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IMPOSITION DES MAINS


soit l’imposition des mains soit la consignation, etc. Dans le cas actuel, il ne s’agit pas d’ailleurs d'éléments nouveaux introduits dans l’administration du sacrement, mais uniquement d’une valeur nouvelle attachée à des éléments préexistants. Encore faut-il remarquer que l'évolution, si évolution il y a, s’est produite à une époque où la notion de sacrement était loin d’avoir acquis la précision qu’elle a reçue depuis, et cette absence d’une doctrine fixe et universellement connue a singulièrement facilité une fluctuation et un changement de conception qu’un enseignement plus ferme et devenu commun rendrait plus difficiles et presque inexplicables.

3. Époque et causes di ce changement de conception.

Quoi qu’il en soit, ce changement, complet à l'époque scolastique, est manifestement en voie de se produire à l'époque carolingienne. Voir Confirmation, Lui, col. 1062-1064. A côté de documents ou d’auteurs ne parlant pour la collation du Saint-Esprit que de l’imposition des mains, on en trouve alors beaucoup d’autres qui l’attribuent aussi ou surtout à l’onction qui y est jointe. Encore peut-on se demander si les premiers, sans mentionner explicitement cette onction, ne la comprennent pas dans l’imposition des mains. Depuis que la liturgie romaine s’est introduite en Gaule, les deux rites sont inséparables ; le pape Grégoire III, dans une lettre à saint Boniface sur la confirmation à donner aux enfants baptisés en divers lieux par des prêtres inconnus, les unit sous une même expression : Oportei eos p>r manus impositioncm et sacri chrismatis unctioncm confirmari, Jalïé, n. 2251 ; P. L., t. lxxxix, col. 584 ; le Sacramentaire gélasien a une rubrique qui englobe l’imposition des mains avec la prière traditionnelle dans la consignation : ad cnnsignandum imponit eis manum in his verbis, vov col. 1 >, )l ; dansle grégorien, cette prière elle-même se termine par la mention expresse du signe de croix de la consignation qui va se faire avec le chrême : ' t consigna eos signo crucis in vitatn œlernam. Ibid. Il paraît donc bien difficile de croire que les capitulaires de Charlem ;  : gne, ou les conciles de la même époque, même lorsqu’ils parlent uniquement de l’imposition des mains, n’y comprennent pas aussi l’onction. D’autant plus que l'évêque d’Orléans, Jonas, qui paraît, au premier abord, rattacher plus explicilement que personne le don du Saint-Esprit à la seule imposition des mains : perrepli) Spiritus Sancti per manus impositioncm ab episcopis tribuitur…. Solius episcopi est per manus imposilionem ftdelibus tradere Spiriium Sanclum… Sicut baplismalis et corporis et sanguinis Domini xacramenta per sacerdolum visibilia mysieria fiunt. il per Dnminum invisibililer consecrantur. ita nimirum Spiritus Sancti gratta per imposilionem manuum… episcoporum fidelibus invisibililer traditur, De institution' laiadi, i, 7, P. L., t. cvi, col. 133-134, ajoute, aussitôt après, des paroles qui manifestement y associent l’onction : non a presbijterissed ab episcopis, apostolorum successoribus, credentium Ironies ob percipiendum Sancti Spiritus donum sacrosancto clirismate signantur.

Il ne paraît pas douteux, en effet, que l’adoption de la liturgie romaine ait puissamment contribué à faire attribuer le don du Saint-Esprit à l’onction qui suit l’imposition des mains. Elle s’est répandue en Occident accompagnée de la lettre du pape Innocent l<" qui pouvait être considérée comme l’explication officielle des cérémonies de la confirmation : nous l’avons dit, c’est le seul document de toute l’ancienne littérature chrétienne qui s’occupe directement et réellement de cette onction. Or cette lettre n’avait sans doute pas pour objet de déterminer le but et l’efficacité propre de cette onction ; le pape ne s’y proposait que d’imposer et de justifier la « coutume ecclésias tique » qui, à Rome, réservait l’onction aux cvêques « quand ils donnaient le Saint-Esprit » ; il l’y distinguait même absolument, nous l’avons vu aussi, du rite propre de la tradition du Saint-Esprit ; mais pour trouver dans l'Écriture un appui à la coutume qui en faisait le privilège des évêques, il y citait aussi les passages des Actes des apôtres sur la tradition du Saint-Esprit par l’imposition des mains ; la connexion de fait existant entre ces deux rites lui permettait le raisonnement suivant : la consignation se faisant quand on donne le Saint-Esprit, ceux-là seuls ont le droit d’y procéder qui ont le droit de donner le Saint-Esprit. Mais à une époque où l’attention se portait bien moins sur ce qui, dans un rite sacramentel, était essentiel que sur ce qui, dans l’ensemble de ce rite, frappait davantage les sens et exprimait plus vivement l’effet produit, l’importance toujours plus grande attachée à tout ce qui était onction devait fatalement amener à concevoir comme étant une connexion de droit la connexion de fait établie par la lettre du pape entre l’onction et le don du Saint-Esprit. Les procédés littéraires de l'époque devaient contribuer eux-mêmes à la confusion. Les ouvrages les plus réputés ne sont souvent alors que de vrais centons : citations et réminiscences s’y accumulent et s’y combinent sans aucune préoccupation de précision ou de discernement historique. Dès là que, par quelqu’une de ses parties, un document vient au sujet, il est cité en entier sans que le point précis en vue duquel on s’y réfère soit nettement circonscrit. Ce procédé de composition caractérise déjà les œuvres de saint Isidore de Séville et de saint Ildephonse de Tolède ; les commentaires allégoriques de saint Augustin s’y enchaînent à ceux de Tertullien sans que rien les signale ou les distingue. Pour prouver en particulier que les évêques ont seuls le pouvoir de donner le Saint-Esprit en le demandant à Dieu et de procéder pour cela à l’imposition des mains, bien que celle-ci ne soit nullement en Espagne suivie de la consignation romaine, ils transcrivent tout au long la lettre de saint Innocent qui, sans doute, suppose l’imposition des mains, mais n’a pour objet propre et direct que l’onction. S. Isidore, De eccles. o/ficiis, ii, 27, 3-4, P, L., t. lxxxiii, col. 825826 ; S. Ildephonse, De cognilione baplismi. 128-131, P. L-, t. xcvi, col. 164-166. Bède fait de même ; la lettre du pape, qu’il transcrit sans le dire, lui sert à prouver que le diacre Philippe n'était pas apôtre et n’avait donc pas le pouvoir d’imposer les mains : Si apostolus fuisset, ipse utique manum imponere potuisset ut acciperent Spiritum Sanclum. Hoc enim solis pontiftcibus debetur. Nam presbyteris, etc. In Acl., viii, P. L., t. xcii, col. 961. Or, tels sont les maîtres dont s’inspire la Renaissance carolingienne : c’est par eux et à travers l’encyclopédie de leurs ouvrages que les savants de cette époque prennent contact avec l’antiquité chrétienne. Alcuin, Leidrade de Lyon, Théodulphe d’Orléans, Amalaire de Metz, Raban Maur, Ratramme de Corbie sont essentiellement des compilateurs et leurs explications liturgiques ou historiques ne sont que des transcriptions de formules. Or on sait à quelles contusions prêtent les formules de l’antiquité sur les symboles et les interventions diverses du Saint-Esprit. Pour qui n’en a pas la distinction présente à l’esprit et ne s’applique pas à discerner les rites visés par les formules et rattachés par nous à tel ou tel sacrement, il est inévitable que les idées se brouillent et les conceptions se compénètreni : nous en avons signalé, de ces confusions, qui durent depuis des siècles, pour des époques autrement averties et atti ntives à ne pas se méprendre que ne l'était l'époque de Charlemagne. Le haut moyen âge avait de plus un goût marqué pour les onctions ; aucun rite ne lui semblait aussi propre à symboliser les réalités