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JACQUES (ÉPITRE DE), ORIGINE


Neuen Testament, de H. J. Holtzmann, Fribourg, L890, d’après laquelle l’auteur de L’épître aurait incorporé dans son écrit des éléments importants d’origine juive, à savoir : iii, 1-18 ; IV, 11-v, 6, L’auteur n’est lias un compilateur. L’épître, sans doute, n’a pas été écrite d’un seul jet comme certaines épîtres de saint Paul, et la cohésion des différentes [inities n’y est pas toujours très apparente, mais elle ne se présente pas non plus comme un agglomérat d’éléments hétérogènes reliés artificiellement ; elle est tout entière animée du souille chrétien. J. Parry, .1 discussion o thé (jeneral Epistle o St. James, Londres. 1903, s’est efforcé de mettre en relief l’unité logique de l’argument développé dans l’épître.

Harnack, Die Chronologie, t. i. p. 489, regarde l’épître comme une collection de proverbes ou de maximes provenant d’un didascalos et répandue vers l’an 130. Cette collection aurait été transformée en une lettre vers l’an 200, par un auteur inconnu, grâce à l’introduction de l’adresse, i, 1, et placée sous le nom d’un personnage bien connu, ce qui l’aurait fait rapidement accepter comme écrit canonique. Cette hypothèse se heurte aux mêmes impossibilités que les précédentes : impossibilité de reconnaître dans l’épître une collection de proverbes ; impossibilité de regarder l’adresse comme une interpolation, et de faire passer pour une lettre de l’âge apostolique un écrit ayant une telle origine. Un faussaire présente ses propres pensées sous le nom d’un autre afin de se donner de l’autorité. Mais comment attribuer à un personnage du temps apostolique, une collection de sentences qui circule déjà depuis de longues années et dont on connaît l’origine ? C’estum" hypothèse vraiment étrange. La compilation des sentences d’un didascalos transformée en épître et attribuée à Jacques, est beaucoup plus invraisemblable que la composition de l’écrit par Jacques lui-même.

2. Est-elle de Jacques de Jérusalem ? — L’épître reste donc une lettre d’origine chrétienne. Mais s’accorde-t-elle avec ce que nous savons de Jacques, évêque de Jérusalem ? A quelle époque du développement chrétien correspond-elle, et à quels lecteurs paraît-elle s’adresser ?

L’épître dénote une théologie encore élémentaire et toute pratique. Le Christ y est à peine désigné, il est attendu comme juge du monde. Le christianisme de l’épître est très accentué, mais pas encore complètement dégagé du judaïsme ; il fait songer aux communautés judéo-chrétiennes, dans les années qui précédèrent immédiatement le concile de Jérusalem. Le i trère du Seigneur, si on le regarde comme distinct du lils d’AIpliée, ne reconnut la mission divine de lesns qu’après la résurrection, cf. I Cor. xv, 7 ; Joa.. vii, 5. et resta dans le judaïsme jusqu’à ce moment. On pourrait expliquer ainsi pourquoi l’épître laisse dans l’ombre l’œuvre messianique de Jésus :

l’auteur étail surtout préoccupé de réaliser la vie chrétienne. Il est d’ailleurs plus près des synoptiques que

de saint Paul, il ne vit point dans l’ai inosphère des

controverses, il ne trahit que des préoccupations morales, l’n faussaire lui aurait fait prendre des positions plus nettes à l’égard de la loi et l’aurait davantage l’ail parler dans le ton du discours de Jacques, Ad.. xv, 20-21.

Toutefois certains caractères de l’épître s’accordent

moins bien avec ce que nous savons de la personne île Jacques. Julicher, Einleilung in dus X. T. p. 190 sq.,

les a développés avec lorce. en les invoquant pour

rejeter la composition de l’épître au n 1 siècle,

mais ses remarques ne permettent nullement Us

conclusions radicales qu’il en tire. Voici celles qui mentent d être examinées. On objecte loul d’abord le caractère littéraire de l’écrit. Comment un Juif de

Galilée pouvait-il avoir une connaissance suffisante du grec pour écrire l’épître ? Il faut reconnaître, en effet, que la langue de l’épître n’est pas un grec de traduction, mais la xoîvif] littéraire la plupart du temps. Le grec populaire pouvait à la rigueur s’apprendre par les relations de la vie courante ; mais la connaissance du grec littéraire suppose la fréquentation d’une école de rhéteur. Lorsque l’auteur de l’épître cite l’Ancien Testament, il s’accorde avec les Septante ; sa bible n’est pas la bible hébraïque ; de plus sa connaissance de la sagesse et de Philon, montre qu’il est familiarisé avec les écrits du judaïsme alexandrin. les points de contact de l’épître avec l’enseignement rabbinique et la littérature du judaïsme palestinien, comme l’Ecclésiastique et les Testaments des XII Patriarches sont indéniables ; mais ses rapports avec le judaïsme alexandrin sont peut-être encore plus frappants. Cf. A. Kennedy, The hellenistic atmosphère n/ the Epistle o/ James, dans The Expositor, Londres, série VIII, 1911, p. 37-52. Ropes, A critical and exegelical commentary on the Epistle oj St. James, Edimbourg, New-York, 1016, rapproche l’argumentation de l’épître de celle de la diatribe, et refuse d’attribuer l’écrit à Jacques parce qu’on y sent trop l’influence de l’hellénisme. Il admet cependant comme probable qu’il a été publié dès le commencement sous le nom de Jacques.

A cela on peut faire observer que le grec était beaucoup plus répandu en Palestine au premier siècle qu’on ne croit généralement. Cette langue dominait dans les villes du littoral et était parlée dans la Décapole et dans le nord de la Galilée. A l’intérieur de la Palestine, et même à Jérusalem, il y avait parmi la population un élément important de langue grecque. Les Juifs de la dispersion revenus à la métropole y avaient leurs synagogues, Act.. vi, 9, où on lisait la Bible dans les Septante : et dès les premiers jours du christianisme, il y eut un élément helléniste important dans l’Église de Jérusalem. Cf. Act., vi, 1-9. Ainsi il ne manquait pas de moyen, en Galilée comme à Jérusalem, d’apprendre le grec. Si l’on objecte que la situation de famille de Jacques ne lui permettait pas de taire des études, on peut répondre qu’on ne sait pas exactement quelle était cette situation, ni quel lien de parenté le rattachait à Jésus. D’ailleurs si l’on trouve que ces observations n’expliquent pas suffisamment les caractères de l’épître, on peut faire l’hypothèse que l’évêque de.Jérusalem a fait rédiger son écrit par un secrétaire de culture hellénique. Ce ne sérail pas là un cas isolé dans l’origine des livres du Nouveau Testament.

Julicher objecte également ceci : comment Jacques al-il pu afficher une telle liberté à l’égard des pratiques Uvales : écrire une épître où il n’est pas question de lois ccrcmonielles. où la religion a un caractère suri mit moral, i. 27 ; où l’ancienne loi. regardée comme une servitude, est remplacée par la loi parfaite de la liberté, i. 25 ; a, 12. dont la plus haute expression est l’amour du prochain, u..s ? A ces remarques on doit répondre que Jacques n’est présenté, ni dans les Acles, ni dans l’épître aux (ialales. comme le chef du parti judaïsant opposé à l’aul et l’inspirateur des contre-missions qui gênèrent si souvent l’apostolat (le celui ci ; C’est à tort qu’on veut lui faire jouer ce rôle. Sa position à l’égard de la Loi, dans l’épître, montre qu’il s’affranchit du légalisme, qu’il réagit contre lui et se réclame de l’enseignement de Jésus ; Cf. Matth., vu. 12 ; xi. 28 : tn ; xii. 7 ; Marc, xii, 28-34. Celle at lilude est d’autant plus accentuée que l’épître S’adresse a des lecteurs de langue grecque, d’esprit plus libéral.

Pour retarder jusqu’au iie siècle la composition de l’épître, on a prétendu aussi qu’elle dépend des lettres