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IMPOSITION DES MAINS


P. d’Alès, dans les Recherches de science religieuse, t. IX, 1919, p. 120. Cinq d’entre elles, de beaucoup les plus communes jusqu’au xix<’siècle, admettent le caractèresacramenteldelaporrection des instruments ; quatre lui associent au même titre une imposition des mains, soit l’une de celles qui de tout temps ont fait partie de l’ordination sacerdotale, soit celle qui, depuis le moyen âge, fait suite à la communion de la messe et spécifie le pouvoir reçu de remettre les péchés ; une, la seule moralement qui ait eu cours dans les écoles du xm^ au xvie siècle, la considère comme constituant à elle seule la matière proprement dite du sacrement. La sixième opinion, par contre, celle qui prévaut de nos jours et est présentée par beaucoup de théologiens comme étant la vraie, lui dénie tout caractère proprement sacramentel et considère l’imposition de.s mains comme étant et ayant toujours été le seul rite auquel fût attachée la vertu du sacrement de l’ordre.

Cette question reviendra à l’art. Ordre. Mais il est nécessaire d’indiquer ici les principes en vertu desquels l’imposition des mains, après avoir cessé équivalemment d’être considérée comme la matière du sacrement de l’ordre, tend, au contraire, à se voir attribuer de nouveau ce caractère.

2. Pas de principes a priori excluant le changement. — Ces principes, il faut le dire immédiatement, sont d’ordre exclusivement théologique, et leur certitude n’excède pas celle d’une opinion libre. En dernière analyse, en elTet, c’est uniquement parce qu’ils estiment ne pouvoir reconnaître à l’Église le pouvoir de déterminer et donc de modifier elle-même les rites essentiels de certains sacrements que, depuis le xvii" et surtout le xviiie siècle, un grand nombre de théologiens tendent à rejeter l’enseignement sur la matière du sacrement de l’ordre qui était commun jusque-là aux diverses écoles théologiques ; que les papes et les conciles avaient adopté ou promulgué ; qui s’était fixé jadis et qui continue aujourd’hui encore à être exprimé dans les livres liturgiques de l’Église romaine.

Pour prouver que tel est le fondement vrai et unique de cette régression théologique, il suffit de renvoyer à l’ouvrage du cardinal van Rossum, qui est la somme très érudite et une mise au point très appliquée des arguments les plus propres à la justifier. Il le met lui-même, avec autant de netteté que de résolution, à la base de son argumentation, p. 57, 187 sq., et c’est ce qui donne à ses conclusions une allure si ferme. De soi, d’ailleurs, il est évident que le fait historique de l’antiquité et de l’universalité de l’imposition des mains dans la collation des ordres ne saurait avoir de valeur démonstrative pour l’époque moderne qu’autant qu’on exclut a priori toute possibilité d’addition ou de modification dans les rites essentiels ù la validité du sacrement, et que l’on rejette comme nécessairement erronée toute doctrine, quelle qu’en soit l’autorité, impliquant un changement quelconque de cette nature. Plus logique et abordant le problème plus franchement que beaucoup de théologiens dont il partage et veut faire triompher l’opinion, le cardinal van Rossum va jusque-là, ou plutôt, il part précisément de là : la fixité absolue et itrimitive de tous les riles sacramentels lui paraît cire le principe absolu qui domine toute cette discussion.

Que ce principe fondamental ne soit cependant pas « ne doctrine commune, le cardinal Billot l’enseigne explicitement. De sacramentis, 1. 1, thes. ii, ad 1°’" ; thés, xxxii ; t. ii, thés. xxx. Au début de cette dernière thèse en particulier, qui est consacrée à la matière du sacrement de l’ordre, l’éminent professeur conteste résolument que la fixité absolue des rites essentiels de certains sacrements soit une conséquence néces DICT. DE THÉOL. CATHOL.

saire de leur institution par le Christ. In ipso limine hujus quieslionis juvabit iterum atque iterum in mentem revocare, quomodo ex doctrina catholica, quæ in Christo Salvatore agnoscit immediatum insiitulorem sacramentorum Novæ Legis, minime sequatur materiam et formam omnium et singulorum debuisse ab ipsomet in individuo assignari, etc. Billuart, De ord/ne, dissert. II, a. 1, ad 11"", rejette lui aussi formellement ce prétendu principe premier : Dicimus Christum non inslituisse materiam hujus sacramenti delerminando in specie hanc vel illam esse materiam, sed delerminando tantum in génère conferendum esse per aliquod signum sensibile quod foret signiflcativum potestatis traditæ ; determinalionem auiem hujus signi in specie, an esset talis vel talis res, an impositio manuum, an porrectio instrumentorum, an ulraque simul, reliquisse Ecclesise… Ecclesia itaque hac potestate sibi a Christo tradita utens, delerminavit seu saltem consensit quod impositio manuum cum forma illi correspondente pro Ecclesia grœca, et forte etiam in prioribus sœculis pro Ecclesia latina, esset signum legitimum utriusquc potestatis traditæ ad consecrandum et ad absolvendum. At postea delerminavit pro Ecclesia latina quod porrectio instrumentorum. .. esset signum legitimum potestatis consecrandi. .. Ecclesia [ergo] non potest mutare materiam sacramentorum formaliter sumplam in ratione signi et ut a Clu-isto inslitulam, [sed potest mutare] materiam sumplam in ratione rei. Sic enim mutare materiam non est mutare substantiam sacramenti. Le P. d’Alès, dans les Recherches de science religieuse, loc. cit., qui cependant adhère à la thèse maîtresse du cardinal van Rossum parce « que les solutions les plus simples ont souvent chance d’être les plus vraies, np. 135, en a très justement réduit le principe fondamental à sa vraie mesure : « c’est une opinion théologique, et très contestable, » p. 132. Nous avons vu plus haut, à propos de la confirmation, col. 1381, qu’un grand nombre de théologiens anciens et modernes, appartenant aux écoles les plus diverses, la contestent en effet et y contredisent formellement. C’est plus qu’il n’en faut pour montrer ce qu’il y aurait d’arbitraire à la faire prévaloir contre une doctrine qui, au contraire, aurait eu l’assentiment de tous les théologiens et exprimerait la pensée clairement manifestée de l’Église elle-même.

2 » La pensée clairement manifestée de l’Église admet le changement. — Or, que l’Église ait clairement et formellement exprimé sa pensée sur ce point de la matière du sacrement de l’ordre, il ne paraît pas qu’on puisse le contester. Ce n’est pas qu’on ne l’ait essay>'. Les théologiens et les canonistes, qui, depuis le xviie siècle, sont revenus à la théorie de l’imposition des mains comme rite propre de l’ordination, se sont tous appliqués au contraire à se convaincre qu’il n’existait pas sur cette question doctrinale de document où s’exprimât l’enseignement commun et ordinaire de l’Église. De là leurs elTorts pour diminuer et écarter la portée doctrinale du décret du concile de Florence pour les Arméniens, qu’on leur opposait. Afin de passer outre, ils posaient en principe ou que le document n’était pas vraiment conciliaire, ou qu’il constituait seulement une instruction disciplinaire et liturgique destinée à renseigner les Arméniens sur les rites spéciaux de l’Église latine, ou bien encore qu’il faisait connaître uniquement une partie du rite essentiel, soit qu’elle fût omise jusque-là chez les Arméniens, soit qu’elle fût la seule dont la mention parût nécessaire, l’autre partie, l’imposition des mains, étant supposée manifestement connue, attestée qu’elle était tant par l’Écriture que par le Pontifical romain auquel renvoie le décret lui-même. Les explications données peuvent se ramener aux deux suivantes : Porro hic admonendi sumus hoc decretum non a concilia

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