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IMPECCABILITÉ


bienheureux ont au ciel ce posse efficax non peccare ; nous ne l’avons pas, nous autres.

2 » Cela nous met immédiatement en face des problèmes théologiques de V impeccabililé. Cette question de la peccabilité ou de Fimpeccabilité est, en efiet, au cœur des divers problèmes que pose la consciei)ce au sujet de sa vie morale.

Pouvoir faire le mal, quel mystère et quelle condition de vie pour l'être libre 1 Mais pouvoir le faire n’entraîne-t-il pas le pouvoir de ne pas le faire à volonté et ainsi la faculté naturelle d’impeccabilité? (Pélagianisme.)

Si on enlève ce pouvoir à la nature, serait-ce donc que celle-ci est corrompue radicalement et n’a plus la liberté d'éviter le mal ? (Protestantisme.)

Si on distingue pouvoir facultatif et pouvoir efRcace dans la nature du libre arbitre, celui-ci ne garde-t-il pas toujours sa nature et ne restera-t-il pas dès lors faillible in œternuml (Origénisme.)

Alors qu’est-ce que le terme de la vie : une immobilité extrinsèque que retient la main de Dieu ? (Nominalisme) ou une immobilité intrinsèque absolue et cela dans l’ordre surnaturel seulement et seulement pour les bienheureux (Suarez) ou dans tout ordre, même naturel, de fin dernière ? (Saint Thomas.) Concrètement, qu’est-ce que notre liberté et notre grâce et notre sainteté d’ici-bas ? qu’est-ce que la sainteté des confirmés en grâce ? la sainteté de Marie la Vierge, mère de Dieu ? la sainteté de Jésus, l’HommeDieu ? la sainteté des bienheureux dans le ciel ? du moins pour autant que toutes ces saintetés incluent l’impeccabilité?

II. iMPECCABILITÉS DIVERSES. NOUS aVOUS a

étudier ici : 1° l’impeccabilité divine et l’impeccabilité créée dans leurs principes ; 2° l’impeccabilité par grâce sur la terre ; 3° l’impeccabilité dans l’autre vie ; 4 » l’impeccabilité dans le Christ.

1° L’impeccabilité divine et l’impeccabilité créée dans leurs principes. — 1. La source de l’impeccabilité.

Nous n’avons qu'à résumer ici deux articles de

saint Thomas, De veritale, q. xxiv, a. 7, et Somme Ihéologique, I", q. Lxra, a. 1.

Pécher, c’est manquer à la rectitude qu’aurait dû avoir une action, qu’il s’agisse des œuvres de la nature ou de celles de l’art ou de celles de la liberté morale. Or telle faculté, telle action. Pour des actions infailliblement réussies, immanquablement droites, il faudrait donc une faculté possédant en elle-même la règle ou la force d’absolue rectitude de ses actions. Une faculté, ayant dans sa nature même la règle du droit et parfait agir, sera impeccable. Au contraire toute faculté qui n’aura pas cette force et cette règle en elle-même, mais devra la recevoir du dehors, par elle-même sera défectible et sujette à pécher. Ainsi vulgairement parle-t-on pour le dessin d’avoir le compas dans l'œil ; ou dans la comparaison de saint Thomas, pour le charpentier qui scie en une ligne imperturbablement droite, d’avoir comme une règle dans la main.

Il en va semblablement dans le domaine des choses morales. Notons d’abord que la volonté est une faculté non de biens particuliers seulement, comme l’appétit animal, mais du Bien absolu, infini. La rectitude pour elle ce sera donc d’aller à ce Bien absolu seul et toujours, comme à sa fin dernière. Pour avoir une rectitude de vouloir impeccable, il faudra donc à la volonté la possession intrinsèque d’une force absolue d’adhésion nécessaire au Bien infini, 'foule volonté qui n’aura pas en elle-même cette règle nécessitante du bien moral ne sera pas impeccable, mais pourra au contraire d’elle-même faillir et pécher. On consultera là-dessus les commentaires et les explications de Cajétan, ou des Salmanticenses,

in h. loc, -pour comprendre la portée précise des affirmations si profondes de saint Thomas, portée non comprise toujours par Scot et par Suarez.

2. Impeccabililé et Dieu.

Dieu possède, est l’impeccabilité absolue ; il est la sainteté et la pureté au degré infini. Inutile de citer sur ce sujet des textes bibliques ou patristiques. Rien de commun possible, de n’importe quelle possibilité, entre Dieu et le mal, le mal moral, le péché. C’est d’ailleurs une conclusion évidente des notions qu’on vient d’exposer. La volonté divine, en effet, est une force infinie d’adhésion au Bien infini connu par l’intelligence divine. A cette connaissance in finie duBien infini, il est impossible que la volonté divine ne réponde pas par un aniour infini, aussi immuable que la vision infinie qu’elle suit. C’est là la raison formelle de l’impeccabilité divine.

Plus radicalement et pour remonter à la nature divine elle-même : il faut comprendre que le Bien infini, c’est Dieu Un-même, la vision intellectuelle infinie de ce Bien, c’est encore Dieu lui-même ; la volition, l’amour infini de ce Bien infini, c’est toujours Dieu lui-même. C’est-à-dire que tout cela c’est la même substance simple et infinie qui est Bien, Vi.ion, Amour infinis, subsistants, comme tout cela, est l'Être même subsistant. Dieu ne peut donc pas plus pécher ou vouloir hors de la pure rectitude du Bien absolu qu’il ne peut cesser d'être l'Être ou d'être lui-même.

Le volontarisme moral a donné une autre notion de la rectitude morale et donc de l’impeccabilité divine. Dieu ferait par son libre bon-plaisir tout bien et tout mal. Bien et mal intrinsèques n’existeraient pas, mais ne seraient que des effets positifs des élections divines. Quant à Dieu lui-même, tout serait droit dans ses œuvres, au fond parce que nul autre ne peut lui poser de règle ou de loi. ou parce qu il est son maître à lui. seul. Un tel volonlarisme, qui ruine par la base toute vraie morale, n’est qu une grossière méconnaissance des premières notions de Dieu et de volonté et de bien et d'être. Voir Moralité (Obligation morale).

3. Impeccabililé et nature créée.

Dieu pourrait-il produire une créature impeccable de par son essence ? Voilà la question qu’on trouvera longuement étudiée par les grands théologiens ai. : x premiers chapitres de la chute des anges, à la suite de saint Thomas. Sum. Iheol I^ q. LXiix, a. 1. Voir les résumés de Jean de Saint-Thomas, disp. XX I H, Opéra, t. iv ; Salmanticenses, De angelis, disp. IX ; Suarez. De angelis, l. VU, c. in. Nous allons résumer ces résumés eux-mêmes. a) D’abord, posons bien la question : une créature est-elle possible qui serait de par sa nature intrinsèquement impeccable. Il s’agit d’une créature intelligente et libre et non d’une âme spirituelle a qui Dieu pour la rendre impeccable enlèverait la faculté de juger ou de choisir, espèce d’homme-brute imagine par Gabriel Biel, Major et autres nominalistes. 11 s’agit de ce qu’elle pourrait de par sa nature seule et cela posée dans un ordre naturel ou dans un ordre supérieur surnaturel ; mais non de ce qu’elle pourrait ici ou là par grâce surajoutée à sa nature. Donc une créature pourrait-elle exister qui de par son essence serait impeccable en tout ordre possible pour elle.^ Le problème semble subtil ; mais les théologiens ne 1 ont pas analysé longuement sans raison ; car c’est lui qui fait le mieux pénétrer dans l’intime du problème du

Décile

Comme en la plupart de ces matières qui louchent à la psychologie spirituelle et spécialement angélique, il y a trois solutions données à la question, par samt Thomas, Scot, Suarez. Voir Anges, t. i, col. 1228 sq.

b) Les préd.-cesseurs nominalistes de Scot, et, après