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    1. JANSÉNISME##


JANSÉNISME, L’AUGUSTINUS, T. III. LA GRACE EFFICACE 384

citées, dont elle use à sou gré. Jansénius rejette les théories des congruistes et des molinistes, car la grâce dont ils parlent laisse la volonté indifférente ; leur erreur fondamentale est de ne pas distinguer la volonté malade de la volonté saine et de s’appuyer, pour prouver leurs thèses, sur des textes où saint Augustin parle de la grâce d’Adam. — b) Le secours sine quo non ne saurait jamais devenir le secours quo, car les deux secours différent essentiellement, non seulement dans leur effets, mais encore dans leur nature intime : ce qui donne le pouvoir d’agir sans la force de déterminer la volonté est radicalement distinct de ce qui détermine à vouloir. Ainsi la lumière est un secours sans lequel l’œil ne saurait voir, elle ne peut cire un secours par lequel je veux voir actuellement, car il dépend de moi de m’en servir. La médecine n’est utile que là où il y a maladie. De plus, ces deux secours agissent dans des conditions absolument différentes. La liberté de l’homme innocent était vigoureuse, robuste ; elle dominait la grâce ; la liberté de l’homme déchu est dominée par la concupiscence ; elle a perdu sa vigueur, et, pour agir désormais, elle a besoin d’un secours plus puissant qui la délivre d’abord et lui donne la force de vaincre la concupiscence. La lumière est un secours sans lequel on ne peut voir ; la vision est ce qui nous fait voir. L’un ne peut devenir l’aul re. c. v.

2. Effets différents de ces deux grâces (c. vi-xrv). Pour mieux mettre en évidence les caractères essentiels de ces deux secours. Jansénius montre leurs effets différents : a) Le secours accordé à Adam n’était pas la cause principale de l’action et du mérite ; la cause déterminante de l’action était la volonté d’Adam qui commandait et se servait de la grâce comme d’un instrument pour agir, aussi l’action est attribuée a la volonté, comme la vision est attribuée à l’œil et non point à la lumière. La grâce dans l’état actuel. tout au contraire, est la cause principale et déterminante de nos actions, elle se sert de la volonté qu’elle fait agir ; ainsi c’est Dieu qui donne le mérite par la grâce. b) Le mérite d’Adam était un mérite humain, car il était l’œuvre de la volonté humaine ; maintenant le mérite est divin, car il est l’œuvre de la grâce divine. La volonté produisait le mérite quoiqu’avec lu f/râce : la grâce produit le mérite quoiqu’avec ii volonté. c) La béatitude éternelle eût été la récompense « lu mérite, maintenant c’est un don de la grâce divine, car la récompense suit le mérite et lui est proportionnée. 1)ieu eût couronné ses dons en couronnant nos lionnes enivres ; maintenant il couronne nos bonnes œuvres en couronnant ses dons. La félicité est une récompense donnée au mérite qu’on a par la prâcc toute gratuite de Dieu. En résumé, l’homme n’a plus de mérites propres, de mérites humains, fruit de son libre arbitre, mais simplement des mérites de grâce, des dons particuliers de la miséricorde divine, non que les mérites des anges aient été produits sans grâce ou que les mérites des saints soient sans libre arbitre, mais parce que le libre arbitre des anges était la cause qui donnait le mouvement à la grâce laquelle ne faisait que suivre, et par suite, il avait la principale part dans l’action et dans le mérite ; au contraire, la grâce de Jésus-Christ prévient le libre arbitre qui ne tait que la suivre et lui obéir et ainsi elle est la cuise de l’action et c’est à elle et non point au libre arbitre qu’il faut attribuer l’action et le mérite. Toujours il faut le libre arbitre et la grâce, mais, dans l’état d’innocence, c’est la liberté qui agit avec le secours de la grâce sans laquelle l’action est impossible ; après le péché, c’est par la grâce que le libre arbitre fait l’action, c. VI, il) C’esl par leur libre arbitre que les nous anges sont restes dans la vérité et ont persévéré dans la grâce. Maintenant cette persévérance dans la

vérité et dans la grâce doit être attribuée à la grâce médicinale. En d’autres termes, la persévérance des anges est due à leur libre arbitre, tandis que la nôtre doit être attribuée à la grâce, parce qu’il dépendait de la volonté des anges d’appliquer la grâce et maintenant il dépend de la grâce d’appliquer notre volonté. Dans la conduite des anges, Dieu a montré ce que peut le libre arbitre, et maintenant dans notre conduite, il montre ce que peut la grâce, c. vu. — e) Le discernement des prédestinés et des reprouvés se fut fait, dans l’état d’innocence, par le mérite des hommes ; maintenant il se fait par la grâce de Dieu. Jansénius s’élève avec force contre certaines expressions de Lessius qui dit, après les semi-pélagiens et avec les scolastiques, qu’actuellement c’est la volonté aidée de la grâce qui fait le discernement : en realité, c’est nier la grâce de Jésus-Christ, car c’est à la cause déterminante qu’il faut attribuer le mérite de l’action, donc ce n’est pas à la volonté, niais à la grâce seule qu’il faut attribuer le discernement des prédestinés,

c. VIII.

Jansénius s’appuie sur une polémique de saint Augustin avec les pélagiens pour indiquer une autre distinction entre les deux secours accordés par Dieu. Contre les pélagiens, saint Augustin soutient que la vraie grâce est une grâce de volonté et non d’intelligence et que cette grâce de volonté est non point une grâce de possibilité qui donne à l’homme le pouvoir d’agir, en lui laissant la liberté d’eu disposer à son gré, mais une grâce (Caclion qui donne l’acte. Ainsi, tandis que la grâce accordée à Adam était un simple secours de possibilité, celui qui est donné à l’homme déchu est une grâce de volonté et d’action adjulorinm quo, c. xi. Les nouveaux théologiens ont repris les thèses pélagiennes et admettent un secours de possibilité surnaturelle, une grâce suffisante ou congrue, tandis que saint Augustin rejette toute espèce de grâce qui ne conférerait qu’un pouvoir d’agir ; s’ils diffèrent des pélagiens par leurs principes, les molinistes sont d’accord avec eux dans les conséquences auxquelles ils aboutissent, c. x.

Jansénius trouve une quatrième preuve de sa thèse dans l’horreur des pélagiens pour la grâce de volonté et d’action qui, d’après eux, anéantirait le libre arbitre, apporterait la coaction et la nécessité, introduirait la paresse et enlèverait à la volonté tout mérite, tout droit à une récompense..Maigre ces difficultés, jamais saint Augustin n’a voulu admettre que la grâce de Jésus-Christ fut soumise à la volonté et il a toujours affirmé que la grâce efficace par elle-même donne à l’homme déchu le vouloir et le faire, c. xi.

Enfin les Marseillais reconnaissent la grâce de possibilité qui aide la volonté de l’homme déchu et ils ont été condamnés comme détruisant la grâce de Jésus-Christ, parce qu’ils soutenaient que la volonté pouvait se déterminer elle-même ; c’est donc que la grâce de Jésus-Christ est autre chose que cette grâce de possibilité, auxiliutn sine quo non ; c’esl une grâce d’action, auxilium quo, c. xii.

De tout cela il faut conclure, avec saint Augustin et ses disciples, Prosper et Fulgence, avec les conciles et les pontifes, que la grâce accordée à Adam innocent ne donne pas la santé, mais la suppose ; à l’homme déchu, il faut le secours médicinal qui guérit la volonté malade et la fait agir, c. xiii ; elle donne la volonté, non pas seulement en ce sens que Dieu accorde sa grâce a fin qu’avec elle la volonté agisse et fasse le bien, mais en ce sens que celle grâce donne l’action au point que saint Augustin appelle l’acte fait un don et une grâce de Dieu, tellement l’acte est l’œuvre de la grâce et non de la volonté, c. xiv.

s. La grâce < ! l’homme déchu et la grâce habituelle

(c. w Kvm). — Contre les semi-pélagiens, Jansénius