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JANSÉNISME, L’AUGUSTINUS, T. 1. LE PÉLAGIANISME

de la vision béatifique, mais Jansénius, après avoir expose et discuté leurs arguments, déclare que cette opinion n’est point d’accord avec la thèse fondamentale des pélagiens : les enfants naissant dans un état naturel, ne sauraient atteindre la béatitude surnaturelle, c. nx-xxiii. Les adultes infidèles qui vivent moralement bien arriveront au royaume des cicux sans le secours de la foi et de la grâco intérieure, parce qu’avec la seule connaissance naturelle de Dieu, ils ont conservé la justice morale par la loi de nature ; s’ils ne connaissaient pas Dieu par les lumières de la raison, ils ne pourraient point arriver au royaume des cieux, car, pour y parvenir, il faut avoir la connaissance naturelle du vrai Dieu, mais ils pourraient obtenir la béatitude naturelle, pourvu qu’ils aient observé la morale naturelle, c. xxiv.

Au t. IV, Jansénius aborde le problème philosophique de la liberté et du péché et il étudie les dogmes pélagiens concernant les forces naturelles de l’homme. Dans une courte préface, il souligne l’opposition radicale de la thèse pélagienne avec le dogme catholique exposé par saint Augustin et dont il parlera lui-même aux 1. VII et VIII du t. m.

D’après Pelage, le péché suppose une indifférence complète entre le bien et le mal ; pour qu’un acte soit péché, il faut que l’homme ait pu le faire ou s’en abstenir ; le péché suppose la liberté’de contradiction et de contrariété. Chez l’homme déchu, la nécessité de pécher ne saurait exister, car on ne peut lui imputer une action qui n’a pas été libre, c. i ; chez lui, il n’ya point d’inclination au péché, c. ii, et Dieu ne peut Infliger, comme punition du péché, une facilité à pécher, c. ht ; seules, les mauvaises habitudes personnelles créent des difficultés pour faire le bien, C ; iv et on ne peut même pas concevoir un péché qui serait la punition d’un autre péché, c. v. car Dieu, souverainement juste, ne peut infliger à l’homme, en punition d’un péché passé, une infirmité naturelle qui l’inclinerait au mal ; sans doute, sans la foi en Jésus-Christ, l’homme ne peut faire d’œuvres. surnaturelles, mais il peut faire des œuvres bonnes, stériles pour le ciel, c. vi. C’est ainsi que, dans la nature humaine, se trouvent les germes des vertus que Dieu y a déposées ; c’est la liberté elle-même qui constitue ces germes de vertu. Par là, Pelage se sépare des sémi-pélagiens qui admettent, dans l’homm » déchu, des restes de sa première innocence et qui avaient besoin de la grâce. Jansénius, en opposition à ces deux hérésies, résume en quelques mots la doctrine de saint Augustin : tout bien se fait par la grâce médicinale de Jésus-Christ, qui diffère essentiellement de la grâce d’Adam innocent en ce qu’elle fait vouloir et faire, tandis que la grâce d’Adam était soumise à la volonté, c. vu. A l’inverse, Pelage trouve même chez les infidèles dont il fait ►ge, c. viii, ces semences naturelles qui se développent et produisent les vertus morales sous l’influence de la volonté obéissant à la loi.

Par elle-même, continuc-t-il, l’intelligence humaine peut arriver à la connaissance parfaite du vrai et à la distinction du bien et du mal ; par elle-même et par ses seules forces, la volonté peut arriver à la vertu dans l’accomplissement parfait des actions que l’intelligence a montrées conformes à la loi. Ces deux facultés, par leurs forces naturelles, peuvent connaître le vrai Dieu, l’aimer, lui rendre le culte convenable et l’honorer comme il faut, c. ix ; elles peuvent arriver à la pratique de toutes les vertus cardinales, car ces vertus supposent seulement une lumière qui permette de les connaître et une force suffisante pour faire ce qui est connu comme devoir, c x ; ainsi la nature peut atteindre la vraie justice, la vie éternelle et le royaume de Dieu, c. xi ; elle peut produire la pénitence et ramener a la justice naturelle qu’on aurait

perdue, c. xii ; elle peut vaincre les mauvaises habitudes et triompher de la violence des passions, c. xiii. Par son libre arbitre, l’homme peut, s’il le veut, ne point pécher et arriver à la perfection, après avoir surmonté toutes les tentations, c. xiv. Par suite, les fidèles ne sont pas tenus de prier afin d’obtenir de Dieu la victoire sur les tentations et le pardon de leurs péchés, puisqu’ils peuvent triompher des tentations les plus violentes de la chair et de la concupiscence avec les seules forces de leur libre arbitre, c. xv. L’homme peut ainsi éviter le péché, parce que sa nature n’est point affaiblie ; Dieu ne saurait lui imposer des commandements impossibles à remplir ; d’ailleurs, une tentation insurmontable supprimerait la possiblité même de pécher, c. xvi. Pelage, pour expliquer l’Écriture qui affirme que nul homme n’est sans péché distingue entre être et pouvoir être sar.s péché ; il accorde qu’en fait l’homme n’est pas sans péché, mais qu’il pourrait être sans péché, s’il le voulait, c. xvii ; il affirme non seulement la possibilité, mais encore la facilité naturels d’éviter tout péché, c. xviii. Enfin, i ! enseigne, avec les stoïciens, l’apathie, l’impassibilité de la nature en face des passions les plus violentes et distingue l’impeccabililé du fait de pouvoir ne pas pécher ; impeccanfia et impeccabilitas ; il affirme la possibilité naturelle de pouvoir éviter le péché, bien qu’en fait on ne les évite pas tous, c. xix.

L’Église est composée des seuls justes et de ceux qui ne pèchent pas, c. xx, et les nommes parfaits, dès ici-bas, deviennent égaux aux bienheureux et aux anges, c. xxi. Par son libre arbitre, l’homme devient l’égal de Dieu. C’est ainsi, conclut Jansénius, que les pélagiens développent un orgueil gigantesque ; ils placent l’homme au-dessus même de Dieu, puisqu’une nature qui peut pécher ou ne pas pécher et qui lemporte toujours la victoire est certainement supérieure à celle qui ne pèche pas, parce qu’elle est impeccable. Comme Noé, « enivrés par un vin très pur, les pélagiens ont voulu revêtir la nature humaine d’orgueil et ils l’ont mise honteusement à nu. »

En résumé, le pélagianisme repose sur deux erreurs fondamentales : une erreur sur la nature de la grâce qui s’identifie presque avec la nature ; une erreur sur la manière dont agit la grâce qui reste toujours soumise à la volonté. Tout se passe à peu près comme si Adam n’avait pas péché.

Dans les deux livres suivants, Jansénius étudie l’évolution de l’erreur pélagienne dont il vient d’exposer les principes généraux et les thèses capitales. Ces thèse » s’écartaient trop du dogme catholique ; pressé par ses adversaires, Pelage modifia sa doctrine au point de se rapprocher parfois du catholii’ij us pur,

mais cependant, en dépit des apparences, il en diffère. Cette évolution comprend quatre phases dont les deux premières sont peu importantes, puisqu’en réalité, elles ne sont guère que la reproduction de la doctrine elle-même. Ces deux premiers états ne différent que par le nom.

L.V. Le pélagianisme se confond, au premier instant, avec le paganisme et la philosophie païenne ; il ne prêche que la pure nature et supprime la grâce, c. I. Dans la seconde phase, le pélagianisme parle, il est vrai, fie grâce, mais identifie la nature et la grâce : c’est le semipaganisme qui exalte la nature et le libre arbitre, qui sont des grâces accordées à tous les hommes : chrétiens, juifs, païens. C’est pour lutter contre cette forme du pélagianisme que saint Augustin composa le De natura et.Gratia, en.

La troisième phase est beaucoup plus importante : c’est celle où le pélagianisme prend l’allure du judaïsme, c. m à xxx. Les seules gi. dans cet état sont les commandements de Dieu ou la Loi dont Pelage fait un grand éloge et elles seules