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JAHN

JALOUSIE

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JAHN Jean, savant bibliste autrichien (1750181 G). D’abord professeur au couvent des prémontrés de Bruck. puis, après la suppression de ce couvent, au lyrée d’Olmûlz, il devient professeur d’archéologie biblique et de langues orientales à l’université de Vienne, 1 780. La hardiesse de ses opinions lui atlire vite des difficultés, et en 1806 il doit échanger sa chaire pour une stalle de chanoine à la cathédrale Saint-Etienne ; il meurt le 16 août 1816. La partie la plus considérable de son œuvre est consacrée à la philologie sémitique, où Jahn acquit une compétence reconnue de tous. Son œuvre biblique est surtout représentée par sa Biblische Archaologie, 5 vol., Vienne, 1797-1805, 2e édition, 1807-1815 et sa Biblia hebraica, avec variantes, Vienne, 1806. Mais Jahn doit être surtout signalé à l’attention des théologiens pour son Einleitung in die gôtllichen Bûcher des Allen Blindes, 2 vol.. Vienne, 1799-1802, 2e édition en 3 vol. en 1804 ; publiée aussi en latin sous le titre Inlroduclio in libros sacros Veteris Fœderis in compendium redarta, l re édit. 1804, 2e édit., 1815. Ackermann en a publié en 1825 une édition revisée. Certaines idées, qui y sont professées sur l’inspiration de l’écriture et son interprétation, ont été plus au moins explicitement rejetées par le concile du Vatican. Voir t. vii, col. 2153 et 2299.

C. von Wurzbach, Bingrapliisches Lexikon des Kaiserlums Œslerreicli, t. x, p. 42-47.

E. A MANN’JALOUSIE. —
I. Notion.
II. Moralité.
III. Remèdes.

I. Notion.

Qu’est-ce-que la jalousie ?

Le vulgaire confond assez souvent envie et jalousie, les unissant dans une égale réprobation. Quoiqu’elles proviennent d’une même racine d’orgueil et de convoitise et qu’elles portent des fruits peu différents, ce sont deux branches qu’il y a lieu pourtant de distinguer. L’étymologie de chacune indique déjà une orientation respective divergente. L’envie, inuidia, désigne le mauvais œil qui ne peut voir le bien du prochain ou s’en offusque. La jalousie, zelus, est un amour passionné pour un bien qui n’admet pas le partage. Saint Thomas a défini l’envie une tristesse que détermine la vue du bien d’autrui, en tant qu’il diminue à nos yeux ou aux yeux du prochain notre propre excellence : Bonum alterius aslimatur ut malum proprium, in quantium esi diminutivum propriw gluriæ vcl excellenliæ ; el hoc modo de bono allerius trislatur inuidia. Sum. Iheol. II" II-, q. xxxxvi, a. 1. La Rochefoucauld caractérisait ainsi le vice de la jalousie par opposition à son congénère : « La jalousie tend à conserver un bien qui nous appartient ou que nous croyons nous appartenir, au lieu que l’envie est une fureur qui ne peut souffrir le bien des autres. » Maximes idil. Firmin-Didot.p, 153.

Un degré moindre de la jalousie consiste à s’attrister non précisément du bonheur des autres, mais à la pensée qu’ils sont plus favorisés que nous, mieux servis par les circonstances, que tel ou tel avantage qui nous souriait leur échoit. C’est proprement le sentiment de l’émulation, zelus. Vertueux, s’il a pour objet les biens spirituels et nous stimule a égaler ou même à surpasser en matière de perfection des rivaux, il peut être louable encore, appliqué à la poursuite des biens terrestres, potest aliquis tnslari de bono alterius, non ex co quod ipse luibet bonum, sed ex eo quod nobis deest bonum illud quod ipse luibet, hoc proprie est zelus…. El si isle zelus sit circa bona honestCL, laudabilis est… Si autem sit de bonis lemporalibns potest esse cum peccato et sine peccato. Summ. Theol.. ibid., a. 2.

La jalousie, au regard des philosophes et des moralistes, est surtout le soin ombrageux que nous mettons a garder notre propre bien ou ce que nous estimons tel, dans la crainte qu’un autre y participe. Elle est causée par un égoïsme exclusif, qui veut être seul à jouir, ne souffrant pas que personne le supplante ou l’évincé. Elle se révèle au début par une inquiétude vague, de l’agitation, et elle a pour terme la haine de ceux dont’la réussite contraste avec notre insuccès. Cependant elle demeure à tous les échelons une tristesse formelle, l’amer chagrin soit de voir qu’un avantage espéré nous échappe, soit de ne pouvoir garder pour nous seuls un bien déjà nôtre, soit aussi et surtout de le sentir possédé par autrui.

Ceux qui jalousent.

Saint Thomas a signalé plusieurs catégories de gens comme plus enclins à l’envie. Les jaloux d’ordinaire se rencontrent aussi parmi eux. Et d’anord les glorieux, qu’ils soient tels par tempérament ou par vice, Sum. theol. II 1 IL r, q. xxxvi, a. 1, ad 3um, amatores honoris sunt magis invidi ; les pusillamines ensuite, incapables d’un effort sérieux, aux yeux de qui le moindre succès chez les autres est d’une extrême importance et qui s’en attristent comme d’un échec personnel notable, pusillanimes sunt invidi, quia omnia repulant magna, el quidquid boni alicui accidat, repulant se in magno superalos. Ibid. ; tous ceux encore qui voient maintenant en d’autres mains certains avantages dont ils ont autrefois joui. De ce nombre sont les vieillards aisément jaloux des jeunes, senes invident junioribus… ; dolent enim de amissione suorum bonorum et de hoc quod alii consecuti sunt bona. Ibidem, ad 4 llm. Le vieillard est d’ailleurs un pusillamine de même que l’enfant et la femme. Ceux-ci d’ordinaire se défendent mal aussi du vice de la jalousie. Ce qui s’explique chez l’enfant par un manque de raison ou b prédominance de l’instinct, et chez la femme par la faiblesse du sexe, que complique presque toujours la passion de briller et de plaire.

Ceux qu’on jalouse.

Ceux-là seuls qu’on espère égaler ou surpasser en gloire, qui ne sont pas trop distants par la situation, la dignité ou la valeur sont en butte à l’envie, au rapport de saint Thomas. His qui mullum distant vel loco, vel lemporc, vcl statu, dit-il, homo non invidet ; sed his qui sunt propinqui, quibus se nititur square, vel præferrc. Sum. Theol., II 1 II ! F, q. xxxvi, a. 1, ad 2 1 " 11. La jalousie prend ombrage aussi de voisins dont la concurrence est à craindre, capables d’évincer quelqu’un de sa position ou de le faire passer au second rang dans son milieu. Elle sévit aisément entre gens de la même profession. Tout devrait les rapprocher : la similitude des occupations et des goûts, les talents, la condition ; mais le désir de paraître el de briller, plus encore que la lutte pour la vie, les fait se regarder d’un mauvais œil. Un commerçant, par exemple, sera moins content d’étendre sa clientèle et de grossir son chiffre d’affaires que d’abaisser et de ruiner un rival heureux. Non seulement les individus, mais les groupements sociaux et politiques, ainsi que les divers corps de i’E. a t, sacrifient à la passion de la jalousie. Dans nos démocraties m dénies, le sentiment de l’émulation et l’amour du progrès expliquent la lutte des classes au même titre que l’instinct égalitairc ou l’impatience de toute supériorité.

Ce qu’on jalouse.

La jalousie s’étend aussi loin que les convoitises humaines..Mais les personnes et les choses qui ont nos préférences et dont la jouissance exclusive nous met hors pair, en sont plutôt l’objet ; Elle s’éveille donc à propos des biens qui ne peuvent être possédés tout entiers et simultanément par plusieurs, tels que la beauté, la fortune, t’estime, l’autorité, la popularité, la gloire. C’est le propre des biens sensibles, déficients par nature, qualifiés par saint Thomas « le parva bona, et qui ne souffrent ni diminution ni partage, La vérité et les biens spirituels, parce qu’il, peuvent être possédés intégralement par plusieurs à la fois, n’excitent en soi la jalousie de personne. C’est tout à fait accidentellement que cette