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IRRÉGULARITÉS

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une mutilation, une difformité considérable rendent incapables de remplir les fonctions sacrées, ou du moins de les remplir avec décence : defedus corporis. Les textes abondants de la période patristique se continuent dans les Décrctales qui contiennent en particulier des décisions très précises d’Alexandre III, de Clément III, d’Innocent III, et d’Honorius III, au sujet des infirmes, des mutilés ou des eunuques, t. I, tit. XX et t. III, tit. VI, édit. Friedberg, t. ii, col. 144 sq., 482 sq. Remarquons qu’il ne s’agit pas ici des mutilations volontaires lesquelles, supposant une faute, rentrent dans la catégorie des irrégularités ex delicto. L’extension et les limit es de cette irrégularité sont fixées par Eugène III, Decretales, t. III, tit. vi, c. 2, édit. Friedberg, t. II, col. 482, dans une formule très nette qui a été jugée digne d’être reproduite presque mot pour mot dans le code. Il s’agissait d’un prêtre qui, attaqué par un brigand, avait perdu deux doigts et la moitié de la paume de la main ; le pape ne lui permet pas de célébrer la messe parce qu’il ne le pourrait faire nec secure propter debililalem, nec sine scandalo propler de/ormitatem ; mais il ne lui interdit pas les autres fonctions sacerdotales, puisque les mêmes raisons ne s’appliquent pas à elles. Tous les degrés et toutes les formes de mutilation et d’infirmité ont été envisagées par les canonistes et les solutions leur ont été, soit fournies expressément par les prescriptions formelles du droit, soit suggérées par le principe d’Eugène III. Signalons seulement que le code a repris et formulé la disposition très sage de ce pape ; celui qui tombe dans un de ces cas d’irrégularité avant son ordination ne peut recevoir aucun ordre ; celui qui était ordonné auparavant ne devient irrégulier que pour les’fonctions qu’il serait incapable d’accomplir convenablement, et non pour les autres.

c) Sont irréguliers les possédés, les fous et les épileptiques. Aux documents que nous avons parcourus dans la période patristique, nous ajouterons seulement les suivants. Deux réponses de la S. Congrégation du Concile, 10 avril 168.5 et 2 décembre 1724, citées par Gasparri, n. 275, ont déclaré irréguliers des hommes qui, autrefois possédés du démon, semblaient délivrés depuis deux ans. La dispense de cette irrégularité a été refusée. Une autre réponse de la même Congrégation, 14 mai 1831, Ibid., n. 278, a déclaré Irrégulier un homme qui avait eu des crises d’épilepsie ou analogues à l’épilepsie après sa puberté et qui se croyait guéri. Dans un autre cas, les crises d’épilepsie s’étaient produites seulement après la prêtrise ; la S. Congrégation ne permit qu’avec peine à celui qui en soutirait de remplir les fonctions sacerdotales, et encore exigea-t-elle des précautions minutieuses afin de prévenir tout accident, 21 juin 1831, 761rf., n. 280.

d) Sont irréguliers les bigames Cette irrégularité porte dans le droit le nom bizarre de defedus sacrante nti ; le sacrement de mariage n’est parfait, dit Saint Thomas, que s’il unit un seul homme à une seule femme, de telle sorte que l’homme n’appartienne qu’à une femme et la femme qu’à un homme. Summa theolog, Snpplementum, q. lxvi, art. 1. La bigamie est le cas d’un homme qui a eu deux femmes, simultanément ou successivement ; mais ce mot s’est étendu à des situations plus ou moins analogues. Innocent III précisa le sens de ce mot et l’extension de l’irrégularité, Decretales, t. I, tit. xxi, c. 5 et 6, t. ii, col. 147-148. Il y a bigamie, dit-il, quand un homme a eu deux femmes successivement ; alors même qu’il n’aurait pas eu de relations conjugales avec l’une d’elles ; il y a également bigamie quand un homme épouse une femme veuve, alors même qu’elle n’aurait pas eu de relations avec son premier mari ; mais non si, au lieu de mariage, il n’y a eu que des fiançailles

ou des relations coupables. D’autres cas ont été envisagés et résolus, que les auteurs rangent sous les noms de bigamia inlerprelaiiva ou bigamia simililudinaria ; tel est, par exemple, le cas d’un homme qui a contracté deux mariages dont l’un est invalide ; ou encore d’un homme dont la femme avait eu, avant son mariage, des relations coupables avec un autre homme, etc. Cf. Gasparri, n. 381 sq., Noldin, n. 152 sq., Ballerini-Palmieri, n. 722 sq.,

e) Sont irréguliers les hommes de mauvaise réputation : defectus famæ. Un homme peut perdre sa réputation, devenir infamis, par le seul fait de sa vie criminelle ou par des péchés très graves connus du public : c’est Vinjamia facti. On comprend qu’un homme que l’on sait coupable d’homicide, d’adultère ou d’autres péchés gi-aves contre les mœurs, n’ait plus aux yeux du peuple l’intégrité qui convient aux ministres de Dieu ; la promotion aux ordres d’un tel homme serait un scandale. L’ancienne Église fut très chatouilleuse sur ce point : elle excluait même les pénitents. On admet actuellement qu’une conversion éclatante, publique dans le lieu où a été commise la faute, persévérant pendant un certain temps dont il appartient à l’ordinaire de tixer la durée, suffirait pour rendre au coupable sa réputation et faire cesser l’irrégularité. Pour ce motif, plusieurs théologiens ne rangent pas Vinfamia facti parmi les cas d’irrégularité ; ainsi Noldin, n. 154 ; Gasparri, n. 310. — Le cas est beaucoup plus grave quand la perte de la réputation est sanctionnée olïiciellement et devient Vinfamia juris. Il en est ainsi, quand la loi déclare formellement infâmes ceux qui se rendent coupables de tels crimes ; ainsi sont notés d’infamie : les duellistes et leurs parrains, concile de Trente, sess. xxv, de reform., c. 19 ; celui qui a commis un rapt, ibid., sess. xxiv, de reform. medrim., c. 6 ; celui qui est coupable de bigamie simultanée. Innocent III, dans Decretales, t. I, tit. XXI, c. 4, édit. Friedberg, t. ii, col. 147 ; celui qui commet un attentat contre la personne d’un cardinal, Boniface VIII, Sext. Décret., t. V, tit. ix, c. 4, t. II, col. 1091 ; et surtout les membres des sectes hérétiques. L’infamie de droit existe encore quand un juge ecclésiastique prononce contre un coupable une sentence le déclarant infâme, ou encore quand le coupable subit telle peine qui de sa nature est infamante ; ainsi Urliain VIII décida, le 4 janvier 1635, que les galériens étaient irréguiiers, même après leur libération, Gasparri, n. 295.

Cette irrégularité des infâmes se trouve sur la lisière des deux gi-oupes. A première vue, elle semblerait se rattacher plutôt aux irrégularités ex delicto puisqu’elle est une punition portée contre un crime ou contre une vie criminelle qui rend indigne des ordres. En réalité, elle appartient au groupe des irrégularités ex defectu, parce qu’elle est attachée, moins au crime lui-même, qu’à la déclaration d’infamie faite par l’autorité ecclésiastique. Le crime produit l’infamie et l’infamie, à sou tour, entraîne l’irrégularité. Gasparri, n. 302. Une disposition formelle du droit prouve bien qu’il en est ainsi. Deux de ces irrégularités atteignent, non seulement les auteurs mêmes du péché, mais leurs enfants et petits-enfants, lesquels ne sont pas coupables, mais sont victimes de la tache que la faute des parents ou grands-parents ont jetée sur leur descendance. Les auteurs de violences contre la personne d’un cardinal sont irréguliers avec leurs enfants et leurs petits-enfants, Boniface VIII, Sext. Décret., t. V, lit. IX, c. 5, édit. Friedberg, t. ii, col. 1091-1092. Les hérétiques sont irréguliers ; avec leurs enfants, et, si c’est le père qui a été hérétique, leurs petits enfants, Boniface VIII, /6W., tit. II, c. 15, col. 1075-1076, si du moins les parents ou grands parents sont morts dans l’hérésie, sans s’être réconciUés avec l’Église.