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JACQUES (ÉPITRE DE), ENSEIGNEMENTS

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de saint Paul ei de saint Pierre, de la lettre de Clément de Rome et même du Pasteur d’Hermas. (Cf. Canonicité. ) Jiilicher développe cet argument littéraire. mais reconnaît qu’il est très subjectif et peut être diversement apprécié. Op. ci !., p. 193. Par contre, il insiste sur les rapports entre Jac, n. 14-26, et la doctrine de saint Paul. D’après lui la mésintelligence des principes pauliniens dominait l’Église à l’époque OÙ l’épître a été composée. Les œuvres de la loi, dont parle saint Paul, étaient, pour des lecteurs du commencement du IIe siècle, les œuvres morales. Les épîtres de Paul, mal interprétées, fournissaient des arguments à ceux qui se laissaient gagner par l’indifférentisme moral. L’auteur écrivit sa lettre pour rectifier cette fausse conception. C’est pourquoi, dans l’exposé de la justification, il ne parle plus des œuvres de la loi, mais des œuvres morales.

Depuis longtemps déjà on a reconnu qu’il n’y a pas lieu d’opposer Jacques et Paul, qu’ils ne se placent pas sur le même terrain, que Jacques n’a nullement l’intention de réfuter Paul, que son épître n’est pas une épître de controverse. Les œuvres, pour Paul, sont surtout les pratiques légales que Jésus a abrogées ; pour Jacques, ce sont les fruits de la foi, les œuvres morales Or ces œuvres morales le fidèle, d’après Paul, ne peut les négliger : cf. Rom., xii, 1-2 ; pour Paul, comme pour Jacques, la foi doit porter des fruits ; les deux apôtres s’accordent sur ce point essentiel : pour Jacques, la foi sans les œuvres ne sert de rien ; elle n’est plus qu’une vaine spéculation, comparable, par son inutilité, à la connaissance qu’ont les démons ; pour Paul la foi sans les œuvres morales n’est pas une foi véritable.

Les allusions probables à notre épître, que l’on peut relever dans I Petr. et l’épître de Clément de Rome, se joignent à la tradition pour exclure la date tardive proposée par beaucoup de critiques. Il n’y a rien dans les conceptions religieuses de l’épître qui oblige à la retarder au commencement du n c siècle. Si l’auteur veut combattre une fausse interprétation des principes pauliniens, il n’est pas impossible qu’il ait voulu le faire du temps même de Paul, cf. II Petr., m. 1*3 : mais dans ce cas on peut dire qu’il est resté sur le terrain exclusivement moral, pour ne pas avoir l’air de combattre des principes qu’il avait approuvés au concile de Jérusalem. Dans cette hypothèse l’épître aurait été composée vers la fin de la vie de saint Jacques, quelques années avant l’an 66.

Toutefois, la théologie élémentaire de l’épître, l’organisation décrite encore dans les termes du judaïsme, l’absence de controverses, la loi chrétienne présentée comme dans l’enseignement de Jésus, les caractères juifs de l’épître, suggèrent une époque où le christianisme était peu développé et n’avait pas encore rompu ouvertement avec le judaïsme. Les conditions sociales des lecteurs semblent indiquer une époque où la tyrannie du parti sadducéen était à son comble. Cf. F Josèphe, Antiquit., I. XX, c. viii-ix. Toutes ces considérations font penser aux années qui précèdent immédiatement le concile de Jérusalem. Un bon nombre de critiques n’hésitent pas à souscrire à cette conclusion. Mayor, op. cit., p. cxx ; C. W. l’.mmet. Art. James (Epistle of), dans Hastings’Dictionary oj the Hible in One Volume. Edimbourg, 1909, p. 12 1 : on, Introduction to the Xew Testament, Londres, p. 156-458 ; Belser, Camerlinck, Meinertz. (Voir Bibliographie.) Zahn. Einleilung in dus Nette Testament, 1. 1, p. 94, est d’avis que saint Paul lait allusion à l’épître de Jacques dans Rom., iv, 1 sq.

L’hypothèse qui place la composition de l’épître avant le concile de Jérusalem nous paraît la plus probable. D’après ce que nous savons de son auteur et de son origine, elle a été très vraisemblablement

écrite à Jérusalem. L’hypothèse d’après laquelle elle aurait été écrite a Rome ne paraît guère fondée ; elle ne peut s’appuyer que sur les allusions à l’épître dans les écrivains romains des deux premiers siècles.

Les lecteurs sont des judéo-chrétiens de langue et de culture helléniste. Ils appartiennent à un milieu qui n’est pas le judaïsme pharisaïque de Palestine. La mention de la 81xa7rop<x, i, 1, ne permet pas de déterminer d’une laçon précise les destinataires. Si l’épître a été écrite avant le concile de Jérusalem, il n’est guère vraisemblable qu’elle vise des chrétiens habitant hors de la Palestine ou de la Syrie. Il faudrait, dans ce cas, songer aux communautés judéo-hellénistes de Palestine, où le christianisme avait déjà pénétré. Si elle a été composée après l’an 60, rien n’oblige à la restreindre à un groupe limité de communautés. Comme l’auteur ne semble pas connaître personnellement ses lecteurs, on pourrait la regarder, dans ce dernier cas, comme une épître répondant aux besoins généraux des communautés de langue grecque, issues du judaïsme.

V. Enseignements théoi.ogiques. — Le caractère pratique de l’épître ne se prête pas aux développements dogmatiques. Cependant les exhortations et les enseignements moraux s’appuient sur des idées théologiques très définies, dont les principales se rattachent aux sujets suivants : 1° la tentation, i, 2-5, 12-15 ; 2° la loi parfaite, ou le salut par l’évangile, i, 23-27 ; 3° la foi et les œuvres de miséricorde, ii, 14-26 ; 1° la défense de jurer, v, 12 ; 5° la prière et l’onction des malades, v, 13-18 : 6° la valeur de l’apostolat, v, 19-20.

1° La tentation, i, 2-5, 12-15. — L’épreuve de la foi doit être un sujet de joie et un moyen de perfection. Les tribulations, comme dans Rom., v, 3, doivent être génératrices de vertus et permettre d’acquérir la sagesse. Par épreuves, l’apôtre’entend les vexations et les souffrances de toutes sortes auxquelles sont exposés les chrétiens pour avoir embrassé le christianisme ; ces épreuves, capables d’arracher les fidèles à leur foi, ne doivent pas être limitées aux mauvais traitements infligés aux nouveaux convertis par les païens ou les juifs fanatiques. La foi dont il est question n’est pas seulement une connaissance ou une conviction, l’acte initial qui tourne le pécheur vers Dieu, c’est la foi concrète et agissante. Cf. ii, 1 ; v, 15 ; Bède, P. L., t. xciii, col. 11. La persévérance dans l’épreuve doit avoir une « efficacité parfaite », gpvov téXeiov, c’est-à-dire faire donner au chrétien la mesure de son attachement à ses croyances. Le surcroît d’énergie, déployé dans la résistance doit se traduire en bonnes œuvres ; l’endurance passive ne suffit pas, seules les œuvres parfaites rendent les chrétiens « parfaits et accomplis >, TÉXeioi x.al ôLôxX-rjpot, nc laissant rien à désirer, év |i.r, Sevl >, e17r611.evoi.

Le rôle des épreuves dans l’acquisition de la perfection est un thème commun au judaïsme et à la littérature profane. Cf. Testaments des XII Patriarches, Joseph, ii, 7 ; Jubiles, xvii, 17 : XIX, 8 ; 1 Petr., i, 6 ; Prov., xxvii, 21. Pour être parfait, il faut la sagesse, que l’on ne peut obtenir que par la prière confiante et persévérante, i, 5 ; cf. Sap., vu. 7 : i. <i ; Kcch., i ; Sap., ix. Cette sagesse n’est pas une connaissance d’ordre spéculatif : c’est la conduite morale ; elle est décrit. iii, 13-18. Enfin, l’épreuve patiemment supportée mérite la couronne de vie que le Seigneur donne a ceux qui l’aiment, i, 12. Cl. Apoc, ii, 10 ; I Cor., il, ’.) : Ex., xx, 6 ; Deut., vu..

De l’épreuve en général, l’an leur passe à la t( ni al ion. « Dans la tentation personne ne doit dire : je suis tenté par Dieu ; car Dieu est Inaccessible aux tentations mauvaises, àittlpaunàç, hn-vi xaxûv, et il ne tente lui-même personne. Mais chacun est tenté par sa