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385 JANSÉNISME, l, ' A UGUST IN US. T. III. LA lilt.VCE EFFICACE 386

s’applique à montrer que cette grâce nécessaire à l’homme déchu n’est pas la grâce habituelle, car, d’après l’Apôtre, c’est l’opération du Saint-Esprit qui nous discerne et ne se trouve pas en tous ; d’ailleurs les anges et Adam innocents avaient la grâce habituelle qui aidait leur volonté et qui ne suffit plus aujourd’hui ; enfin les Marseillais ont ete combattus par saint Augustin et ont ete condamnés pour avoir soutenu qu’il ne s’agissait que d’une grâce habituelle. Dans ce chapitre xv, se trouve, en termes explicites, la 4e proposition condamnée par Alexandre Y II : « Les semipélagiens admettaient la grâce pour le commencement de la foi et ils et aient hérétiques parce qu’ils enseignaient qu’on peut y résister..lansenius rappelle ce qu’il a déjà dit dans son traite sur l’hérésie pélagiemie, t. VIII, c. iv, sq.

Dans les chapitres suivants, c. xvi-xxi, l'évêque d' Ypres continue à prouver que saint Augustin ne parle pas de la grâce habituelle, mais d’une grâce actuelle qui inspire même aux justes le vouloir et le faire, après avoir purifié l'âme de la concupiscence et qui, ensuite, communique une délectation céleste. Le pape Zozime, reprenant les expressions de saint Augustin, parle d’instinct, d’inspiration, de tact pour libérer la volonté infirme, la guérir et la fortifier, c. xvi.

La même thèse est prouvée parles prières de l'Église qui demande à Dieu la grâce actuelle de volonté et d’opération. Preuve irréfutable, écrit Jansénius, car il serait ridicule qu’un juste demandât ce qu’il a déjà ou ce dont il n’a pas besoin, da quod jubés, c. xvii. C’est également la doctrine des pontifes romains et de toute l'Église ; c’est en particulier, la doctrine du pape Innocent I er dans sa lettre synodale aux concilas de Carthage et de Milève ; c’est la doctrine exposée au canon 9 du concile d’Orange, c. xvin.

4. Nécessité de la grâce actuelle proprement dite (c. xixxxin). — Cette nécessité d’une grâce, d’une motion actuelle pour chaque action, est prouvée par de multiples textes de saint Augustin. La -grâce habituelle donne la santé par laquelle la volonté est libérée de la concupiscence, par laquelle la liberté est reconquise avec le pouvoir de vivre justement et saintement ; c’est un état que saint Augustin distingue nettement du secours nécessaire pour faire un acte bon, c. xix ; il soutient cette thèse ex professo dans ses polémiques avec Pelage ; il exige un secours actuel pour chaque action ; cette grâce actuelle est donnée pour fortifier la volonté contre les mouvements actuels de la concupiscence qui ne sont point détruits par la grâce habituelle ; c’est aussi la doctrine de saint Jérôme dans sa lettre à Ctésiphon et dans ses Dialogues. Dieu doit toujours nous aider, c. xx.

Une conclusion s’impose donc : la grâce de Jésus-Christ nécessaire à l’homme déchu pour lui donner le vouloir et le faire n’est pas une grâce habituelle ; autrement, l'œuvre serait attribuée à la volonté de l’homme, car la grâce habituelle n’a pas sur la volonté une influence et un pouvoir suffisants pour qu’on puisse lui attribuer l’acte, c. xxi.

La nature même de la grâce médicinale ne permet pas de l’assimiler à une grâce habituelle. Par ses oraisons, l'Église demande à Dieu de déterminer notre volonté à vouloir et à faire, fiai voluntas tua ; elle demande que les fidèles croient, qu’ils vivent saintement, qu’ils triomphent des tentations, etc. et non pas seulement qu’ils puissent croire, car elle sait qu’ils ne voudront pas d’eux-mêmes, si Dieu ne détermine pas leur volonté ; elle connaît notre faiblesse depuis que nous sommes captifs du péché. Cette prière, elle la fait non seulement pour les pécheurs, mais encore pour les justes qui ont déjà la grâce habituelle. Ce n’est pas non plus la grâce suffisante que le juste demande, puisque cette grâce ne manque jamais, d’après l'École,

DICT. DE THKOI.. CATHOL

mais cette grâce actuelle efficace qui fait vouloir et agir : da quod jubés, c. xxii.

De plus, c’est à Dieu qu’est donnée toute la gloire du bien que nous faisons. En effet, depuis la chute, il n’y a, dans l’homme, rien de bon et il ne peut faire un acte bon que par la grâce de Dieu. La détermination de la volonté au bien est, elle-même, une grâce. Saint Augustin attribue à Dieu tout ce qui se trouve dans la volonté, quand elle consent, veut, se décide, se détermine et agit, quand elle triomphe d’une tentation ou se convertit à Dieu. Tout appartient à Dieu, car tout vient de Dieu ; donc c’est la grâce elle-même qui détermine la volonté ; penser autrement, ce serait vouloir partager avec Dieu le mérite de nos œuvres, c. xxiii.

5. Propriétés spéciales de cette grâce (c. xxiv-xxxiv)

— Saint Augustin attribue à la grâce médicinale de Jésus-Christ des propriétés spéciales qui en déterminent bien la nature : Elle a une souveraine efficacité pour persuader et accomplir ce que Dieu veut que nous fassions ; elle est toute-puissante. Elle emporte la volonté avec tant de douceur qu’elle-même ne sait pas qu’elle agit ; elle est si suave que la volonté agit avec un plaisir extrême et une liberté entière. Elle entraîne la volonté et amollit sa dureté naturelle. Toutes les bonnes actions que nous faisons appartiennent à Dieu et notre volonté est entre ses mains comme un instrument animé. Cette grâce est appelée victorieuse, car elle brise tous les obstacles. L’homme ne peut lui résister, parce que Dieu opère dans nos cœurs ce qui luiplaît (2e proposition). La grâce n’attend point le consentement de notre volonté ; elle le produit. La grâce de la nature saine a été remplacée par cette grâce médicinale qui nous fait vouloir et agir, qua fit ut velit, c. xxiv.

Jamais cette grâce n’est privée de l’effet pour lequel elle est donnée ; elle produit infailliblement son effet en tous ceux auxquels elle est donnée ; elle est efficace ; elle fait que l’homme veut ; elle ne fait pas que, celui qui ne veut pas croire, croie, mais elle fait que celui qui ne voulait pas croire, veuille croire et ainsi elle transforme la volonté. Tandis que la grâce, chez Adam innocent, avait son effet, si Adam le voulait, la grâce du Sauveur fait que l’homme veut et veut le bien, car cette grâce détermine la volonté au bien : prima §ratia est qua fit ut homo habeat justiliam si velit ; secunda ergo plus potest qua fit ut velit. — La grâce de Jésus-Christ est inséparable du bien, au point que pour saint Augustin, grâce et bonnes œuvres sont synonymes : l’une est la cause, l’autre suit comme l’effet ; contre Pelage, à maintes reprises, saint Augustin affirme que' cette grâce donne la volonté, l'œuvre même et contre' les serni-pélagiens, il affirme que la grâce donne la volonté de croire. Il appelle la grâce, incrementum, parce qu’elle produit toujours son effet. La deuxième proposition est exprimée explicitement déjà dans le titre de ce chapitre xxv : ejus efficacissima natura declaratur ex eo quod nullo prorsus efjectu caret, c. xxv.

Cependant on trouve, chez saint Augustin, des propositions qui paraissent contradictoires, dans lesquelles la bonne œuvre est attribuée tantôt à la volonté, tantôt à la grâce. C’est que, répond.lansenius, dans les premiers textes, saint Augustin parle de la volonté avant la chute, alors que les œuvres étaient des œuvres de l’homme ; dans les seconds, il parle de la grâce après la chute, maintenant que ces bonnes <euvres appartiennent a la grâce. D’ailleurs, même avant la chute, la grâce avait une place dans la bonne œuvre qui etail laite par la volonté, mais aute la grâce. Après la chute, la volonté intervient encore comme instrument de la grâce : autrefois la volonté commandait à la grâce dont elle elail mail resse ; maintenant, c’est la grâce qui commande et domine la volonté et la fait agir, c. xxvi.

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