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IRÉNÉE (SAINT) — IRÉNÉE

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cyklopâdie/à' édit., Leipzig. 1901, t. ix, p. 410 : t Irénée est le premier écrivain de l’ipoquc subapostolique à qui convienne le nom de théologien. S’il est vrai qu’une étude diligente des éléments et des monuments de la foi chrétienne, comme celle où se sont distingués Euscbe et saint Jérôme, ne suffît pas à faire un théologien, mais qu’il y faut une vue synthétique, harmonieuse et complète, des rapports de Dieu et du monde, il n’y a qu’Origène et saint Augustin qui puissent être comparés à saint Irénée. Ni saint Athanase ni saint Cyrille n’approchent de ces trois génies et, pour ce qui est du dégagement de la théologie de toutes les influences étrangères, c’est saint Irénée qui les dépasse tous. » Cf. A. Harnack, Lelirbnch der Dogmengeschichle, S édit., Fribourg-en-Brisgau, t. i, p. 513. Et, parmi les catholiques, A. Dufourcq a intitulé le t. III de son grand ouvrage sur Le passé chrétien : Le (hristianisme primitif. Saint Paul, saint Jean, saint Irénée. C’est bien cela. Quoique sur un autre plan que saint Jean et saint Paul, et quoique de moindre vigueur intellectuelle qu’un Clément d’Alexandrie ou un Origène, Irénée est, par la richesse de sa doctrine comme par l’orientation qu’il donne à la théologie, le grand nom de l’histoire du dogme entre saint Paul et saint Jean, d’une part, et, del’autre, saint Augustin.

F. Vernet.


2. IRÉNÉE, évêque de Tyr (t vers 450). Sous Thôodose II (408-450), Irénée, l’un des comtes de l’empire, rép ité pour ses qualités d’homme d'État et plus encore pour ses vertus, s’intéressait particulièrement aux questions théologiques. Il é.ait l’ami de Nestorius et lui resta très attaché. Lorsque le patriarche de Constantinople se rendit au concile d'Éphèse, en 431, pour justifier son enseignement que l’on accusait d’hérésie, Irénée l’accompagna par amitié et, bien qu’il fût sans mandat officiel, il usa de toute son influence en faveur de Nestorius, au grand déplaisir de saint Cyrille, patriarche d’Alexandrie, qui lui reprochait de circonvenir par ses manières séduisantes les évêques, simples d’esprit, et d’intimider le concile par son ingéence et ses menaces. La hâte avec laquelle Nestorius fut condamné avant même l’arrivée' des évêques orientaux souleva son indignation. Aussi, à l’approche de Jean d’Antioche et des évêques qui l’accompagnaient, se rendit-il au-devant d’eux avec quelques hommes de troupe pour leur faire connaître l’injuste sentence prononcée par Cyrille contre Nestorius ; et lorsque se présentèrent les députés du concile, il les empêcha d’aborder Jean d’Antioche, non sans quelque brutalité, comme s’en plaignit Memnon, l'évéque d'Éphèse. Les Orientaux, réunis aussitôt entre eux, répliquèrent à la condamnation de Nestorius par la condamnation de Memnon et de Cyrille, puis ils chargèrent le comte Irénée d’aller prévenir l’empereur des événements survenus et d’empêcher la consécration de ce qu’ils regardaient comme une Injustice. Mais, comme il nous l’apprend lui-même dans une lettre où II rend compte de sa mission, . Synod. aduersus Tragœdiam Irenœi, xxi, P. G., t. Lxxxiv, col. 614, Irénée arriva trois jours après les émissaires du concile, c’est-à-dire trop tard, parce que ceux-ci, dit-il, par le mensonge et la calomnie, avalent déjà formé l’opinion à la cour impériale. Il n’en essaya pas moins de faire prévaloir la vérité, mais non sans diflicultés et sans danger ; et il aurait peut-être réussi sans l’arrivée inopinée d’un envoyé spécial de Cyrille. Théodose, pour se tirer d’embarras, prit l'étrange parti de ratifier à la fois la condamnation de Nestorius prononcée prématurément par le concile d'Éphèse et celle de Cyrille et de Memnon lancée parl’avs lubKede Jean d’Antioche et des Orientaux, et il envoya le comte Jean, son grand trésorier, avec pleins pouvoirs pour arrêter le conflit et ramener la paix.

A partir de ce moment, Irénée devint suspect à la cour ; ses démarches restèrent vaines et la cause de son ami fut perdue. La condamnation portée par Cyrille fut pleinement ratifiée par l’empereur en 435, et Nestorius dut prendre le chemin de l’exil. Mais en même temps Irénée, qui maledictum Nestorii cullum non solum seculus est, sed et instituit et studuii mullas cum eo provincias evcrterc, Synodicon, cLxxxviii, P. G., t. Lxxxiv, col. 802, fut dépouillé de tous ses biens et de tous ses titres et exilé à Pétra. Loin de se laisser abattre par une telle infortune, il usa de ses loisirs forcés pour composer, sous le titre de Tragédie, un récit détaillé, avec pièces à l’appui, des événements qui avaient précédé et suivi le concile d'Éphèse, y compris ceux de la paix intervenue entre Cyrille et les Orientaux en 433. Cet ouvrage n'était pas de nature à lui ramener la faveur impériale. Et pourtant, par suite de circonstances qui nous restent inconnues, un jour vint où il put quitter son lieu d’exil ; vers 444, il fut même élu évêque de Tyr par les évêques de la province de Phénicie pour remplacer Beronicianus. Domnus, patriarche d’Antioche, la consacra et fit part de cette consécration à Proclus († 446), patriarche de Constantinople.

Devenu évêque, Irénée n'était pas au bout de se » épreuves ; il fut victime d’un parti tout-puissant auprès de Théodose, composé de l’eunuque Clirysaphe, de l’archimandrite Eutychès et du successeur de saint Cyrille sur le siège d’Alexandrie, le fougueux Dioscore. Ces trois conjurés entreprirent une guerre impitoyable contre tous ceux qui se réclamaient de la théologie antiochienne et s'étaient plus ou moins compromis avec le nestorianisme, notamment contre Irénée. L'élection de l'évéque de Tyr fut attaquée, au nom de l’orthodoxie, parce qu' Irénée avait partagé l’erreur de Nestorius, et au nom de la jurisprudence canonique, parce qu’il avait été marié deux fois. Domnus d’Antioche, mis au courant de cette intrigue, consulta Théodoret pour savoir la conduite qu’il av ; dt à tenir lui-niênit-, à titre de consécrateur de l'évéque poursuivi. Écrivez, lui répondit Théodoret, £pis<., ex, t. Lxxxiii, col. 1212, qu' Irénée est pleinement orthodoxe quant à la foi et que, s’il a été ordonné malgré rempêchement canonique de bigamie, vous n’avez fait en cela que suivre l’exemple déjà donné en pareil cas par Alexandre d’Antioche, Acace de Bérée et Prayle de Jérusalem, qui ont consacré eux-mêmes des bigames. Du reste son choix a été fait par les évêques de la province de Phénicie et son ordination a été approuvée par ceux de la province du Pont et de Jérusalem et dûment notifiée à Proclus de Constantinople : il n’y a donc pas à y revenir.

Domnus exécuta-t-il ce sage projet ? On l’ignore. Peut-être préféra-t-il compter sur un revirement de l’empereur ; il s’abusait, car Théodose, poussé par le parti de Chrysapbe, d’Eutychès et de Dioscore, déposa l'évéque de Tyr par un décret daté du 17 février 448, Concil. Ephes., part. III, c. 47, dans Labbe, Sacrosancta concilia, t. iii, col. 1216, et Domnus fut mis en demeure de procéder à son remplacement, ce qu’il fit en consacrant Photius, le 9 septembre de la même année. Evagrius nous apprend, H. E., i, 10, P. G., t. LxxxvT, col. 2448, que, l’année suivante, en 449, lors de la réunion du concile connu sous le nom de Brigandage d'Éphèse, Irénée fut frappé d’anathème. Put-il du moins compter sur sa réhabilitation lors du concile de Chalcédoine, en 451 ? Ce concile, en effet, prit soin de réparer les injustes condamnations du Brigandage d'Éphèse ; mais, comme parmi ces réparations Il n’est pas fait mention de celle de l’ancien évêque de Tyr, il est à croire qu'à cette date Irénée avait cessé de vivre.

Il est regrettable que la Tragédie d' Irénée ne nous