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IMPOSITION DES MAINS


contraire, est essentiellement une onction, onction par effusion (injundens), dont lalorniule et la matière sont les mîmes que celles de la chrismation postbaptismale. Ungueo te oleo sancto, dit alors l'évcque comme avait fait le prêtre après l’ablution. Elle a pour but manifeste de matérialiser le symbolisme traditionnel de l’imposition des mains ; l'évêque, qui vient de procéder à ce rite suivant le mode universellement pratiqué, le réitère ; mais pour en mettre en quelque sorte sous les yeux la signification mystique, il verse d’abord dans sa main un peu d’huile, le symbole connu de l’Esprit Saint, et il pose alors sa main sur la tête du baptisé en prononçant la formule qui accentue le caractère voulu d’une onction. Il y a donc là, nous semble-t-il, une particularité si exceptionnelle, si en désaccord avec tout ce que nous savons d’autre part de la liturgie romaine et de la liturgie africaine que, jusqu'à preuve du contraire, nous hésiterions, pour notre part, à y reconnaître un trait authentique de la pratique de l'Église de Rome au ni<e siècle.

c) L’onction adjointe ne fut pas d’abord et de longtemps considérée comme le rite propre de la collation du Saint-Esprit. - — Quoi qu’il en soit d’ailleurs de l’origine de cette onction qui, à Rome, a été adjointe à l’imposition des mains, la question la plus importante à son sujet est de savoir si les deux rites se confondaient et s’ils étaient considérés comme étant tous deux essentiels à la collation du Saint-Esprit.

a. La lettre de saint Innocent 1°. — Cette lettre impose une réponse négative. Ce pape établit lui-même entre cette onction et la tradition du Saint-Esprit une distinction formelle et irréductible. Il parle de deux rites réservés l’un et l’autre aux évcques, mais que ses expressions elles-mêmes interdisent de confondre. Entre eux il met une double disjonction : solis deberi episcopis, ut vel consignent, vel Paracletum Spiritum tradant : les évêques seuls ont le droit soit de consigner, soit de donner le Saint-Esprit, et c’est fausser le sens de ces expressions que de leur donner celui d’une assimilation et de traduire : ils ont le pouvoir de consigner ou, c’est-à-dire, de donner le Saint-Esprit. Dans une dissertation Sopra il sacramento délia cresima illustralo dclle antiche iscrizioni. publiée dans le Bullettino di archeologia cristiana de 1869, p. 24, Gæteno Marini s'étonnait que ni Constant ni personne n’eût pris garde à ce contresens : le vel, vel du pape ne peut être que l'équivalent de et, e/ : « Si la particule répétée vel ne tient pas lieu de cette autre et, nous ne savons quel sens elle peut bien avoir ; et nous nous étonnons que Constant ou tout autre n’y ait pas pensé. » Les exemples, en effet, du sens absolument disjonctif du vel, vel, sont nombreux. Marini, loc. cit., en signalait un dans le code Théodosien, 1. "Vl, tit. xxv, 7 : vel apud reclorem, vel in ccelu amplissimi senatus, et un autre dans une lettre du pape saint Grégoire, m, 9, P. L., t. Lxxvii, col. 662 : vel sacri canones, vel ecclesiasticæ régulée. Il serait facile de les multiplier. On peut lire, par exemple, dans les lettres du même saint Grégoire, iv, 9 : vel per antrriorem licentiam, vel per impunitatis pravum consuetudinem, ibid., col. 676 ; IV, 26 : vel post pænitentiam, vel ante, col. 695 ; et dans un seul ouvrage de saint Jérôme pris au hasard. Comment, in Habacuc, t. II, c. iii, n. 14, vel Nabuchodonosor, vel omnem adversarium populi Dei, P. L., t. xxv, col. 1327 ; n. 16, mea vel fortitudo vel habitudo, col. 1331-1332 ; vel populi multi… vel certe de quibus diximus, col. 1331. Il n’y a donc pas synonymie dans la lettre du pape saint Innocent I" entre consignare et traderc Spiritum. Les deux actions sont nettement distinctes et pour les confondre ou les ramener l’une à l’autre il a fallu, ici encore, la conviction faite d’avance de leur ident ité. Le pape, en somme, établit entre cette onction et le don du Saint-Esprit

la même connexion qu’entre la chrismation et le baptême : de même que les prêtres procèdent à la chrismation, cum baptisant, ainsi les évêques procèdent à la consignation, cum tradunt Spiritum Paracletum. Les deux sacrements, en un mot, ont chacun leur onction consécutive et complémentaire, si bien que le pouvoir de donner le sacrement comporte aussi celui de procéder à l’onction correspondante, et c’est ce qui permet au pape d’apporter le témoignage des Actes des apôtres à l’appui de la « coutume ecclésiastique, 1 qui réserve aux évêques le pouvoir de procéder à la consignation, le seul qui fût en question : on ne songeait pas à revendiquer pour les prêtres le pouvoir de donner le Saint-Esprit. Le pape saint Grégoire, à propos d’un cas semblable, où il avait pareillement revendique pour les évêque ;. le privilège de faire l’onction chrismale au front, n’en parle que comme d’un ancien usage particulier de l'Église romaine : secundum usum veterem Ecclesiæ nosirafecimus. Epist., iv, 26, P. L., t. lxxvii, col. 696. Imagine-t-on qu’il ait pu réduire à cela le pouvoir exclusif des évêques de donner le Saint-Esprit ? En montrant le pouvoir de donner le Saint-Espiit réservé à ceux qui ont la plénitude du sacerdoce, l'Écriture prouve par le fait même qu’eux seuls aussi ont le pouvoir de procéder à l’onction du front, qui fait partie de la confirmation comme la chrismation fait partie du baptême.

Ce rapport de connexion et de consécution ainsi établi par le pape saint Innocent entre l’onction et le don du Saint-Esprit est d’ailleurs celui-là même que l’on constate chez saint Cyprien. A Carthage aussi, au iiie siècle, le signari, le signaculo dominico consummari fait suite au Spiritum Sanctum consequi. Epist.. Lxxui, 6, 9. A Rome même, à cette époque, si la Tradition apostolique reproduisait réellement la liturgie de la véritable Église, le paralklis-me manifeste établi entre l’onction dont elle fait suivre l’imposition des mains et celle qui fait suite à l’immersion baptismale permettrait de ne voir dans l’une comme dans l’autre qu’une cérémonie accessoire et complémentaire. De même que le prêtre dit à celui qui sort de l’eau : Ungueo le oleo sancto, l'évêque le dit aussi à celui à qui il vient d’imposer les mains : Ungueo le sancto oleo. Dans les deux cas, l’onction vient après le rite essentiel pour en exprimer plus vivement l’effet : le Saint-Esprit, qui en est le grand agent, n’a-t-il pas, d’après la tradition biblique et chrétienne, son symbole transparent dans l’onction ?

b. L’attribution de la collation du Saint-Esprit à une invocation. — Une autre preuve qu’on n’attachait pas à la consignation elle-même le don du Saint-Esprit, c’est l’unanimité des écrivains ecclésiastiques à en attribuer la collation à la prière, à l’invocation qui en est faite par l'évêque. Il suffit de citer : Manus imponitur… advocans et invitons Spiritum Sanctum. Tertullien, De baptismo, 8. Per nostram orationem ac manus impositionem Spiritum Sanctum consequuntur, S. Cyprien, Epist., i.xxyii, 9 ; A’on ab homine datur sed invocaturu sacerdote, S. Ambroise, De Spiritu Sancto, I, 8, 90 ; Ad invocationem sacerdotis Spiritus Sanctus infunditur. De sacramentis, ni, 2, 8 ; Munus et donum Spiritus Sancti per impositionem manus et precationem erat gentibus largiendum, S. Hilaire, Comment, in Matth., xix, 3, P. L., t. ix, col. 1024 ; Ut baptizaiis… manus imponantur et ita invocetur Spiritus Sanctus…. Episcopus ad invocationem Spiritus Sancti manum impositurus excurrit, S. Jérôme, Contra luciferianos, 8-9 ; Spiritus Sanctus invitatus, illic… libenter habitare dignetur, S. Optât, viii, 4 ; Orabant [apostoti ut veniret in eos quibus manus imponebant, non ipsieum dabant. Quem morem in suis præpositis etiam nunc serval Ecclesia… Nos hoc donum… effunderc super alioi non