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IRRÉGULARITÉS

mais il suffît de s’instruire pour que l’obstacle tombe ; c’est un empêchement, non une irrégularité. Celle-ci, au contraire, suppose un état permanent, que nulle force ne peut empêcher d’exister, que l’Église considère comme une raison d’indignité ou d’incapacité et par conséquent comme un obstacle aux ordres ; et seule la volonté de l’Église peut, non le supprimer, mais dispenser de la loi générale qui en fait un empêchement. Ainsi celui qui est manchot le restera toute sa vie ; celui qui a commis un crime en demeurera entaché ; l’Église ne peut qu’accorder une dispense de la loi qui ferme l’accès aux ordres aux manchots ou à ceux qui furent criminels. L’irrégularité est de sa nature permanento.

Un empêchement à recevoir les ordres ou à exercer les ordres reçus. Ceux qui sont dans un cas d’irrégularité n’ont pas le droit de recevoir une ordination : celle-ci serait valide, mais le sujet ordonné, aussi bien quel’évêque conférant l’ordre, commettrait un péché très grave contre la loi de l’Église. Cette défense est générale et s’applique à tous les ordres, y compris la tonsure ; il n’y a donc pas à parler de certaines irrégularités partielles que plusi eurs théologiens avaient imaginées, dont ils citaient des cas, mais qui en réalité ne sont pas des irrégularités. Noldin, Summa Iheologiæ moralis, de pœnis, n. 125. Mais de plus la défense est permanente comme le fait auquel elle est liée : l’homme que l’Église n’acceptait pas aux ordres parce qu’elle le jugeait peu digne ou peu capable, elle ne l’accepte pas davantage à l’autel ; elle lui interdit l’exercice des ordres reçus s’il a été ordonné malgré l’irrégularité ou si l’irrégularité l’a atteint seulement après l’ordination. Les exemples de cet effet secondaire de l’irrégularité sont fréquents ; on en trouvera plusieurs dans les D^crpïa/es, par exemple une décision d’Innocent III, t. I, tit. tx, c. 10, édit. Friedberg, t. ii, col. 109 ; une autre de Célestin III, t. V, tit. xiv, c. 2, col 805 ; une troisième de Grégoire IX, t. I, tit. xi, c. 17, col. 124.

Pour achever de donner une idée exacte de l’irrégularité, il faut ajouter qu’elle n’est pas, à proprement parler, une peine que l’on doive mettre sur le même rang que l’excommunication, la suspense ou l’interdit. Elle n’est pas toujours la conséquence d’une faute à châtier. L’Église ne l’établit que par souci du bon nnom, de la vertu, de la fécondité du ministère de ses prêtres. Tout ce qui pourrait être pour le sacerdoce une tache, tout ce qui rebuterait les âmes ou rendrait le prêtre inapte à ses fonctions est mis par elle au nombre des irrégularités, que cela vienne ou non de la faute personnelle du sujet qu’elle écarte. Évidemment dans le cas où l’irrégularité est la conséquence d’une faute elle a quelque chose de pénal, et nous devrons en tenir compte en étudiant les conditions dans lesquelles l’irrégularité peut être encourue ; mais, même alors, l’intention de l’Église en la portant n’est pas de punir un coupable, puisque pour échapper au châtiment, le coupable n’aurait qu’à rester parmi les laïques ; elle est d’assurer la dignité de son clergé. Ballerini-I’almieri, Opus theologicum morale, tr. XI, n. 604, t. VII, p. 329-330.

3. Deux groupes d’irrégularités.

De toutes les divisions que l’on a proposées pour grouper les diverses irrégularités, une seule est à retenir, celle qui distingue les irrégularités ex defectu et les irrégularités ex deliclo. Les autres sont à bon droit rejetées comme s’adaptant mal à la définition générale des irrégularités. Gasparri, op. c17., 1. 1, n. 177 ; Ballcrini-Palmieri, op. cz7., n. 613 ; Noldin, n. 125.

Ce groupement des irrégularités d’après le fait qui les motive est déjà indiqué par Innocent lll, Décrétai, t. V, tit. xxxiv, c. 14, édit. Friedberg, t. ii, col. 875. Le pape répond à une consultation au sujet d’un homme né en dehors d’un légitime mariage ; il veut

que l’on fasse une enquête et que l’on n’admette pas aux ordres le candidat si le fait est prouvé, car, dit-il, etsi non sit nota delicti, est tamen nota de/ectus impedienlis ad sacros ordines promovendum.

Entre ces deux groupes les différences sont importantes, même pour la pratique. C’est d’abord une dif^ence d’origine. Les irrégularités ex delirto viennent d’une faute personnelle, imputable, assez grave pour rendre indigne du saint ministère, même quand on s’en est repenti et qu’on en a obtenu le pardon : le passé d’un clerc doit être pur de certains péchés, et des criminels, même convertis, ne pourraient décemment prendre en main les intérêts de Dieu ou des âmes, ni s’approcher de l’autel et offrir le saint sacrifice. Les irrégularités ex defectu ne supposent pas nécessairement une faute personnelle, mais plutôt l’absence de certaines qualités d’âme ou de corps, de famille ou de réputation, sans lesquelles on ne peut exercer dignement et fructueusement le saint ministère. — Il y a aussi une différence de caractère. L’irrégularité ex defectu ne supposant pas de faute n’a rien de commun avec une punition. Il en est autrement de l’irrégularité ex delicto : elle n’est pas une peine ; et pourtant, parce qu’elle suppose une faute gi-ave, elle ressemble en bien des points à une peine et nous verrons des applications pratiques de cette ressemblance ; elle est selon l’expression du cardinal Gasparri, n. 179, ad instar pœnse gravissimæ. — Il en résulte une différence notable dans les conditions requises pour les encourir ; les unes, liées à une faute, supposent une faute et une faute grave tant en conscience qu’au for externe ; les autres sont encourues par le fait même que l’on manque de telle ou telle qualité. — Et enfin nous verrons qu’il y a une différence au point de vue de la facilité avec laquelle on en obtient dispense.

Il y a certaines irrégularités portées par le droit qui participent de l’un et de l’autre de ces deux groupes ; on les appelle mixtes parce qu’elles supposent à la fois une faute et un défaut. En réalité, on ne sait théoriquement dans quel groupe les ranger. Pratiquement d’après la règle du droit : In obscuris minimum est seguendum, Sext. Décret., t. V, tit. xii, de regulis juris, édit. Friedberg, t. ii, col. 1122, on les place parmi les irrégularités er delicto parce qu’il est plus difficile de les encourir et plus facile d’en obtenir dispense. Gasparri, n. 180.

4. Autorité qui les décrète.

Durant la période de formation, les irrégularités ont été décrétées au hasard des circonstances, à mesure que le besoin s’en faisait sentir, et en général par les autorités chargées de veiller aux Églises particulières. Mais puisqu’il s’agissait d’un intérêt d’ordre général, à savoir de la dignité du clergé et de l’Église tout entière, il était naturel que Foft en vînt à concentrer entre les mains de l’autorité suprême le droit de porter des irrégularités. A l’époque des Décrétâtes, cette concentration est chose faite. Boîiifa<e VI II semble même penser que le catalogue des irrégularités est désormais lixé et qu’on n’ajoutera plus rien à celles que contient le droit. Il parle d’un prêtre qui s’est permis de célébrer dans une église polluée ou en présence de gens atteints par une excommunication majeure ; ce prêtre, dit-il, a agi contre la loi, mais il n’a pas encouru d’irrégularité, cum id non sit expressum in jure. Sext. Décret., t. V, tit. XI, c. 18, édit. Friedberg, t. ii, col. 1104. De ce texte on a tiré un axiome de droit sous cette forme : Irregularitas non incurritur, nisi fucrit in fnre expressa ; et on l’entend en ce sens que seul le droit commun peut créer des cas d’irrégularité, que le pouvoir d’en décréter de nouveaux n’appartient qu’au pape ou au concile général. Gasparri, n. 93.

5. Conditions pour les encourir.

L’irrégularité ne suppose pas nécessairement que la faute ou le