S. Joseph, D.efensio Augustini Hipponensis adversus Augustinum Iprensem, quoad auxilia gratiæ et humanam libertatem, in-4°, Paris, 1643 ; Dorisy, Vindiciæ S. Augustini adversus pseudo-Augustinum C. Jansenii, in-4°, Paris, 1656 ; P. Stockmans, Somnium Hipponense, sive judicium Augustini de controversiis theologicis hodiernis, in-4°, 1641 ; Bulle In eminenli, 1641 ; Arnauld, Observations sur une bulle prétendue qu’on fait courir depuis peu de jours louchant la doctrine de S. Augustin expliquée dans le livre de M. l’évéque d’Ypres, 1643, Œuvres, t. xvi, p. 1-4 ; Secondes observations sur la fausse bulle, ibid., p. 5-9 ; Difficultés sur la bulle qui porte défense de lire le livre de Jansenius, évigue d’Ypres, les thèses des jésuites et autres ouvrages sur la matière de la grâce, 1644, ibid., p. 10-21 ; Apologie de M. Jansenius, évique d’Ypres et de la doctrine de S. Augustin expliquée dans son livre intitulé : Augustinus. Contre trois sermons de M. Habert, in-4°, 1642, ibid., p. 39-323 ; ilnbort, Défense de la loi de l’Église et de l’ancienne doctrine de Sorbonne touchant les principaux points de la grâce… Contre le livre itdilulé : ApoloQie de Jansenius, in-4°, Paris, 1644 ; Arnauld, Seconde apologie pour M. Jansenius. 1644, Œuvres, t. xvii, p. 1-637 : François Irénée, Sentiments sincères et charitables sur les questions de la prédestination et de la fréquente communion à la Reine Régente, ln-8°, Paris, 1643 ; J. Sirmond, Prædestinatus, Pra’destinalorum hæresis et libri S. Augustino temere adscrlptl refutatio, in-12, Paris, 1643 (se trouve dans P. L., t. Lin, p. 587-672) ; Denis Petau, De libero arbilrio libri très, in-fol., Paris, 10-43 ; De pelagianorum et semipelaqianorum dogmatum historia liber anus, in-fol., Paris, 1(>43, (édité dans Opus de theologicis dogmatibus, t. iii, 1. VI) ; irde, Sanctus Augustinus per seipsum docens et vincens pelagianos, in-4°, Paris, 1643 ; Arnauld, Lettre d’un docteur en théologie d un de ses amis sur an livre intitulé : Sentiments sincères et véritables sur les question » de la prédestination et de la fréqwnte communion, Œuvres, t.xxviii,