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4C3 JANSENISME, L* AUGUSTINUS. T. III. EFFETS DE LA GRACE 404

est prévenante, puisqu’elle précède le consentement liLre. La grâce est coopérante, quand la volonté collabore ; adjuvante, puisqu’elle aide notre faiblesse dans l’ordre surnaturel : concomitante, parce qu’elle accompagne notre consentement ; enfin subséquente, quand elle vient après la grâce prévenante. Cette division factice est fondée sur une spéculation métaphysique, plus que sur la réalité des choses, car c’est toujours la même grâce considérée à des points de vue différents

Saint Augustin procède tout autrement contre les pélagiens et les semi-pélagiens. Ceux-ci enseignaient que la grâce est utile, nécessaire pour agir, mais qu’elle suppose le mérite de la volonté, car la volonté, par elle-même, peut désirer la guérison. Au contraire, saint Augustin a toujours affirmé que la grâce doit prévenir la volonté, même pour le commencement du salut ; la grâce précède tout mouvement de la volonté vers le bien. La grâce est donc prévenante ; elle ne suppose aucun mérite et elle commence la justification avant tout changement de la volonté. Toutes les autres grâces sont subséquentes, puisqu’elles suivent ce premier mouvement qui commence la conversion de la volonté, qui la fait vouloir ce qu’elle ne voulait pas. La grâce prévenante fait que nous voulons, la grâce subséquente fait que nous faisons ce que nous avons voulu, en fortifiant la volonté pour que les aintes affections de la grâce prévenante ne soient pas toufi’é ?s, dès leur apparition, parles tentations, c. xii.

La grâce conséquente ou subséquente suit les premiers mouvements de la volonté ; elle aide, elle fortifie la volonté jusqu’à ce qu’elle soit assez robuste, assez parfaite pour ne plus céder aux attraits de la délectation terrestre. La grâce prévenante ne saurait être demandée par la prière, car la prière suppose la foi et la foi vient de la grâce. Il faut donc avoir la grâce prévenante pour pouvoir prier. La prière demande la grâce subséquente, après que Dieu, par pure miséricorde, a éclairé notre entendement des lumières de la foi. La foi et la volonté pieuse sont données par la grâce prévenante et alors on peut prier pour obtenir la grâce subséquente, c. xiii.

D’après saint Prosper, saint Fulgence, les conciles d’Orange et de Trente, la grâce prévenante précède toute bonne volonté, tout bon mouvement ; elle est gratuite. La grâce subséquente suit la bonne volonté née de la grâce prévenante, laquelle opère le premier changement de la volonté pervertie ; elle ne prévient point la puissance de la liberté, car cela est vrai aussi de la grâce subséquente, mais elle prévient tout bon mouvement, elle produit le commencement de la justification, c XIV.

D’après saint Augustin et les Pères, la grâce opérante n’est que la grâce subséquente, considérée, non pas en tant qu’elle prévient la volonté, mais en tant que, seule, elle opère dans l’homme la première bonne volonté, sans que l’homme ait fait le moindre mouvement, le moindre bien pour la mériter. La grâce coopérante est la grâce subséquente, considérée en tant qu’elle n’opère plus seule en nous, mais en tant qu’elle agit avec notre collaboration : elle suppose la prière et nous lui donnons notre concours : ut velimus, sine nobis operatur ; ciuii autan volumus, ut faciamus, nobisrum operatur. I.a grâce opérante fait que nous voulons ; la grâce coopérante fait que nous voulons fortement de manière à renverser tout obstacle et à agir réellement. La première fait la bonne volonté, la seconde fortifie cette bonne volonté et la rend efficace. Toute bonne volonté, en effet, ne se traduit pas nécessairement par des actes, car beaucoup de volontés, en

présence de tentations Violentes, sont brisées et vain eues. I.a bonne volonté naît sans aucun travail personnel intérieur, par la seule grâce prévenante du opérante, mais, par la grâce subséquente ou coopérante et

l’effort simultané de l’homme, elle prend de l’accroissement, grandit et atteint’a perfection, c. xv.

Chez les Pères, la grâce excitante n’est pas autre chose que le premier mouvement qui excite et réveille la volonté inerte, morte, éteinte. La grâce est appelée adjuvante, quand, après avoir excité le premier mouvement de la volonté, elle aide la volonté éveillée et la fortifie pour qu’elle fasse ce qu’elle veut et qu’elle veuille plus fortement ; elle aide la volonté qui déjà veut, consent et lutte. C’est la grâce subséquente qui suit la bonne volonté et vient à son aide : gratta voluntates hominis malas prasveniendo mutât in bonas, easdemque bonas voluntates adjuvando subsequitur, c. xvi.

Les scolastiques emploient ces mêmes’mots, mais dans des sens très différents, parce qu’ils donnent à la grâce un rôle très différent ; ainsi la grâce prévenante ou excitante ne fait qu’éveiller la puissance de la volonté qui peut, à son gré, donner ou refuser son consentement, tandis qu’en réalité cette grâce gratuite agit sur la volonté qu’elle transforme, qu’elle arrache à la servitude du péché, qu’elle rend bonne et capable de faire le bien. La grâce est prévenante, excitante, opérante, en tant que, tout d’abord, elD donne la bonne volonté à ceux qui ne voulaient pas ; elle est subséquente, coopérante, adjuvante, en tant qu’elle suit, qu’elle aide l’effort de la volonté qui déjà veut ; la grâce, en effet, ne reste point oisive et inerte dans la volonté et elle n’a pas besoin d’une autre grâce pour agir, c. xvti.

Les Pères ont parfois employé ces mots dans des sens différents pour désigner la grâce actuelle, mais ils ne les ont jamais employés dans le sens où les emploient les modernes, c. xvin. Pour saint Augustin qui en parle souvent, la grâce qui prépare la volonté ne se rapporte point à la puissance de la volonté, mais à l’acte même de la volonté, à la volition. La volonté est préparée par la grâce, quand elle veut : Deus donat voluntatem. Après cet exposé, qu’il déclare objectif, de saint Augustin, Jansénius ajoute ici qu’il se soumet entièrement, avec ses écrits, au jugement du souverain pontife, c. xix.

5° Les effets de la grâce (Livre V). — Ce livre reproduit, en partie, les idées déjà développées au 1. IV De la nature corrompue, mais il importe cependant de préciser encore quelques points qui permettront de saisir la thèse janséniste sur l’accord de la liberté avec la grâce efficace par elle-même. Jansénius veut montrer que la grâce de Jésus-Christ est essentiellement une inspiration de la charité et que la crainte n’est point un effet de cette grâce, laquelle est l’amour de Dieu engendré par la délectation victorieuse.

1. L’amour de Dieu (c. i-vn). — La grâce de Jésus-Christ est nécessaire pour aimer Dieu et accomplir ses préceptes ; elle commence, dans l’homme, la bonne volonté ; puis elle l’aide et la fortifie ; elle l’enflamme pour qu’elle puisse observer les commandements divins : ex mala mulatur in bonam et cum bona fueril (vilunliis) adfuvatur. L’effet principal de cette grâce est de produire la bonne volonté, l’amour de Dieu par-dessus tout ; c’est la charité. Cette grâce suave qui répand en nous l’amour de Dieu est le vrai et l’unique secours par lequel Dieu nous fait faire le bien et celle suavité par laquelle nous aimons Dieu est la vraie et unique grâce médicinale de Jésus-Christ qui nous détourne du mal et nous tourne vers

le bien ; car nous ne triomphons du mal tpie. par la

suavité du bien qui lui est opposée ; cei le grâce ebasse la crainte et nous fait agir par amour, c’est-à-dire qu’elle nous fail accomplir des uns res ho unes, puisque, sans amour, il n’a pas d’œuvre bonne. Cette grâce est donc radicalement distincte et de la nature et di la loi. et de la doctrine et de la connaissance des préceptes et île la rémission des pécbes. C’est la charité. C l.