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IRREGULARITES


ainsi pour les grands coupables, Innocent l", Epist., XXXIX, P. L., t. XX, col. 606 ; pour les eunuques volontaires, le concile de Nicce, can. 1, Hefele-Leclercq t. I, p. 528 et les Capitula de saint Martin de Braga, c. 21, Mansi, t. ix, col. 852 ; pour les néophytes et ceux qui se sont rendus coupables d’homicide, les mêmes Capitida, c. 22 et 26, Ibid., col. 852 et 853. Faut-il aller plus loin et admettre que dans certains cas l’oraination était considérée comme invalide ? Cela résulterait du concile de Rome de 465, can. 3, d’après la traduction donnée par Hefele-Leclercq, t. ii, p. 903 ; le texte est moins clair ; il porte ordinalor facliim siium dissolvet, ce qui veut plutôt dire : il défera ce qu’il a fait, il déposera celui qu’il a élevé. Ce pourrait être aussi le sens d’une disposition du VP concile de Car-Ihaj ^e, can. 14, Ibid., p. 129 ; il est dit que si un évêque se permet de prendre un moine pour le faire clerc ou supérieur d’un monastère sans l’assentiment du supérieur duquel il dépend, celui qui est ainsi promu ne restera ni clerc, ni supérieur, ille neque clericus, neque præpositus perseverel, Mansi, t. iv, col. 493 (can. 47) ; mais ces mots peuvent aussi bien s’entendre dans le sens d’une déposition. Il paraît donc vrai de dire que toute ordination reçue malgré une irrégularité était valide ; mais il était interdit d’exercer les fonctions iiTégulièrement assumées, et, dans les cas les plus graves, la déposition du clerc ainsi ordonné sanctionnait la loi. On sait d’ailleurs combien il a fallu de temps pour séparer, quand il s’agissait d’ordination, les « deux concepts de validité et de licéité. Voir Ordre, et cf. L. Saltet, Les réordinations, Paris 1901.

Si l’irrégularité n’était encourue qu’après l’ordination, elle rendait le clerc incapable ou indigne d’exercer son ordre et l’Église lui imposait l’oliligation de s’en abstenir. Ainsi les Canons apostoliques prononcent la déposition contre le clerc qui se mutile, contre l’évêque, le prêtre, le diacre ou les autres clercs qui se fendent coupables de fornication, de sacrilège et de vol, can. 22 et 24, Mansi, t. i, col. 34 ; les Capitula de saint Martin de Braga déclarent que les cl.ercs de rang supérieur, qui commettent des fautes entraînant la pénitence publique, doivent prendre rang parmi les sous-diacres « de façon à ne pas imposer les mains et à ne pas toucher les saints mystères, » c. 23, Mansi, t. ix, col. 852 ; le concile de Néocésarée veut que le clerc dont la femme est infidèle à la foi conjugale se sépare d’elle, sinon il doit abandonner le ministère sacré, can. 8, Hefele-Leclercq, t i, p. 331 ; le pape Martin I, 649-655, ordonne à saint Amand de Mæstricht de déposer les prêtres qui se rendraient coupables de crimes, Epist., ii, P. L., t. Lxxxvii, col. 136.

Ainsi s’est formée peu Ji peu la législati « n canonique sur les irrégularités, se rapprochant toujours davantage de la teneur définitive qu’elle a prise dans les Décrétales. A la fin de l’époque patristique, nous trouvons un code complet duquel il suffira de retrancher quelques détails devenus superflus, qu’il n’y aura plus qu’à préciser un peu ou à compléter, mais qui ne variera plus en substance. C’est cette législation devenue définitive que nous allons exposer dans ses grandes lignes.

III. Étude de la législation sur les irrégularités. — L’exposé historique que nous venons d’esquisser nous a fait assister à la naissance et au développement des irrégularités. Avec les Décrétales se clôt la période de formation. Dans l’espace de moins d’un siècle qui s’écouleentre Alexandre 111(1159-1181) et Grégoire IX (1227-1241), la législation sur les irrégularités se trouve fixée, au moins quant à l’essentiel, et fixée à tel point que l’oii a pu poser en fait que ni le concile de Trente, ni les constitutions pontificales

n’ont créé de nouveaux cas d’irrégularité, et que tous se trouvent formulés et précisés dans le droit des Décrétait s. Suarez, De censuris in comtnuni, d’Kt. XL, sect. IV, n. 14, édit. Vives, t. xxiii bis, p. 347. Il faut, arriver au Code de droit canonique pour qu’une modification appréciable soit apportée à cette législation.

Nous abandonnons donc le terrain de l’histoire pour étudier cette législation, telle que le droit l’a formulée et telle que les théologiens ou les canonistes l’ont exposée. Qu’il nous soit permis de ne pas en reproduire tous les détails qu’on trouvera dans les manuels ; nous insisterons surtout sur les points d’ordre plus général qui dominent davantage la question.

1° Les irrégularités en général — 1. Le nom. — Il est à remarquer que, durant toute la période que nous avons parcourue, le nom d’irrégularité n’est pas une seule fois employé dans les documents officiels. C’est dans une lettre d’Innocent III que nous le rencontrons pour la première fois ; et bien que la manière dont le pape s’en sert indique que le terme n’était pas nouveau, on peut dater de cette lettre son emploi dans la langue canonique. Innocent écrit à l’évêque deCagliari qui voulait se démettre de sa charge, et il lui énumère les motifs qui pourraient légitimer une telle décision : ce ne pourrait être que conscientia criminis, débilitas corporis, defectus scientiæ, malitia plebis, grave scandalum, et enfin irregularitas personse. Et pour faire comprendre ce qu’il entend par cette irrégularité, il en donne des exemples : ut si forte sil bigamus aut viduse maritus, ce sont des cas où il convient de quitter sa charge ; d’autres cas ne constitueraient pas un motif suffisant : utpote si quis de légitima matrimonio non sit nalus. Décrétai, I. I, tit. ix, c. 10, édit. Friedberg, t. II, col. 109. Le sens du mot était donc à peu près celui qu’il a gardé dans le droit canonique.

2. Définition et effets — La plupart des auteurs actuels distinguent les irrégularités des simples empêchements. Cette distinction ne fut pas admise sans conteste. Suarez la connaît, mais ne l’accepte pas, dist. XL, sect. i, n. 7 sq, édit., Vives, t. xxiu bis, p. 312, et il groupe sous le nom d’irrégularité tout empêchement canonique rendant illicite la réception ou l’exercice des ordres. Est inhabilitas seu impedimentum canonicum ex se directe et primario impediens acceptionem ordinum ecclesiasticorum, et consequenter etiam usum eorum. Ibid., n. 2, p. 310. A cette définition, U suffit d’ajouter le mot empêchement perpétuel pour avoir la notion exacte de l’irrégularité. Le cardinal Gasparri mêlant d’autres éléments à cette définition, aboutit à la formule suivante : impedimentum perpétua prohibens collationem et susceptionem cujusque gradus clericalis, et consequenter etiam ordinum exercitium.. jure canonico con.’ititutum, ex aliquo defectu vel delicto, propter revercntiam divini ministerii. Tractatus canonicus de sacra ordinatione, n. 157, Paris, 1893, t. i, p. 92.

C’est un empêchement. L’irrégularité est un motif pour lequel l’Église défend de conférer ou de recevoir les ordres ; elle n’est pas un obstacle tel que l’ordination soit invalide.

Un empêchement canonique. On ne rangera donc au nombre des irrégularités, ni certains empêchements de droit naturel, comme serait une folie absolue et permanente, ni des empêchements de droit divin, comme le cas d’un homme non baptisé.

Un empêchement perpétuel. C’est ce qui distingue les irrégularités proprement dites des simples empêchements. Ceux-ci ont également pour origine la volonté de l’Église, mais ils sont de telle nature que par eux-mêmes ils peuvent disparaître sans intervention de l’autorité ; ils sont transitoires. Ainsi on ne peut être ordonné sans avoir la science compétente ;