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JANSÉNISME, L’AUGUSTINUS, r. II. LA GRACE D’ADAM


où est contenu tout ce que saint Augustin enseigne au sujet de la grâce et de la prédestination. Aussi une opinion scolastique, quelque ancienne qu’elle soit, quel que SOÏI le nombre de ceux, qui la patronnent, quelle que soit sou extension dans l’espace et dans le temps, ne terni : point la foi île l’Église. Celle-ci tolère les opinions et les erreurs même dans les matières obscures ; mais lorsque, par les discussions des savants et les décisions des conciles, la vérité lui apparaît, elle ne se laisse point impressionner par l’antiquité îles opinions ; elle les examine de nouveau "t les rejette, si elle le juge nécessaire. Si on lui oppose le grand nombre des théologiens modernes, cela ne l’émeut point ; si, en effet, on compare l’érudition à l’érudition, les théologiens ne seront pas étonnes que l’église ait confiance, quand il s’agit des très pures sources de l’Écriture et des mystères caches, au seul Augustin, ce génie prodigieux, éclaire de Dieu, devant lequel s’incline tout homme, à moins qu’il ne soit remarquablement fou et orguedleux.plus qu’à des théologiens, quelque nombreux qu’ils soient. Si on compare l’autorité à l’autorité, le seul Augustin les égale tous, les remplace tous, les surpasse tous, unus est Augustinus instar omnium, loco omnium, supra omnes ; de lui seul, les autres tiennent tout ce qu’ils ont de bon, et si tout ce qu’ils ne tiennent pas de lui, sur cette matière, n’existait pas, la théologie en serait peut-être plus pure (defœcatior) et plus heureuse.

En fait, l’autorité de saint Augustin seul l’emporte sur tous les Pères, tous les conciles, tous les papes et ainsi Jansénius détruit certainement la règle de foi. En maints endroits, d’ailleurs, quand il se trouve en présence de propositions condamnées par saint Pie V et par Grégoire XIII, par exemple, il hésite. » Qui voudrait croire, dit-il, que le siège apostolique, qui a tant de fois approuvé et qui s’est approprié la doctrine de saint Augustin, soit arrivé à condamner comme hérétiques, erronées et fausses des propositions de ce même Augustin ? »

L’exposé des doctrines de saint Augustin sur le problème de la grâce a été tait par le P. Portalié, dans le t. i. Pour constater l’écart parfois considérable qui existe entre les thèses du grand docteur et celles que lui attribue Jansénius, il suffit de lire ce long article et particulièrement, col. 23772380, 2383-2408, 2435-2436, 2487-2489, 2546-2548.

Apres avoir, à sa manière, résumé les doctrines pélagiennes et semi-pélagiennes, t. I er, Jansénius a indiqué la méthode qu’il emploiera : reprendre les thèses de saint Augustin (Préface du t. n) ; maintenant, il aborde son sujet. Il suit l’ordre chronologique, il étudie d’abord en trois traités indépendants, et ayant chacun leur division propre : l’ange et l’homme innocent (un livre) ; puis la nature déchue (quatre livres) ; et enfin la nature pure (trois livres). L’examen de ces diverses questions forme le t. ii, tout entier.

2° La grâce du premier homme et des anges (livre unique).

1. État iFinn icence.

Dieu créa l’homme dans l’état d’innocence qui est un état de grâce et de sainteté, de justice et de rectitude parfaite. Dans cet état de sainteté et de charité, l’être tout entier est sain et il n’est point accablé des misères que nous constatons aujourd’hui. C’est l’état de nature intègre dans lequel la grâce pénétrait naturellement la volonté pour la faire adhérer a Dieu par un amour chaste et lui procurer ainsi le bonheur et la paix parfaite, c. i. Cette paix établit dans l’âme l’harmonie de toutes les parties de notre être : point de révolte de la partie inférieure contre la partie supérieure ; la concupisi n’existe pas, car elle n’est qu’un fruit du péché ; dans la partie supérieure elle même, point de sentiments d’orgueil IndéUbérés, indépendants de la raison. En un mot, c’est une complète subordination qui cons titue l’état de justice originelle, c. n. Sans doute, quelques théologiens modernes, comme Molina, Corneille de la Pierre, Suarez, ont prétendu que le premier homme avait des désirs naturels d’excellence, des tentations d’orgueil, mais leurs thèses théologiques qui s’appuient sur des fondements philosophiques, sont contraires à la doctrine la plus pure (caslissima) de saint Augustin, c. m. La thèse du P. François Calasse qui alïinne que le premier homme serait mort, quoique sans douleur, est également contraire à la doctrine catholique qui soutient que la mort est un châtiment du péché, c. iv. Les autres maux qui accompagnent la mort n’existaient pas chez Adam innocent, car ces maux ne viennent point de l’institution divine, mais de la volonté positive de Dieu qui a puni la malice de la volonté humaine, malum non ex institutione Dei sed ex sola ejus voluntate… solius peruersitalis supplicium. Jansénius fait un tableau idyllique d’Adam innocent, c. v. L’homme était mortel par la condition de sa nature, mais il était exempt de la mort par la grâce : il pouvait ne pas mourir, parce qu’il avait, dit saint Augustin, un corps de vie ; mais, après le péché, il n’a plus qu’un corps de mort : avant le péché, il avait la première mortalité qui est de pouvoir mourir ; après le péché, il a la seconde mortalité qui est la nécessité de mourir.

2. Liberté de l’homme innocent.

La liberté dont Adam innocent était doué se tournait naturellement vers Dieu, sa fin dernière ; cette liberté était indifférente entre le bien et le mal, la vie et la mort, l’amour du créateur et l’amour de la créature ; mais elle était bonne et penchait vers le bien, parce qu’elle était naturellement soumise à la souveraine justice, tandis qu’après le péché, elle est soumise à la créature et, par le fait, inclinée au mal et mauvaise, c. vi. Par les seules forces de sa liberté, Adam innocent pouvait se conserver en l’heureux état dans lequel il avait été créé ; il avait une pleine et entière puissance de bien vivre, de croire en Dieu, de l’aimer ; Adam était le seul arbitre de son bonheur et il pouvait persévérer dans la justice, c. vu et viii. Cette liberté vigoureuse et forte pour le bien avait son origine dans l’intégrité de la nature, dans l’absence de toutes les cupidités, de tous les attachements du cœur aussi bien que des ténèbres de l’esprit, c. ix. Adam avait les lumières nécessaires pour voir la justice et sa volonté n’était point divisée ; aussi il pouvait aisément faire le bien.

3. Nécessité de la grâce.

Cependant la grâce était nécessaire à Adam pour persévérer, pour diriger et garder sa liberté, regere et cuslodire, c. x, pour vaincre les tentations et faire le bien lui-même, car l’homme ne peut rien pour le bien sans le secours de la grâce. Le libre arbitre ne suffit que pour le mal, ad solum malum suis viribus suflicit ; ad bonum nihil omnino nisi alienis viribus adjutum potest. Cette impuissance de la volonté même innocente pour faire le bien vient non point de la difficulté de l’œuvre, mais de sa naturelle faiblesse, car la matière ayant été Crie du niant conserve toujours une pente vers le niant. De même que l’œil se suffit pour ne pas voir, puisqu’il n’a pour cela qu’à se fermer, mais qu’il ne peut cependant pas voir sans la lumière qui lui vient du dehors, suflicil sibi oculus ad non videndum ; ad videndum vero, lumine suo non sibi sufp.cit, nisi illi exlernum adjutorium clari luminis » rœbeatur, ainsi la liberté créée, quelque parfaite qu’elle soit, peut ne pas faire le bien >{ faire le mal par elle-même, mais ne peut éviter le mal OU faire le bien sans le secours de la glace de Dieu, .lan beaucoup sur la nature de celle grâce

saire a Adam, malgré la force de la libelle dont

il jouissait. Cette gi distincte de la grâce re nie A I.’création, car celle ci était un bien permanent donné < l’homme, taudis que celle-là était un secours