Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/84

Cette page n’a pas encore été corrigée

ri 7

IMPOSITION DES MAINS

1418

ment de l’ordre autrement que pour les autres sacrements et ne donne à son sujet qu’une doctrine incomplète. Quand il a jugé à propos de préciser aux Arméniens des questions d’ordre secondaire ou purement liturgique, comme, par exemple, pour l’eau à ajouter au vin de la messe, il l’a fait en termes formels et précis ; ici, comme pour le baptême, la confirmation, etc., c’est la matière essentielle et proprement dite du sacrement qu’il entend faire connaître. Et le renvoi au Pontifical romain qu’il ajoute au texte de saint Thomas n’est pas pour atténuer cette affirmation : si, de fait, le Pontifical conserve l’imposition des mains parmi les cérémonies de l’ordination, ses rubriques elles-mêmes, tant générales que particulières, indiquent qu’elle n’y est pas considérée comme le rite essentiel destiné à produire le caractère. Le. concile, au reste, ne renvoie au Pontifical que pour la forme dos ordres autres que la prêtrise, dont aucun, on le sait, sauf le diaconat, ne comporte, même à titre de cérémonie, l’imposition des mains.

Ces faits ne sont pas seulement significatifs par eux-mêmes ; il s'établit de plus entre eux un accord si naturel et si complet que la pensée de l'Église en ressort manifestement. On peut croire ne pas être tenu d’accepter cette pensée, comme le lait le cardinal van Rossum à la suite de beaucoup de théologiens modernes, quoique dans des conditions où ces derniers ne s’en seraient pas reconnu la liberté. On peut chercher ailleurs des arguments pour essayer de prouver que la doctrine ainsi manifestée est incomplète, et le cardinal Billot, De sacramentis, t. ii, thés, xxx, le fait, avec tous ceux qui croient devoir associer l’imposition des mains à la tradition des instruments pour obtenir le rite essentiel du sacrement. Mais comparés aux faits dont nous parlons, les arguments qui appuient les positions ainsi adoptées apparaissent si peu liés entre eux et si dépourvus de fondement solide, que seule une conviction préétablie peut en faire agréer les conclusions.

2. Les arguments en sens conlraire ne prouvent pas. — On invoque le caractère sacramentel reconnu à l’imposition des mains aux âges où elle était le seul rite de l’ordination et sa persistance parmi les rites actuels. Mais conclure de là qu’elle a toujours conservé le même caractère, c’est, sans doute, supposer impossible n priori qu’elle l’ait perdu ; ce n’est pas prouver que l'Église, à un moment donné, n’a point cessé de le lui reconnaître. L’antiquité et la persistance du rite ne sauraient, en effet, rien changer aux constatations déjà faites : qu’il n’ait pas cessé, depuis les apôtres, de faire partie des cérémonies de l’ordinal ion, théologiens, liturgistes, papes et conciles ne l’ignoraient certes pas ; le Décret de Gratien, qui le mentionne seul à l’exclusion de tout autre, part. 1, dist. XXIII, c. vii, vui, XI, aurait suffi à le rappeler à un monde qui lui empruntait toute sa documentation canonique. ( ; f. de Ghellinck, Le traité de P. Lombard sur les sept ordres ecclésiastiques, dans la Revue d’histoire ecclésiastique de Louyain, 1910, t.xii, p. 29-lG ; mais le fait qu’ils ont néanmoins reconnu la matière propre du sacrement dans la seule tradition des instruments n’en est au contraire que plus significatif.

On se réfère à la décrétale de Grégoire IX sur la nécessité de suppléer ad caulelam, en cas d’omission, le rite, « introduit par les apôtres, » de l’imposition des mains : Presbi/ler et diaconus, cum ordinantur, manus imposilionem, tactu corporali, rilu ab apostolis introducto, rccipiunt ; quod si omissum jueril, non est (diquatenus iteraruiurn, sed slatuto Icmpore ad Imjusmodi ordines con/erendos, eaute supplendum, quod per crroremexstititprœtermissumA. I, it.xvi, De sacramentis non iterandis, c. 3. Mais on n’arrive d’abord pas à se mettre d’accord sur ce qui fait l’olijet projjre de cette

décision. Les uns croient qu’il s’agit de l’imposition des mains elle-même, qui aurait été complètement omise, cf. Many, De sacra ordinatione, tit. ii, c. ii, n. 257 ; les autres pensent qu’on avait seulement omis de la faire tactu cnrporuli, et c’est pour cette irrégularité commise dans l’accomplissement du rite qu’elle serait à suppléer. Cf. Wernz, Jus Decretalium, t. ii, n. 61. Puis rien, dans le texte de la décrétale, n’indique que le pape ait considéré l’imposition des mains comme étant indispensable à la validité du sacrement. On peut l’admettre sans doute, si l’on croit certain par ailleurs qu’il ne pouvait pas en être autrement, et c’est ainsi que l’entendent Wernz, toc. cit., et la plupart sans doute de ceux qui partagent son opinion sur la nécessité de ce rite ; mais le texte n’y oblige nullement et Mgr Many, par exemple, toc. cit., croit au contraire qu’il dénote un sentiment tout opposé : Fatendnm est, si hodie contingat omitti priorem nmnuum imposilionem, non tantum supplendum esse hune rilum, sed totam ilerari debere ordinationem, quia, cum opinio sit hodie commuais ritum illum esse essentialem, imo solum essentialem, illo omisso, cetera nihil valere quisque putaret. Unde dicendumest Gregorium IX, qui hsec scribebal circa annum 1232, hanc solutionem praclicam dédisse juxla disciplinam sui temporis, quo vulgo jam putabatur ritum illum esse mère accessorium.

On allègue le c. m de la session XIV du concile de Trente sur le ministre de l’extrême-onction, où il est dit que, dans la lettre de saint Jacques, les presbyteri qu’on appellera auprès des malades doivent s’entendre soit des évêques soit des prêtres ordonnés par eux : per imposilionem manuum presbyterii. DenzingerBannwart, Enchiridion, n. 910. Le concile aurait exprimé là sa pensée sur le rite propre de l’ordination sacerdotale. Mais il est vraiment étrange que l’on ait pu attribuer à ce texte une portée pareille. Le concile ne fait qu’y déterminer le sens du mot presbyteri dans la lettre de l’apôtre : Quo nomine eo loco, … intelligendi veniunt… non œtate seniores… sed aut episcopi aut sacerdotes ab ipsis rite ordinati per imposilionem manuum presbyterii. Cf. I Tim., iv, 14. Pour établir que les prêtres sont seuls les ministres de l’extrêmeonction, il fixe l’exégèse du texte de saint Jacques et en indique le sens tel qu’il résulte des documents de la même époque : le nom de presbyteri (quo nomine), désigne là (eo loco), dans cette Epîtrc, les episcopi ou les sacerdotes qui ont reçu des évêques l’j/rjposiVio/ie/n manuum presbyterii dont parle l'Épître à Timothée. Cette citation même de saint Paul confirme que le concile ne tend directement qu'à déterminer le sens du mot presbyteri dans la lettre de saint Jacques. C’est donc dépasser manifestement sa pensée que de lui attribuer l’intention d’indiquer ou seulement de rappeler quel est à ses 3'eux le rite propre de l’ordination sacerdotale.

3. Confirmation par le concile de Trente.

Tout porte à croire, au contraire, que, sur la matière du sacrement de l’ordre, le concile de Trente s’en est tenu exactement à la doctrine du concile de Florence. Nous avons déjà dit l’autorité qu’il avait reconnue au décret pour les Arméniens. Voir col. 1313. Plusieurs de ses canons sur les sacrements ne font qu’en reproduire les formules, par exemple, le canon 9 des sacrements en générai, sur le caractère sacramentel, le canon S de la confirmation sur le ministre de ce sacrement. Cf. de Guiberl, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, 1919, p. 86-88. Mais, au sujet du sacrement de l’ordre en particulier, il est manifeste que les deux conciles professent la même doctrine. L’un et l’autre considèrent comme sacrements, des ordinations où n’intervient à aucun litre l’imposition des mains et où l’on ne saurait assigner d’autre matière sacramentelle que la tradition des instruments. Le concile de Florence