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431 JANSÉNISME, L’AUGUSTINUS, T. III. LA PRÉDESTINATION

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Identifie le volontaire et le libre et n’oppose à la liberté que la contrainte et la coaction, c. xxi.

Malgré cette défense de Jansénius, on a très souvent rapproché le jansénisme du calvinisme et montré que le jansénisme est « le cousin germain > du calvinisme. Cf. en particulier Fénelon, Instruction pastorale sur le jansénisme, IIe lettre tout entière ; | Deschamps, De hæresi janseniana, 1. I. disp. II, de libero arbitrio ; P. Leporcq, Sentiments de saint Augustin, p. 321-347.

Cf. Augustin (Saint), 1. 1, col. 2387-2392, 2404-2407.

9° La prédestination des anges et des hommes(LivrelX).

— La question de la prédestination et de la réprobation est étroitement unie à celle de la grâce, car la prédestination est la cause et le principe de la grâce. On se trouve ici en présence d’opinions diverses : les uns déclarent que la prédestination à la gloire précède les mérites des anges et des hommes ; pour d’autres, la prédestination suit ces mérites. Cette seconde opinion flatte la nature qui peut s’attribuer la prédestination et le salut. La philosophie a beaucoup contribué à multiplier ces théories par les discussions qu’elle a soulevées sur des questions inutiles et frivoles. Jansénius ne veut pas s’arrêter à ces arguties ; il ne veut que chercher et exposer le sentiment de l’Église sur la prédestination et la réprobation. Préface.

1. Sens divers du mot prédestination (c. i-vi). — D’après l’Écriture et les Pères, le mot prédestiner désigne le fait de finir, délimiter, disposer, établir, ordonner de toute éternité ce qui doit être exécuté dans le temps. C’est dans ce sens et non dans celui de quelques philosophes, que saint Augustin prend ce terme. La prédestination désigne le dessein, le projet, le conseil, le décret éternel de Dieu par lequel il veut faire quelque chose dans le temps, c. î.

Sur quoi porte la prédestination divine ? a) La prédestination ne regarde que les choses temporelles qui doivent arriver dans le temps et non point les choses éternelles et immuables, b) Elle ne regarde que les choses que Dieu doit faire dans le temps : tout ce que Dieu a prédestiné dans l’éternité se réalise dans le temps et tout ce qu’il fait dans le temps, il l’a décrété de toute éternité, puisqu’il fait tout d’après un décret délibéré et non point au hasard. Dans cette prédestination, Dieu ne peut se tromper, parce qu’en prédestinant, il n’ordonne rien que ce qu’il doit faire lui-même. « Prédestination et ouvrage de Dieu sont synonymes. » c) La prédestination se rapporte également à la fin et aux moyens ; le décret regarde tout ce que Dieu fait, d) Elle regarde la gloire comme la grâce, la récompense comme les mérites, car les uns et les autres sont l’œuvre et le don de Dieu. La prédestination prépare la grâce qui est un don de Dieu et la grâce est l’effet de la prédestination. Aussi i’Église, dans ses prières, demande à Dieu et la grâce et la gloire, adveniat regnum tuum, parce que toutes deux sont des dons divins et saint Augustin déclare formellement que la prédestination se rapporte à la fois aux œuvres, à la persévérance et à la gloire elle-même ; elle s’applique à tout ce que Dieu fait dans le temps ; elle s’étend au bien qu’il fait aux élus et au mal qu’il fait aux méchants ; il y a prédestination des bons à la vie et des méchants à la mort : il y a prédestination de grâce et de miséricorde, de justice et de jugement.

La prédestination s’étend donc au bien et au mal, à la vie et à la mort. Sans doute. Dieu ne saurait être l’auteur du mal en tant que le mal est une coulpe, une faute, et par suite, il ne peut prédestiner au pèche, mais il peut prédestiner à la peine. Par un Juste châtiment, il inflige au pécheur des peines temporelles ou éternelles et ces peines, il les a décri tées de toute éternité par la prédestination : in sua præscientia opéra sua /ulura dispunere id omnino

non aliud quidquam est quam prædestinare. Dieu a décrété ce qu’il doit faire des bons et des méchants. Saint Augustin dit souvent que Dieu a prédestiné certains à la mort et à la géhenne, au feu éternel et Dieu les condamne par un juste jugement dont il voit et approuve l’exécution. En effet, le châtiment des méchants est un bien, comme la récompense des bons. Dieu prévoit les péchés et ne les prédestine point, car il ne prédestine que ce qu’il fait lui-même et il ne fait pas le péché, mais il prédestine la peine, après avoir prévu le péché. Dieu prédestine les méchants à la mort éternelle, comme les bons à la vie éternelle.

En résumé, Dieu fait les choses dans le temps selon l’ordre de la prédestination éternelle qu’on peut définir : l’acte par lequel Dieu prévoit et prépare les moyens et les grâces qui sauvent infailliblement tous ceux qui sont sauvés, c. ri, m.

Les scolasticmes prétendent qu’il n’y a pas de prédestination à la peine. Sans doute, dans le langage courant, être prédestiné, c’est être appelé à la sainteté et à la gloire ; en fait, ceux à qui Dieu donne la grâce et la gloire sont prédestinés d’une manière absolue, en ce sens que la prédestination regarde noii les hommes, mais les actions que Dieu fait dans le temps par la volonté des hommes. Comme ces actes sont aussi les actes de l’homme, ont peut dire que l’homme est prédestiné, Dieu faisant en lui et par lui, ce qu’il s’est proposé de faire de toute éternité.

Quoi qu’en disent les scolastiques, a) l’Écriture parle de la prédestination à la mort et à la peine ; b) il est faux que la prédestination ne regarde que les biens surnaturels ; c) le méchant est vraiment prédestiné au sens propre et rigoureux du mot, sensu propriissimo et rigorosissimo, car Dieu est l’auteur des peines infligées ; cette prédestination suppose la prescience d’un démérite, mais cela n’enlève point au châtiment le caractère de la prédestination, d) Il y a donc vraiment, suivant les expressions des Pères et, en particuliers de saint Augustin, une prédestination au bien et une autre au mal ; la première est une préparation de la grâce ; la seconde une préparation de la peine ; la première est bonne et miséricordieuse ; la seconde est juste. Aussi les Pères parlent-ils parfois de la prédestination de grâce et de la prédestination de justice, c. IV.

Cette prédestination prend dans l’Écriture différents noms : elle s’appelle élection, préparation de grâce, discernement, propos de volonté divine ; ces divers termes sont souvent pris les uns pour les autres ; ils sont équivalents et ne diffèrent que par le point de vue. Saint Augustin parle de discernement par amour, diligendo discernit, c. v.

Saint Augustin distingue la prédestination de pure grâce et la prédestination de niérit-’.s. La première est entièrement gratuite ; elle est un pur effet de la miséricorde de Dieu et ne suppose aucun mérite dans la créature raisonnable ; la seconde suppose quelque mérite qui la précède et vient des œuvres humaines, des forces du libre arbitre. Avant son épiscopat, Augustin n’admettait que cette dernière, parce qu’il croyait que la grâce était méritée, au inoins par un commencement de foi, et, dès lors, le décret de prédestination supposait le mérite de notre foi ; mais il renonça à cette erreur. L’élection existe sans les mérites. Dieu sépare les hommes en les prédestinant et il leur donne les mérites qui font le discernement. A ce sujet, l’Église a condamné trois opinions : a) les vertus et les bonnes œuvres sont un don de Dieu, mais le commencement de la foi est l’œuvre du libre arbitre, suivant leqin I Dieu prédestine ceux qui croient ; la prédestination se fait selon le mérite de la foi ; c’est l’erreur des semi pélaglens, admise quelque temps par saint Augustins. b) Le libre arbitre fait, par ses seules forces, pro-