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JANSÉNISME, L’ÀUGUSTINUS, T. i. LE PÉLAGIANISME

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innocents et les misères de cette vie sont essentielles à la nature humaine, elles ne sont point dos punitions du péché. Les scolastiques (lisent que [es enfants ne se distinguent d’Adam que « comme un homme <Upouillc se distingue d’un homme nu t, tanquam spoliaius <i nudo ; ils n’ont, en plus, que le péché par lequel a été perdue l’intégrité de l’institution première ; ils seraient îles avec la seule nature pure qu’ils ne différeraient pas de l’état dans lequel ils naissent actuellement, e. xi.

Jansénius cherche les précurseurs de Pelage et il les trouve dans le prêtre Hutin, le moine Évagre, dans Palladius, Jovinien, Priscillien, les manichéens, les euchites, c. xii ; niais la principale source du pélagianisme est Origène, le père de toutes les hérésies, par ses doctrines sur le libre arbitre, sur l’indifférence, la loi de nature et la loi de Moïse, sur le mérite et la grâce, sur la prédestination et la vocation, sur le péché originel, c. xui-xvii. La source plus éloignée de l’hérésie pclagienne est la philosophie païenne de Pythagore, des stoïciens et surtout d’Aristote ; c’est dans l’officine des philosophes que sont nés les dogmes pélagiens, qu’ont ete forgées les armes dont se servent ces hérétiques pour soutenir et défendre leurs thèses subversives, c. xviii. Tout ce chapitre est une attaque véhémente contre la philosophie et annonce déjà certaines parties de la préface qui se trouve en tête du t. ii de V Augustinus.

A travers ses diverses phases, le pélagianisme conserve toujours son même caractère : c’est un orgueil insensé, c. xix.xx. Ses fondateur^ recherchent la nouveauté, la renommée, la gloire, la flatterie ; ils affectent la sainteté et montrent partout de la jactance et de l’hypocrisie ; ils poursuivent la richesse sous le couvert de la pauvreté, p irfois, au contraire, ils affichent un faste séculier, c. xxi, xxii ; ils ont une grande estime des sciences profanes et des arguties dialectiques, ce sont des singes d’Aristote qui abusent du syllogisme. Ils en appellentdes juges ecclésiastiques qui les condamnent aux philosophes péripatéticiens. Chez eux, on trouve un véritable prurit d’écrire des ouvrages nombreux avec le mépris des ouvrages des autres qui, à leurs yeux, ne sont que de pauvres ignorants ; ils travestissent la pensée d’autrui, s’attribuent des ouvragesqu’ils n’ont point faits et nient ceux dont ils sont les vrais auteurs, c. xxiii. llssimulent la sainteté et on les a trouvés pleins de vices et de débauches honteuses ; ils trompent comme des renards ; ils usent de mensonges, d’équivoques, d’amphibologies et de restrictions mentales, c. xxiv. En lin. ils exposent les dogmes d’une manière ambiguë el affectent d’être entièrement soumis à l’autorité de l’Église romaine, c. xxv. Visiblement ce sont les jésuites qu ; ’décrit ici Jansénius.

Les Marseillais, — c’est ainsi que Jansénius appelle ordinairement les semi-pélagiens, — ont atténué les diverses thèses pélagiennes. Les deux derniers livres (VII et VIII) sont consacrés à l’étude du semi-pélagianisme.

Livre VIL Saint Augustin, au dire de Jansénius, a peu écrit sur la prédestination avant les difficultés soulevées par les moines d’1 ladrumete et les Marseillais, parce qu’il savait l’obscurité particulière de cette délicate question, c. i. Les semi-pélagiens, dès l’origine, se divisèrent en sectes nombreuses ; quelques-unesde leurs opinions sont formellement pélagiennes : ainsi les théories de Faustus sur les forces de la nature et de l.i grâce, en ; leurs thèses d’ailleurs changèrent avec le temps, c. ni. et saint Augustin lui-même accepta un moment leur erreur avant son épiscopat, c. iv.

Le fond de l’hérésie semi-pélagienne est la négation

du choix et de la prédestination faite par Dieu dès

l’origine ; pour eux, la grâce et la vocation ne sauraient

a suite d’un décret divin posé à priori, c. v. Cette

doctrine ressort très nettement des textes d’Hil qui l’attaque, c. vi, el de Faustus qui l’expose, e. vii. D’après les semi-pélagiens, la prédestination gratuite n’est que le fatalisme païen, *, vin ; si le décret divin précède et détermine la volonté, c’est un décret immuable, indépendant de noire volonté el souverainement efficace, c. rx ; par suite, il supprime toute liberté pour le bien OU le mal, il crée une véritable nécessité d’agir ou de ne pas agir, c. x. Ce décret a priori provoque le désespoir du pécheur et produit la paresse et l’inertie chez les saints, c. xi ; il rend inutiles tout précepte, toute exhortation, toute correction, c. xii ; il supprimé la prière et l’obligation de prier, c. xiii, et divise tout d’abord et définitivement les hommes en deux groupes, en deux masses destinées, l’une à la vie, l’autre à la mort ; c’est la réédition du manichéisme c xiv. Les conséquences d’un tel fatalisme sont nettement contraires à l’Écriture, car Dieu n’aurait pas la volonté vraie et sérieuse de sauver tous les hommes et de les conduire tous à la foi, c. xv ; dès lors, les péchés des damnes seraient justement imputables à Dieu, c. xvi. Enfin la thèse de la prédestination antécédente et gratuite est formellement opposée aux affirmations catégoriques des Pères, c. xvii.

L’erreur fondamentale des semi-pélagiens, conclut Jansénius, tient à une triple principe : 1° le décret divin de la prédestination doit être postérieur à la prévision des mérites et doit reposer sur cette prévision ; en un mot, pas de prédestination gratuite ; 2° ce décret divin doit tenir compte non seulement de la bonne volonté qui commence à croire, à aimer et à espérer, mais aussi de la persévérance ; 3° l’exécution de ce décret est obtenue par des grâces qui sont toujours dépendantes de notre volonté, car toute grâce qui détermine la volonté humaine supprime la liberté elle-même. Ce sont, ajoute Jansénius, les raisons môme apportées par les molinistes, c. xviii.

L. VIII. Dans le dernier livre, Jansénius s’attache à montrer en quoi précisément le semi-pélagianisme diffère du pélagianisme proprement dit et en quoi il se rapproche du catholicisme ; en maints endroits, il identifie la doctrine des Marseillais avec celle de Molina auquel il fait des allusions visibles. On a l’impression très nette que, derrière les semi-pélagiens, Jansénius veut atteindre les molinistes ou, suivant son expression, les théologiens nouveaux.

Les semi-pélagiens, contrairement à Pelage qui avait voulu introduire la philosophie païenne dans l’Église, s’appliquent à conserver la grâce de Jésus-Christ, ils admettent le péché originel qui a blessé la nature humaine : l’homme est devenu si faible qu’il est incapable, par lui-même, de faire aucune œuvre de justice, incapable de persévérer dans la pratique de la vertu ; mais il y a chez lui quelque puissance naturelle de faire le bien et cette puissance naturelle aidée de la grâce suffisante, accordée à tous, peut recevoir l’Évangile et se donner un commencement de foi ; Dieu seul donne l’accroissement. La foi n’est point gratuite, car elle est accordée au mérite du libre arbitre.

La grâce et le baptême sont nécessaires, non seulement pour effacer le péché, mais encore pour parfaire les bonnes œuvres, c. i. Au sujet de la troublante question de la prédestination, le semi-pélagianisme distingue deux décrets divins : l’un gênerai qui est conditionnel, l’autre particulier qui est absolu, c. II. En vertu du décret général, Dieu accorde à tous les hommes des bienfaits et des grâces suffisantes communes ; l’Incarnation, la rédemption, le baptême sont pour tous les hommes ; à tous sont également accordées des grâces extérieures et intérieures, e. m. I.a première de ces grâces générales est la prédication de l’Évangile et la connaissance de la doctrine ; si, en fait, cette