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IRRÉGULARITÉS

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sauf le cas d’une grâce spéciale de Dieu. » Can. 79, Mansi, 1. 1, col. 46. Le concile de Nicée ne veut pas que l’on appelle à l’épiscopat ou au sacerdoce des hommes t qui ont à peine passé de la vie païenne à la foi et qui n’ont été instruits que pendant peu de temps ». Can. 2, Hefele-Leclercq, t. i, p. 533. Le pape Zozime écrit à Hésychius, évêque de Salone : « Oppose-toi à de semblables ordinations ; résiste à l’orgueil et à l’arrogance qui veulent entrer. Tu as avec toi les ordonnances des Pères et l’autorité du Siège Apostolique. Si en effet dans les affaires séculières, on donne la première place, non à ceux qui entrent à peine dans la carrière, mais à ceux qui ont fait leurs preuves dans les degrés inférieurs, y aurait-il un homme assez arrogant, assez impudent pour vouloir être maître sans avoir été apprenti dans la milice céleste… pour vouloir enseigner avant de s’instruire ? » Epist., ix, n. 2, P. L., t. XX, col. 670-671. Saint Jérôme a de hardies antithèses pour faire ressortir ce qu’il y a de choquant dans l’élévation de ces évoques improvisés :

« Il était hier catéchumène, le voilà aujourd’hui pontife ;

hier à l’amphithéâtre, aujourd’hui à l’église ; hier soir au cirque, ce matin à l’autel ; tout à l’heure il applaudissait les histrions, et maintenant il consacre des vierges.. Epist., lxix, ad Oceanum, n. 9, P. L., t. xxii, col. 663.

C’est que, malgré saint Paul et malgré les lois de l’Église, nombreuses étaient les ordinations de néophytes. Nous en avons cité quelques exemples en étudiant les interstices ; voir col. 2345 ; on en trouvera d’autres dans Hefele-Leclercq, t. i, p. 533 sq., note. Quelquefois ces dérogations à la loi se justifiaient par le mérite exceptionnel du candidat : elles étaient d’avance autorisées par l’Église : voir le Canon apostolique 79, cité plus haut. Mais assez souvent elles étaient le résultat de manœuvres ambitieuses, et l’Église devait sévir d’une manière assez rude. Malgré tout, la loi subsistait. Saint Ambroise la rappelle en racontant à l’évêque de Verceil son élection : i Combien j’ai résisté pour n’être pas ordonné ! A la fm, comme on me forçait, je voulais du moins que l’on différât l’ordination. Mais on n’eut pas égard à la loi ; on n’écouta que l’impression. Les évêques d’Occident approuvèrent mon ordination par leur jugement ; ceux d’Orient l’avaient approuvée par leur exemple (allusion à l’élection de Nectaire à Constantinople). Et pourtant il est défendu d’ordonner un néophyte pour ne pas exalter son orgueil. » Epist., LXîii, n. 65, P. L., t. XVI, col. 1206.

Maintenant qu’entendait-on au juste par néophyte ? Il est difficile de le dire, les documents étant en général muets sur ce point. Le V « concile d’Orléans, (549), can. 9, exige qu’un an se soit écoulé depuis le baptême, et que pendant ce temps, le futur clerc soit instruit avec soin sur la discipline et les règles ecclésiastiques par des hommes savants et éprouvés. Hefele-Leclercq, t. iii, p. 160.

Aux cas d’irrégularité que nous venons d’exposer et qu’on pourrait appeler apostoliques puisqu’ils ne sont que des applications des prescriptions de saint Paul, les circonstances en firent ajouter d’autres, tous justifiés par le même souci de la dignité des futurs clercs.

4. Défaut de liberté.

Le clerc, voué au service de Dieu et de l’Église, ne doit pas avoir d’autre dépendance.

On a donc exclu les esclaves et les serfs. Les Canons apostoliques n’acceptent les esclaves dans le clergé que si leurs maîtres y consentent et leur accordent une liberté complète : « Nous ne permettons pas qu’on élève à la cléricature des esclaves sans la permission de leurs maîtres : ce serait molester ceux qui possèdent et ruiner les familles. Si un esclave paraît digne d’être

admis dans la hiérarchie, comme notre frère Onésime, qu’on l’admette, mais à condition que les maîtres l’aient accordé et affranchi et l’aient laissé sortir de leurs maisons. » Can. 81, Mansi, t. i, col. 46 ; Cf. I" conc. de Tolède (400), can. 10, Hefele-Leclercq, t. II, p. 124 ; Capitula de saint Martin de Braga, c. 46, Mansi, t. ix, col. 855 ; V « concile d’Orléans (549), can. 6, Hefele-Leclercq, t. iii, p. 160. Lepape Calixte 1 «  était un affranchi. Voir Calixte ! » loni.ii, col. 1333. Par assimilation aux esclaves, le pape saint Gélase exclut les serfs attachés à la glèbe ; c’est en effet le sens de l’expression qu’il emploie : si servili aut oriijinarix non est conditioni obnoxius. » Epist., ix, c. 2, P. L., t. lix, col. 50 ; cf. Ducange, Glossarium médise et infimx latinitatis, au mot Originarius, Francfort-su r-le-Mein, 1710, t. iii, col. 75. Saint Léon donne la raison de ces crdonnances en écrivant à tous les évêques :

« Laissez de côté ces gens-là (les esclaves) et tous les

autres qui sont tenus au service d’autrui, à moins que ceux qui ont autorité sur eux ne le demandent ou n’y consentent. Car celui qui s’agrège à la milice de Dieu doit être exempt de toute autre obhgation ; il ne faut pas que le lien d’un autre devoir le retire du camp du Seigneur où son nom est inscrit. » Epist., iv, c. 1, P. L., t. Liv, col. 611.

Et pourtant devait-on fermer sans espoir la porte du sanctuaire aux esclaves, ou faire dépendre à jamais leur admission du consentement de maîtres avares et intraitables ? Tout en sauvegardant des droits légitimes selon la civilisation du temps, saint Grégoire le Grand adoucit autant qu’il est en lui la condition des esclaves, du moins des esclaves de l’Église, les seuls qui dépendissent de lui. En présidant le concile romain de 595, il prononça ces paroles qui marquent un pas imniense dans la lutte contre l’esclavage : « Nous savons que parmi ceux qui appartiennent à l’Église ou à une famille du siècle, il y en a beaucoup qui, désirant échapper à la servitude des hommes, courent au service de Dieu et demandent à entrer dans les monastères. Si nous le permettons sans discernement, ce sera fournir à tous un moyen d’échapper à la propriété de l’Église. Et si, au contraire, nous retenons sans exception ceux qui veulent se donner à Dieu, il se trouvera que nous refusons quelque chose à celui qui nous a tout donné. 11 faut donc que, si quelqu’un veut échanger l’esclavage de l’Église ou du siècle contre le service de Dieu, on l’éprouve d’abord sous l’habit laïque. Puis, si ses mœurs et sa conduite rendent témoignage à ses bonnes dispositions, qu’on ne lui refuse pas de servir le Seigneur tout-puissant dans un monastère, de sorte qu’il soit libéré de l’esclavage humain, lui qui ambitionne par amour pour Dieu un esclavage plus austère. Ensuite si, sous l’habit de moine, il se conduit sans reproche selon les règles des Pères, on pourra, après les délais fixés par les saints canons, le promouvoir à toute fonction ecclésiastique, à condition qu’il ne se soit pas rendu coupable antérieurement des fautes que l’ancienne loi punit de mort. » P. L., t. lxxvii, col. 1337. La dernière phrase de cette disposition manque dans Migne comme dans Mansi, t. ix, col. 1227 ; on la trouve reproduite dans le Décret de Gratien, part. I, dist. LIV, c. 23, édit. Friedberg, 1. 1, col. 214 ; authentique ou non, elle correspond certainement à la pensée du saint pape : l’esclave, libéré par son entrée dans un monastère, ne rencontrait plus aucun obstacle à son admission à la cléricature.

Même avec cette large exception que décide saint Grégoire, le principe demeure entier : il faut que le clerc soit libre et complètement. Les affranchis même ne peuvent être admis dans le clergé s’ils sont encore tenus envers Ipur maître à un obsequium qni est un reste de servitude ou peut devenir une menace de