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JACQUES DE VITEHBE — JACQUES DE VORAGINE

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droit divin, parce qu’elle procède de la grâce. » De regimine christiano, Bibl. mit., lat. 4229, fol. 75v°76v°. Cette distinction fondamentale revient sous la plume de Jacques de Viterbe jusqu*â la fin de son traité. Même quand il semble faire sien le principe théocralique, formulé par Hugues de Saint-Victor : « l’Éylise <toit instituer le pouvoir temporel pour qu’il existe, et le juger s’il se conduit mal », il a soin d’ajouter que » ce pouvoir a son fondement dans la nature et que l’intervention de l’Église a pour objet non de le créer mais de le parfaire. >Dereg. christiano, fol. 102v°. Jacques de Viterbe a quelque peine à se dégager du courant augustinien ; dans le fond de sa pensée celui-ci se mêle au courant thomiste, qui ne parvient pas toujours à s’harmoniser avec l’autre. Mais, c’est dans son De regimine christiano, qui a passé jusqu’ici pour un écrit théocralique, . qu’il faut chercher, en même temps qu’une ébauche du traité de l’Église, la première théorie longuement développée du droit naturel de l’État faite par un théologien. Cela suffit pour marquer la valeur intellectuelle de Jacques de Viterbe, et pour faire entrevoir l’intérêt qui s’attacherait à une étude approfondie de ses œuvres.

I. Sources. — Voir le catalogue des œuvres de Jacques de Viterbe dans la deuxième partie de cette étude. Eb ce qui concerne le De regimine Christian », le manuscrit le plus utilisable est Lat. 4 229 de la Bibliothèque nationale de Paiis, en attendant l’édition critique que nous en avons préparée, précédée d’une étude sur les sources. Déni Ile et Châtelain, Cliartularium Universitalis Parisiensis, t. n.

II. Travaux. — Gandolfo, Dissertalio hi.storica de ducentis celiberrimis augustinianis scriploribtts, Rome, 1704, p. 186 ; Torelli, Secoli Agostiniani, Bologne, 16591686, t. v, j.. 277 et suiv. ; Jordan de Saxe. Liber qui dicitur vitte Iratriun, Rome, 1587, p. 171 ; Fabricius, Biblioincca latina mediæ et’nfimæ œtatis, Passau, 1754, t. iv, p. 22 ; Ughelli, Italia sacra, t. vin a, p. 143 et t. vi, p. 119 ; Chioccarelli, Anlistitum pra-ctarissimx Xeapolitanæ ecclesiæ catalogus, Naples, sans date, in fol. p. 193 ; Finke, Aus den Tagen Boni fax VIII, Munster. 1902, p. 163-166 ; Scholz, Die Publizisiik znr Zeit Pliilipps des Schônen, Stuttgart, 1903, p. 132 sq. ; Mandonnet, Siger de Brabant et l’auerrolsme latin au XIII’siècle, 2’édit.. Paris, 1911 ; Histoire littéraire de la France, t. xxvii, 1877, p. 45.

H. X. Arquillière.

JACQUES DE VORAGINE, dominicain, archevêque de Gênes († 1298). — I. Vie. II. Œuvres.

I. Vie. — Jacques naquit, vers 1228 ou 1230, à Varaggio (Varazze ou Varage), de là son surnom, — mais on devrait dire Yaragine — c’est l’erreur d’un copiste qui a substitué un o au premier a ; la localité est sur le golfe de Gênes, non loin de Savone. En 1244, il revêt l’habit dominicain, se fait remarquer au milieu de ses frères en religion par son zèle pour l’étude et sa conduite édifiante. Après oa profession religieuse, il enseigne avec éclat la théologie dans plusieurs maisons de son ordre, attire sur lui l’attention par son talent de prédicateur. Prieur de son couvent à trente-cinq ans, il est élu provincial de Lombardie en 1267 et remplit cette charge pendant dix-huit ans. A la mort de Charles Bernard, archevêque de Gênes, en 1288, Jacques est élu par le chapitFe pour le remplacer mais il refuse. Obezzon de Fiesque, patriarche d’Antioche, expulse de son siège par les Sarrasins, est nomme administrateur du diocèse de Gênes, mais quand il vient à mourir quatre ans plus tard (1292), de nouvelles instances sont faites auprès de Jacques, qui cette fois est obligé de céder. Le pape Nicolas IV désire le sacrer lui-même et dans ce dessein le mande à Rome : le pontife vient à mourir sur ces entrefaites et Jacques reçoit la consécration épiscopale des mains de l’évêque d’Ostie. Il se hâte de rentrer à Gênes, bien décidé à ne plus quitter son diocèse. Il s’adonne dès lors aux devoirs de sa charge, obtient de réels succès par son éloquence persuasive : après trois ans d’efforts, il fait cesser les divisions entre Guelfes et Gibelins de sa ville épiscopale, mais cette paix de 1295 dure peu de temps. Lorsque les Guelfes, excités en secret par le roi de Naples, reprennent la lutte, on voit le prélat exposer sa propre vie et se jeter au milieu des combattants pour les séparer. Il se montra d’une générosité admirable à l’égard des pauvres ; avant de mourir, il voulut qu’on prélevât sur le prix de ses funérailles une somme destinée à soulager les mallu ireux. Jacques de Voragine mourut le 14 juillet 1298, après sept ans d’épiscopat. Les Bollandistes citent un calendrier où il est qualifié de bienheureux, mais il n’y a aucune trace d’un culte qui lui ait été rendu Acta Sancl., juillet, t. iv, p. 1.

II. Œuvres.

1° Jacques de Voragine a laissé des Sermons peur le Carême^pour les dimanches, pour les /files des saints au cours de l’année, sur lu sainte Vierge. Traduits en latin, ils ont été imprimés au xvie et au xvii » siècle, sous le titre : Sermones super Evangelia dominicarum, /esta sanctorum lotius anni, per quadragesimam integram, cum sermonibus de planclu B. M. V. et Mariate aureum in 160 sermones distributum : on cite en particulier les éditions suivantes, Brixen, 1483, Augsbourg, 1484, Venise, 1497 et 1544. Un recueil de ces sermons se trouve en manuscrit à la Bibliothèque municipale de Tours, héritière du fonds de Marmoutier. Ces instructions dénotent une simplicité, une bonhomie originales capables d’émouvoir : il est vraiment regrettable que ! a méthode scolastique y tienne une place trop considérable, il y a des divisions, des subdivisions, des points coupés en d’autres points qui sont coupés à leur tour. Voir E. C. Richardson, Voragine as a preacher, dans Princeton theological Review, 1904, t. ii, p. 442. Le sermon sur les stigmates de saint François est vraiment curieux, les explications données semblent supposer des théories psychologiques qu’on retrouve chez les modernes.

Chronique de la ville de Gênes.

Jacques de Voragine

y fait l’histoire de cette ville depuis la fondation jusque vers l’an 1295. — Murât ori l’a éditée dans Srriptores rerum Ilalicarum, t. i, p. 1-56 ; T. de Wyzewa nous assure que la copie reproduite est inexacte, qu’il faut lui préférer un ms. de la première moitié du xive siècle qui se trouve à la Bibliothèque municipale de Gênes.

3° Les contemporains de Jacques nous assurent qu’il donna une traduction de la Bible en italien, la première qui ait été faite en cette langue, puis un volumineux commentaire de saint Augustin.

4° Nous arrivons enfin à la Légende des Saints, Legenda Sanctorum, rédigée en latin qui bientôt après sa composition, fut appelée : Legenda aurea, Légende dorée.

L’œuvre a été tour à tour exaltée et dénigrée outre mesure. De nos jours où l’on y revient, on constate la même différence d’appréciation en des termes cependant plus modérés. Ainsi T. de Wyzewa, l’un des derniers traducteurs de la Légende dorée en français, ne manque pas d’en faire l’éloge I P. Meyer, dit qu’elle a obtenu une popularité bien peu méritée. Notice sur un légendier français du Xi i/° siècle, dans Notes et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, in-4o, Paris, 1899, t. xxxvi, 1™ partir, p. 2. — l. Époque de composition ; objet et but de l’auteur. — D’après T. de Wyzewa, l’œuvre fut composée vers 1255, alors que Jacques était encore jeune professeur de théologie : l’histoire lombarde qui en forme l’appendice s’arrête à la mort de Frédéric II et ne signale pas l’élection du pape Alexandre IV en L254. De plus, Jacques ne nomme pas une seule fois dans sou œuvre Thomas d’Aquin qui, dès 1255, commençait à être une des gloires de l’ordre des frères prêcheurs. L’auteur se