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IRREGULARITES

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cette bizarre défense était la suspicion que faisaient planer sur la vertu des soldats les excès auxquels un grand nombre d’entre eux se livraient : c’est ce qu’insinue le texte du concile de Tolède, et c’est ce que disent formellement les canons envoyés aux évoques de Gaule par le pape Sirice : « Quant à ceux qui déjà chrétiens combattent dans les milices du siècle, il est notoire qu’ils jouissent d’une liberté sans frein. Qui peut les garder ? Qui peut attester qu’ils n’ont pas pris part à des spectacles ou que, poussés par l’amour de l’argent, ils n’ont pas commis de violences ou d’injustices ? » EpisL, X, n. 7, P. L., t. xiii, col. 1186. Le texte du concile de 386 est reproduit par Innocent P"’, £p ; sL, II, à Victrice de Rouen, c. 2, P.L., t. xx, col. 472 ; ce pape prononce la même exclusion contre les gladiateurs, Episi.yiu, aux évêques réunis au concile de Tolède, c. 4, P. L., Ibid., col. 490.

En plus de la vertu personnelle, l’Église exigea que les futurs clercs n’eussent pas à rougir d’une tache dans leur naissance. Ce ne fut que tardivement qu’elle y songea, et il semble que cette mesure ait soulevé une réaction assez vive. Le Décret de Gratien, part.I, dist. LVI, édit. Friedberg, 1. 1, col. 219 sq., accumule un nombre considérable de textes pour démontrer que des fils de prêtres ou des enfants nés de l’adultère peuvent aspirer au sacerdoce : ces textes ne sont d’ailleurs que l’expression d’une vérité que les Pères ne songeaient pas à appliquer à cette question, à savoir que les fautes des parents ne doivent pas être imputées aux enfants. Un concile de Meaux, 845, ne veut pas que l’on admette à la cléricature les enfants nés d’un mariage vicié par le rapt, can. 64. Hefele-Leclercq, t. iv, p. 124. C’est seulement plus tard, à l’époque des grandes luttes contre l’incontinence des clercs, que fut prononcée la défense de recruter le clergé parmi les fils de prêtres. Urbain II (1088-1099) dans une lettre à Pibon, évêque de Toul, déclare ceux-ci indignes d’être prêtres, à moins que, après avoir été éprouvés longuement dans les monastères, ils n’aient montré une conduite exemplaire. Mansi, t. xx, col. 676,

2. Unius uxoris virum, I Tim., iii, 2, 12 ; Tit., I, 6. — L’Église n’a jamais varié dans l’interprétation de ces mots que certains ont voulu croire amphibologiques. Alors même qu’elle ne songeait pas à imposer à ses prêtres le célibat, elle a voulu, avec l’apôtre, que s’ils avaient été ou étaient encore mariés, du moins ils ne l’eussent été qu’une fois. Elle a exclu les bigames. Sur ce point, tous les documents, aussi haut qu’on puisse les consulter, sont formels : c’est un des rares cas où on ne trouve pas la moindre hésitation, ni la moindre discordance. Qu’il suffise de citer les Canons apostoliques, can. 16, Mansi, t. i, col. 31 ; les papes : Innocent l", Episf., xxxvii, c. 2, P. L., t. xx, col. 604 ; Zozime, Epist., ix, c. 3, Ibid., col. 673 ; Hilaire, Epist., II, c. 4, P. L., t. Lviii, col. 18 ; Gélase, Epist., ix, c.’; 2, 3, 22, P. L., t. lix, col. 49 sq. ; le concile romain de 465, can. 2, Hefele-Leclercq, t. ii, p. 903 ; le IV « concile de Tolède, 633, Mansi, t. x, col. 624. — Cette discipline unanime ne vient pas, comme on pourrait le croire, d’une prévention de l’Église contre les secondes noces : c’est la remarque que fait le pape Gélase, loc.cit., c. 22, col. 55 ; mais, dit-il, « autre chose est la permission générale accordée à l’humaine faiblesse, autre chose la perfection requise dans une vie que l’on consacre au service des choses divines, a II y eut cependant une hésitation dans la manière d’interpréter le cas de bigamie. Celui qui, marié une première fois, puis devenu veuf avant son baptême, contracte un nouveau mariage, mais un seul après le baptême, doit-il être exclu comme bigame ? Oui, répond par exemple Innocent P"’, Epist., xvii, c. 2, P. L., t. xx, col. 529-530. Saint Jérôme est d’un avis contraire.

et soutient son opinion avec sa véhémence coutumière. Epist., lxix ad Ocennum, P. L., t. xxii, col. 653 sq. Il est en cela d’accord avec les Canons Apostoliques qui disent expressément : Celui qui, après le saint baptême, a été marié deux fois ou a eu une concubine, ne peut être évêque, ni prêtre, ni diacre, ni faire aucunement partie de l’ordre sacerdotal. oLoc. cit.

L’irrégularité prononcée contre les bigames reçut des applications et des extensions inattendues. On traita comme bigame celui qui avait épousé une veuve, une courtisane, une femme répudiée, etc. C’était un souvenir des prescriptions du Lévitique relatives au grand prêtre, mais aussi on voyait dans ce cas une vraie bigamie. Exemple : aussitôt après la loi portée contre ceux qui ont été mariés deux fois, les canons apostoliques ajoutent : « Celui qui a pris une veuve, une femme rejetée, une courtisane, une esclave ou une comédienne, ne peut être évêque, ni prêtre, etc. » can. 17, loc. cit. Le concile de Rome de 465, can. 2, déclare que celui qui épouse une veuve ou qui se marie lui-même une seconde fois ne peut être élevé aux saints ordres, Hefele-Leclercq, t. ii, p. 903. En somme sont dans le cas de bigamie tous ceux qui ont contracté deux mariages, ou qui se marient avec une femme qui a déjà été mariée, ou même qui épousent une femme qui officiellement n’est plus vierge : c’est le sens du canon apostolique cité plus haut ; c’est l’affirmation du pape Hilaire, écrivant aux évêques de la Tarraconnaise : « on n’élira quelqu’un à l’épiscopat que s’il n’a pas épousé une veuve et s’il n’a épousé qu’une seule femme vierge, » Epist., ii, c. 4, P. L., t. i-viii, col. 18 ; et le pdpe Innocent ! « présente cette discipline comme exactement conforme à l’exigence de l’apôtre : unius uxoris virum. Epist., xxxvii, c. 2, P. I, , t. XX, col. 604.

Par analogie, on vit un cas de bigamie en même temps qu’un péché grave dans la conduite d’im homme qui prenait une concubine. Canons apostoliques, can. 16, loc. cit. ; d’un homme qui après la mort de sa femme avait eu des enfants d’une de ses servantes. Pelage II, 578-590, (ou Pelage P"— selon JafEé, Regesla, n. 1006) accorde une dispense pour un fait de ce genre, à un homme qui, pendant la vie de son épouse, avait eu des relations coupables avec une autre femme. Ad Florentinum, P. L., t. xxii, col. 745.

Bien plus, par une extension beaucoup plus large, mais qui continue la même ligne, le concile de Néocésarée, 314 ou 315, prononce l’exclusion contre un homme dont la femme a violé la foi conjugale. Si le mari est laïque, il ne peut devenir clerc ; et s’il est déjà clerc, il doit ou bien abandonner sa femme ou bien renoncer à toute fonction sacrée, can. 8, Hefele-Leclercq, 1. 1, p. 331.

3. Non neophijlum, I Tim., iii, 6. — Saint Paul justifie ainsi cette condition : « de peur que, venant à s’enfler d’orgueil, il n’encoure le jugement du diable. » L’apôlre craint que le nouveau converti, élevé aux dignités dans une Église dont il n’a pas encore l’esprit, ne se croie dispensé de la vertu fondamentale qui est l’humifité, et que, renouvelant le péché d’orgueil du diable, il ne soit châtié comme lui. L’Église avait d’autres raisons de ne pas précipiter les ordinations : elle comprenait la nécessité d’étudier plus à fond le futur prêtre pour en connaître la valeur morale, de le former aussi, lentement et progressivement, pour le rendre apte à ses fonctions et capable d’être, un chef et un docteur. Nous trouvons ces raisons assez souvent exposées par les papes ou les conciles qui renouvellent la prescription de l’apôtre. Les Canons apostoliques, par exemple, interdisent d’élever à l’épiscopat un nouveau converti, car, ajoutent-ils,

« il ne serait pas convenable qu’un homme qui n’a pas

encore donné sa mesure devienne le chef des autres.