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JANSÉNISME, L’AI GUSTINUS, T. III. LA RÉPROBATION


dam. Comme Dieu fait tout avec nombre, poids et mesure, il a déterminé le nombre total des élus. Il est plus probable, d’après saint Augustin, que Dieu créa tout d’abord les anges et les hommes pour arriver à ce nombre et ainsi quelques hommes n’ont été créés que par accident pour remplacer les anges déchus. Si Adam n’eût pas péché, les hommes se seraient multipliés jusqu’à ce que le nombre des élus eût été atteint. Le nombre des hommes élus dans l’état d’innocence par une élection de mérite eût égale le nombre des places déterminés par Dieu à côté des anges, si aucun des anges ne fût tombé, et le nombre total des places vacantes après la chute des anges apostats ; en d’autres termes, le genre humain devait former un nombre déterminé d’élus, quand même aucun ange ne fût tombé ; mais étant donné que beaucoup d’anges (la plupart peut-être) ont péché, les hommes élus doivent occuper les places réservées aux hommes et celles qui ont été laissées vides par les anges. Ainsi les générations humaines sont plus nombreuses que si les anges n’étaient pas tombés et encore beaucoup plus nombreuses que si Adam eût persévéré, puisqu’acluellement il y a beaucoup d’hommes qui ne sont pas appelés.

Le nombre des hommes prédestines dépasse celui des anges tombés ; car autrement le genre humain n’eût été créé que par accident, pour remplacer les anges et si les anges ne fussent pas tombés, il n’y aurait pas eu d’hommes.

Quoi qu’il en soit, le monde n’existe que pour les dus ; les siècles s’écoulent pour eux et ils s’arrêteront, quand le nombre des élus sera complet ; par suite, le monde aurait fini beaucoup plus tôt, si l’homme n’eût pas péché. Quasi propler aliud retardetur sœculum, nisi ut impleatur preedestinatorum sanctorum numerus,

c. XXVI.

Cf. Augustin (Saint), 1. 1, col. 2398-2404, 2546-2548.

10° La réprobation des anges et des hommes (Livre X).

— 1. Doctrine de la réprobation (c. i-v). — La réprobation des anges, comme leur élection, n’a été que prévue par Dieu et Dieu ne les a réprouvés qu’après avoir prévu leur péché. Dieu les a créés égaux et il avait à leur égard une même vo’onté générale de bienveillance ; à tous il accorda des grêces suffisantes pour persévérer. La réprobation positive suppose le péché commis et il ne tenait qu eux de bien faire, puisqu’ils étaient les maîtres de la grâce et de leur volonté. Il en eût été de même pour les hommes, si Adam eût persévéré dans l’innocence ; les hommes, comme les démons, eussent été réprouvés après la prévision de leur péché. Mais pour l’homme pécheur, Dieu a tempéré la sévérité de sa justice, c. i.

Depuis le péché originel, l’homme a perdu son admirable liberté pour faire le bien et il a mérité une très juste damnation, avec les châtiments du corps et de l’âme dans cette vie et un supplice éternel dans l’autre. Désormais tout dépend de Dieu seul. Comme la prédestination consiste dans le choix libre que Dieu fait de ceux qu’il veut gratuitement retirer de la masse de perdition, de même, la réprobation consiste dans l’exclusion des autres. Par conséquent, a) les théologiens modernes sont dans l’erreur, quand ils mettent actuellement en Dieu une volonté générale de sauver tous les hommes, de telle sorte qu’il accorde à tous des grâces suffisantes pour arriver au salut. Saint Augustin applique toujours le Deus vult omnes homines salvos fieri aux seuls prédestinés, b) La prédestination est gratuite et précède toute prévision des mérites et la réprobation ne suppose point la prévision du mauvais usage qu’on fera des grâces, c) Dieu choisit, dans la masse de perdition, ceux qu’il a décrété de délivrer ; et à ceux-là seuls, il accorde des grâces qui les libèrent, des grâces qui, étant toujours efficaces, produisent

toujours leur effet. Ceux-là seuls sont prédestinés auxquels Dieu prépare dans l’éternité, les grâces efficaces qu’il leur donnera dans le temps. Prædestinatio est prœparatio beneficiorum quibus certissime liberantur quicumque liberantur. Cœteri autem in masse perditionis, justo ntdicio, relinquuntur. d) Ceux qui sont exclus du nombre des prédestinés sont réprouvés négativement, puisque Dieu ne les a pas choisis, et aussi positivement, puisque Dieu veut positivement qu’ils demeurent dans la masse de perdition d’où personne, ne peut les tirer. Ainsi la réprobation n’est pas une simple privation de la grâce et du salut ; c’est un acte positif de la justice divine par lequel il exclut du salut et condamne aux peines éternelles le plus grand nombre des hommes, indignes de ses grâces et coupai les du péché originel. Par cet acte, Dieu ne condamne pas les hommes à toutes les peines sensibles qu’ils endurent pour leurs péchés actuels, car ce décret suppose, en Dieu, la prescience de ces péchés et l’impénitence finale. Saint Augustin ne parle que deTexclusion de la vie éternelle, de la peine du dam et non des peines sensibles ; car il est sûr que le décret par lequel Dieu les ordonne et les inflige suppose des péchés commis auxquels ces peines sont proportionnées, c. n.

La cause de la réprobation positive des hommes, considérée en elle-même, est donc le péché originel par lequel l’homme est tombé dans la masse de perdition et ainsi le péché originel est la cause de la privation des secours suffisants pour les réprouvés. Jansénius distingue la réprobation négative qui consiste simplement à ne pas être élu et la réprobation positive par laquelle Dieu exclut quelques hommes de la vie éternelle.

Il n’y a pas de réprobation négative pour les anges, car Dieu les voulait tous sauver, s’ils eussent bien usé de la grâce. On peut envisager la réprobation des hommes, soit absolument et isolément, soit comparativement. Absolument parlant, pour un réprouvé considéré à part, la cause de sa réprobation est le péché originel qui corrompt la nature humaine tout entière et en fait l’objet de la haine et de la colère de Dieu ; tous les hommes naissent pécheurs : universum genus humanum factum est una queedam massa peccali, supplicium debens, quod, sive exigatur, sive donetur, nulla est iniquilas. Dieu a vu de toute éternité les hommes coupables, enveloppés dans la même damnation, tous punissables, tous indignes de la vie éternelle. Il a retiré de cet état ceux qu’il a voulus par miséricorde et y a laissé les autres par justice. Il faut donc supposer la prévision du péché originel avant l’exclusion de la gloire, avant les peines sensibles que chaque damné souffre et les péchés actuels commis dans cette vie.

La cause commune de la réprobation des hommes est le péché originel. La chose est certaine pour les infidèles, car, bien que Dieu ne les châtie qu’après avoir prévu les péchés actuels que l’ignorance et la concupiscence leur feront commettre, cependant c’est le péché originel qui est la cause première et fondamentale de leur damnation et le principe de tous leurs péchés pour lesquels Dieu ajoute de nouvelles peines à celles qui leur sont dues pour le péché originel. Cf. Augustin (Saint), t. i, col. 2397-2398.

Pour les baptisés qui ont reçu le pardon du péché originel, il y a une difficulté particulière. Le péché originel est entièrement effacé par le baptême, quant à la tache et à la peine éternelle, de telle sorte que, si l’homme mourait aussitôt après le baptême, il irait droit au ciel ; mais le baptême laisse la concupiscence matérielle et les maux qui sont la peine du péché originel : l’ignorance et la concupiscence lesquelles deviennent les causes des péchés actuels dans lesquels les réprouvés retombent après le baptême. Or ces péchés qui seront la cause prochaine de la damnation des réprouvés ont leur source dans le péché origine