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351 JANSÉNISME, L’AUGUSTINUS, T. II. PEINES DU PÉCHÉ ORIGINEL

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une influence sur l’âme ; il examine quatre difficultés particulières : a) Chez Adam, la concupiscence produit une habitude mauvaise, une inclination au mal, un maladie incurable ; elle engendre des désirs très nombreux, comme un appétit ordinaire, l’appétit sensitif par exemple, qui s’attache â toutes sortes de biens sensibles. La faute, particulièrement grave communiquée par Adam, a produit un désordre profond, une plaie qui a désorganisé la nature. La volonté d’Adam est tombée de si haut qu’elle s’est enfoncée dans la chair. C’est pour cela que ce péché seul s’esl transmis : cette première faute a radicalement changé et vicie la nature et imprimé une tache indélébile, de sorte que les autres fautes ne produisent plus que des changements accidentels peu importants. MagnttudO peccali causa tantee vulneris fuit et prolunditas vulneris in naturam uersicausa traductionis ejus. Primuin peccalum cum ipsa natura per eam (concupiscentiam) pertinacissime viliala quasi proprietas ejus Irans/unditur. Cette concupiscence a modifié toute l’espèce ; les autres ne modifient que les individus ; or, d’habitude, seules, les conditions spécifiques se transmettent et non point les conditions individuelles, c. xxi.

b) Cette qualité mauvaise, désormais adhérente à la nature, affecte la semence et se transmet par hérédité ; les médecins expliquent cela de diverses manières.

c)La semence acquiert ainsi une propriété cachée et elle transmet à la nature qu’elle engendre la qualité qu’elle a reçue, à peu près comme l’Éthiopien transmet à ses enfants sa couleur noire et ses cheveux crépus. Cela n’affecte directement que le corps, mais l’âme est viciée, à son tour, parce qu’elle se trouve unie à un corps révolté contre elle ; elle est ainsi entraînée vers les appétits inférieurs, aduersus eam corpus concupiscit,

C. XXII. i

d) Enfin, comment se fait ce passage du corps à l’âme qui devient morte, détournée de Dieu, immonde, souillée, coupable de péché ? Saint Augustin affirme catégoriquement le fait et hésite entre deux opinions pour l’expliquer : les âmes sont-elles propagées par les parents avec les corps, ou bien sont-elles créées par Dieu ? Dans la première hypothèse, l’âme est souillée en même temps et avec le corps par les parents ; dans la seconde hypothèse, elle est souillée par son union avec une chair pécheresse qui lui communique sa propre tache, lunquam in vitialo vase corrutnpilur… carni peccatrici aggraoanda miscetur.. L’âme devient charnelle ; elle est déprimée et opprimée par la chair ; elle est déjà dégoûtée des choses spirituelles ; elle ne désire et ne recherche que les choses terrestres ; elle n’est charmée que par l’amour des créatures ; elle se corporalisc en quelque sorte, quodamiwido corporascit, suivant l’expression môme d’Augustin, c. xxiii.

Comparer cet exposé des théories de saint Augustin sur le péché originel avec celui qu’en a fait le P. Portallé, 1. 1, col. 2392-2

2. Peines du péchéoriginel(Lre II), innombrables sont les effets désastreux du péché originel, Jansénius en fait une longue énumération et montre que tousonl leur source dans l’amour désordonné : ignorance, maux du corps et de l’âme, perturbations terrestres, etc., c. i.

a) L’ignorance, c. ii-vi. -Jansénius étudie d’abord l’ignorance qui remplit l’esprll de l’homme de ténèbres épaisses, au point qu’il Ignore parfois même les choses nécessaires à sa conduite. D’après Jansénius, saini

Augustin a soutenu connue dogme de foi contre les

pélagiens que l’ignorance de nécessité, non de volonté, autrement dit, l’ignorance Invincible n’excuse pas de péché, c. m. parce que celle Ignorance csi une peine du péché qui ne saurait être atténuée ou supprimée que par la grâce de Dieu. c. m. Mais, dit-on, la volonté

et la liberté sont nécessaires pour qu’un acte puisse être péché ; comment dès lors l’ignorance invincible qui ne saurait être surmontée par l’homme pourrait » elle être un péché ? On commet nécessairement les pèches d’ignorance invincible, donc ils ne peuvent être des pi dus vrais. Saint Augustin distingue le pèche qui n’est que péché et le péché qui est un châtiment du péché. Le premier suppose la liberté ; le second est une punition par laquelle la justice de Dieu presse et châtie le pécheur ; ce péché procède non de la nature elle-même, mais de la nature viciée par le péché d’Adam ; il n’est libre et volontaire que par son rapport au premier péché dont il est la peine et qui, lui, n’a pas été commis par ignorance invincible. L’ignorance invincible naturelle excuserait, mais point l’ignorance’invincible pénale. Celui qui commet une fornication, bien qu’il ne connaisse pas la malice de cette action et qui veut faire cette action, commet un péché, car, s’il ignore que c’est un mal, c’est une peine de son péché dont il ne saurait tirer avantage pour s’excuser. Bref, l’ignorance invincible n’excuse que pour les choses qu’on n’est pas obligé de savoir, mais elle n’excuse point quand elle est une punition du péché. Par suite, il faut distinguer le péché qui n’est que péché, comme l’orgueil du premier homme ; le péché qui est seulement la peine du péché, comme l’ignorance invincible qui, en Adam et dans sa postérité, a suivi la révolte contre Dieu ; enfin le péché qui est à la fois péché et peine du péché, comme la fornication qu’on commet par ignorance invincible, c. iv.

Pour préciser sa pensée, Jansénius distingue l’ignorance de droit divin positif, l’ignorance de droit naturel et l’ignorance de fait. L’ignorance de fait excuse toujours. De même probablement l’ignorance de droit divin positif. Seule, l’ignorance de droit naturel n’excuse pas, parce que ce droit est inscrit dans la nature et vient de Dieu même, en sorte que, s’il est détruit ou obscurci en nous, c’est la conséquence du péché originel. Jansénius, suivant étroitement Augustin, distingue dans l’histoire de l’homme, ou plus exactement de l’humanité quatre états : a. Avant la Ini : l’homme est comme un aveuglequi suit les concupiscences charnelles, librement, les croyant bonnes ; il est pécheur plus que prévaricateur. — b. Sous la loi : l’homme connaît le précepte : Non concupisces et cependant il porte en lui la concupiscence ; par faiblesse, il trangresse la loi connue de lui : l’ignorance ne l’excuse point ; il lui manque la grâce qui, seule, lui permettrait de vaincre la concupiscence qui domine en lui ; il est pécheur et prévaricateur et, ainsi, il est doublement coupable. — c.Sous la grâce. — dDans la paix. Jansénius ne parle pas de ces deux derniers états, car il veut simplement montrer que, dans les deux premiers, l’ignorance de droit nature’, qu’elle soit vincible ou invincible, n’excuse point, C. v.

I tans l’état d’innocence. l’ignorance invincible n’existail ]>as, bien que le premier homme n’eût pas une conn aisance parfaite de tous les faits et de tous les incidents singuliers qui pouvaient arriver, comme le prouve le colloque du serpent avec Eve et celui d’Eve

avec Adam.

La raison de cette doctrine se trouve dans ce fait que le droit naturel tient â la nature humaine dOUl raison (le fait et le droit divin positif sont surajoutés) ; ce droit est attache à la nature en sorte que, même après le péché, dans l’âme humaine, l’image de Dieu n’est point totalement détruite ; il reste en elle des

traces de vertu, de just icc et d’honnêteté naturelles. On doit dire de la cécité intellectuelle, née chez l’enfant (lu péché originel, ce qu’on dii de la cécité volontaire du pécheur après des inclus graves ; l’une et l’autre sont Incurables par la seule puissance humaine et ne peuvent être guéries que par la grâce de Jésus-Christ,