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IMPUISSANCE


et non de telle autre. Ou distingue aussi l’impuissance organique ou anatomique, et l’impuissance fonctionnelle ; la première qui a sa cause dans un vice de conformation, la seconde qui provient d’un trouble fonctionnel, comme c’est ordinairement le cas dans l’anaphrodisie, l’aphrodisie et le vaginisme. L’impuissance est dite perpétuelle quand elle est incurable, ou que seuls un miracle ou des moyens illicites ou extraordinaires ou très dangereux peuvent y porter remède. Elje est temporaire, dans le cas contraire : si notamment elle peut être écartée par une opération qui ne présente pas de danger grave, par exemple, en cas d'étroitesse facilement remédiable.

Il semble que la vasectomie double (chez l’homme) entraîne l’impuissance perpétuelle, du moins dans les cas où elle n’est pas de date récente. Les chances qu’il y a de pouvoir souder ensemble les deux extrémités du canal déférent sectionné sont en effet si problématiques, l’opération chirurgicale exige une main si expérimentée, qu’il faut ranger le rétablissement des fonctions génitales parmi les moyens extraordinaires. Seulement, vu les progrès étonnants réalisés dans le domaine de la chirurgie, nous ne voulons pas imposer cette opinion comme certaine, et refuser toute probabilité au sentiment opposé, d’autant plus que les conséquences en sont importantes pour la pratique.

IIL Empêchement de mariage. — l" L' impotentia coeundi, si elle est antécédente et perpétuelle, constitue, selon le droit naturel, un empêchement dirimant de mariage. Le Codex juris canonici le déclare : Impotentia antecedens et perpétua, sive ex parte viri sive ex parte mulieris, sive alteri cognila sive non, sive absoluta sive relativa, matrimonium ipso naturx jure dirimit. Can. 1068, § 1. Il suffît de considérer la nature et la fin du mariage pour s’en convaincre. En elîet, le mariage est un contrat par lequel l’homme et la femme s’associent et s’unissent en un principe commun de procréation et d'éducation des enfants ; engendrer des enfants et les élever, voilà donc la fin propre du contrat. Il est dès lors évident que les contractants doivent à tout le moins être aptes à accomplir l’acte sexuel suffisamment pour que de sa nature il tende à la procréation.

Mais il tombe sous le sens que seule l’impuissance perpétuelle est un obstacle infranchissable ; car elle seule est en contradiction absolue avec la fin du marllge. De plus, il faut que l’impuissance soit antérieure au contrat matrimonial ; car une impuissance survenant durant le mariage ne dissout nullement celui-ci, bien qu’elle interdise les rapports. Enfin il importe peu cpie l’impuissance soit absolue ou relative. Seulement, (hinsle prcmier cas, elle forme un empêchement dirimant à tout mariage, quel qu’il soit ; dans le second, elle n’atteint que les personnes impuissantes vis-à-vis l’une de l’autre.

2° On discute beaucoup la question de savoir si seule l’impotentia coeundi, à l’exclusion de Vimpotentia jœcundandi, entraîne l’empêchement de mariage. Pour notre part, nous croyons cpie V impotentia fœcundandi ne constitue pas l’empêchement de mariage : du moins cette doctrine est solidement probable en théorie et peut être appliquée en pratique.

L En elîet, ce que le contrat matrimonial confère directement aux époux, ce n’est pas le droit de procréer, de féconder ; c’est le droit d’accomplir l’acte sexuel (le telle façon que de sa nature il soit apte à la génération.

2. On peut trouver une confirmation de cette théorie dans le fait que le contrat matrimonial est un contrat qui intéresse la société, et qui, à ce titre, est réglementé par l’autorité, soit religieuse, soit civile eu ce qui concerne les infidèles. Or, qui dit

réglementation dit aussi moyen de contrôle.. Il faut donc que l’autorité puisse juger, le cas échéant, de l’existence du contrat matrimonial et de sa validité. Mais pour cela, il est nécessaire qu’elle puisse constater l’existence des empêchements, au moins en règle générale ; et dès lors, il faut écarter de la série ceux qui ne sont pas basés sur des faits obvies et tangibles.

Or, tandis que Vimpotentia coeundi pourra, en règle générale, être constatée sans trop de difficulté, V impotentia fœcundandi résulte, comme nous l’avons vu, de faits qui, pour la généralité des cas, échappent au contrôle : tels l’absence ou l’inertie complète des ovaires, la dégénérescence du sperme.

3. Un troisième argument, qui vient corroborer notre manière de voir, peut se tirer des graves inconvénients qu’entraîne l’opinion opposée. En effet, avec elle il faudrait logiquement écarter du mariage non seulement les femmes privées d’ovaires ou qui ont subi l’opération de l’oophorectomie, mais encore toutes celles- — et elles sont légion — dont les ovaires sont devenus irrémédiablement improductifs, comme c’est le cas général après le temps de la ménopause ; il faudrait écarter de même tous les hommes dont le sperme est accidentellement vicié ou privé de spermatozoïdes.

La conclusion qui se dégage de l’exposé qui précède est celle-ci : il est solidement probable que l’empêchement d’impuissance vise les seuls cas où il y a impossibilité d’accomplir normalement les rapports conjugaux, notamment les cas d’absence de verge, de défaut d'érectibilité, d'étroitesse du vagin, etc. Dès que raccomplissement normal des relations sexuelles est assuré, il n’y a pas d’empêchement d’impuissance, alors même que l’on constate par ailleurs des vices de conformation empêchant la fécondation ou la conception. C’est ainsi que, d’après cette doctrine probable, la femme privée d’ovaires ou ayant subi l’opération de la falïectomie ne serait pas à considérer comme inapte au mariage du chef d’impuissance ; il en serait de même des vieillards, dont l'âge a stérilisé mais non tari le sperme, qui sont demeurés capables de vraie émission séminale, et dont le pénis est resté érectile. Ces personnes ne sont pas à ranger, en vue du mariage, parmi les impuissants, mais parmi les stériles.

Si maintenant de la théorie nous passons à la pratique, nous n’hésitons pas à proclamer que la doctrine susdite, tout en ne dépassant pas les limites de la probabilité, est d’une application sûre en pratique.

En efiet, a) il suffit qu’une personne soit probablement apte à contracter mariage pour qu’on ne puisse pas l’en empêcher en pratique. Tout homme a un droit inaliénable à se marier, et l’on ne peut invoquer contre ce droit une incapacité, une interdiction absolue, excluant tout mariage, que pour autant que cette interdiction ou cette incapacité soit certaine ; aussi longtemps qu’elle n’est que douteuse et probable, l’on peut passer outre.

b) Les décrets et décisions du Saint-Siège semblent se conformer à ces vues. Dans les cas soumis au cours des dernières années, au sujet du mariage de femmes que l’on disait privées d’ovaires, la solution a toujours été : ne pas interdire le mariage projeté et, s’il s’agit tl’un mariage déjà contracté, laisser les époux en paix. A citer dans ce sens les solutions successivement émanées de la S. C. du Saint-Offlce, le 3 février 1887, le 23 juillet 1890, le 31 juillet 1895, et en 1902 ; la dernière réponse est rapportée par Wernz, Jus Decretalium, Prato, 1911-1912, t. iv, n. 345, note 34 ; les autres se trouvent insérées dans la seconde édition (1907) de la Collcctanca S. C. de Propaganda fide. Gasparri Tractatus canonicus de matrimonio, Paris,