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IMPOSITION DES MAINS


elle été acceptée elle aussi, s’il n’avait pas identifié la chrismation prescrite par le concile pour le baptême avec l’onction au front réservée d’après la tra<lition romaine à l’évêque qui confirme. Cette identification, en effet, abstraction faite du sens à donner à chacune des deux onctions, va à rencontre de tout ce que nous savons sur la chrismation postbaptismale en Occident. Nous l’avons dit, le concile prescrit pour le baptême l’onction qui partout se fait dans l’administration de ce sacrement ; c’est donc elle que dans tout son décret il défend de renouveler : elle n’a lieu qu’une fois, normalement après le baptême, et, si elle a été omise alors, au moment de la confirmation. Le concile n’en connaît point d’autre et par conséquent, pour lui la confirmation ne comporte normalement aucune onction. Peut-être n’eu est-il pas de même ailleurs : la précaution qu’il prend de réserver toute liberté pour un avis contraire, non pra’jadicans quidquam, porte à croire qu’il connaît un usage différent, peut-être celui de la liturgie romaine, qui pénétrait alors en Gaule et comportait en effet une onction à la confirmation.

Nous avons déjà proposé cette interprétation dans la Reime d’histoire ecclésiastique de Louvain, 1912, t. xiii, p. 296-300 et 474. Dom de Puniet, sans l’accepter, a reconnu qu’elle rendait « l’explication du canon du concile d’Orange toute naturelle. » Art. Confirmation, du Dictionnaire d’archéologie chrétienne, t. iii, col. 2534. C’est un résultat appréciable. Le concile n’a pu cependant s’appliquer à faire de son décret une énigme indéchiffrable. Pour y trouver prescrite ou supposée une onction, qui aurait normalement accompagné le rite propre de la confirmation, il faut être convaincu d’avance que cette onction était accomplie nécessairement et partout. Or, puisqu’elle n’était accomplie ni en Afrique, ni à Milan, ni en Espagne, peut-on refuser de reconnaître que le concile d’Orange l’exclut aussi pour la Gaule ? On ne saurait du moins y voir la preuve qu’il la connaît ou l’impose.

Deux textes, l’un de saint Grégoire de Tours, l’autre de saint Avit, évêque de Vienne, n’ont également aucune valeur démonstrative. En racontant le baptême de Clovis, le premier ne mentionne que trois cérémonies : le baptême, la chrismation et le signe de la croix : Baptizalus est in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti delibiitnsqiie sacro chrismate, cum signaculo crucis Chiisti. Ilisloria Fiancorum, ii, 31, P. L., t. i.xxi, col. 227. Il n’en dit pas plus au sujet de juifs d’Auvergne baptisés par saint Avit : Omnis mullitudo baptismum flagitavit…. Ille cunctos aqiia (ibluens, chrismate liniens, in sinu matris Ecclesiæ congregavit. Ibid., v, 11, col. 326. Le saint évêque de Vienne, lui non plus, dans sa lettre à Clovis, ne trouve à évoquer que l’onction de la tête et de la poitrine : Cum sub casside crines nutrilos salulari galca sacra ; unctionis indueret ; cum, intermisso legmine loricarum, immnculuti artus simili candore (ulgercnt… P. L., t. lix, col. 259. Et parce que saint Germain de Paris dans sa première lettre, P. L., t. Lxxii, col. 92, ne mentionne non plus, à côté du baptême, que le crucis signaculum, on en conclut que la confirmation, qui devait être incluse ou visée dans tous ces textes, comportait une onction comme rite partiel, sinon unique. Mais en tirant cette conclusion, on oublie que ces auteurs ne se proposaient pas précisément de signaler, comme les commentateurs des cérémonies baptismales cités plus haut, col. 1347, les diverses cérémonies de l’initiation chrétienne. On oublie que le signaculum crucis, dont parle saint Germain, vise uniquement l’admission au catéchuménat, comme le suggère le contexte. Similitudine (canis et porci, quibus non est sanctum dandnm nec margaritæ millendœ) comparandum eo, vel qui non est purgaliis baptismo, vcl non munilus

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

crucis signaculum. P. L., t.Lxxii, col. 92. Il est question du renvoi de ceux qui ne pouvaient pas assister à la messe entière ; c’était le cas des catéchumènes et de ceux qui ne l’étaient pas encore. Voir dans le Missale gothicum la cérémonie ad cliristianum faciendum. Elle consiste à le marquer du signaculum crucis : Crucis tuæ sigillo signentur. Accipe signaculum Christi. Signa te in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, ut sis christianus. Ibid., col. 234. Le Missel de Bobbio dit de même : Facis signum f in eum et dices : Accipr signum crucis tam in fronte quam in corde… Tcmplum Dei ingrcdere. P. L., ibid., col. 500. Ce rapprochement dispense de réfuter l’opinion de ceux qui ont voulu voir dans la formule de saint Germain soit les rites accomplis sur les énergumènes et les pénitents, Probst, Die abendlandische Messe, p. 281, soit la confirmation, H. Koch, dans la Theologische Quartalschrifl t. Lxxxii. 1900, p. 525 sq. Cf., Boudinhon, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, t. vu. 1902, p. 17 ; dom de Puniet, dans la Revue des questions historiques, t. Lxxii, 1903, p. 469. Et il n’y a pas à conclure davantage de sa seconde lettre, parce qu’il n’y mentionne le Saint-Esprit qu’à propos de l’huile bénite en même temps que le chrême, et du baptême, dont il dit qu’il " confirme le catéchumène dans la grâce du Saint-Esprit. » Oleum quodcum chrisma benedicitur… Per oleum Sancti Spiritus gratin designatur… Non potest (caticuminus) sustinerc fortiora præcepta, aniequam per baptismum Spiritus Sancti confirmetur in gratta. P. L., t. LXxii, col. 95-96. L’étrangeté delà formule baptismum Spiritus Sancti, le voisinage de l’expression Spiritus Sancti gratta nous font préférer à celle que d’autres adoptent cette traduction « être confirmé en grvce par le baptême de l’Esprit Saint. 5 Nous avons déjà dit, col. 1367, que, d’après cette lettre elle-même, saint Germain donne de la chrismation postbaptismale l’interprétation traditionnelle, qui interdit d’y voir la confirmation et, si l’on s’étonne qu’il ne parle pas de ce dernier sacrement, on n’a qu’à voir comment procède, un siècle et demi plus tard, l’abbé Pirmin. Celui-ci commente les cérémonies baptismales d’après le Sacramentaire gélasien, où la chrismation postbaptismale et la confirmation sont si distinctes. Il ne parle néanmoins, lui non plus, que de la chrismation et il n’a pas un mot sur le sacreitient de la tradition du Saint-Esprit. De singulis libris canonicis scarapsus. P. L., i. lxxxix, col. 1035-1036.

C’est que ce n’est pas d’aujourd’hui que ce sacrement paraît parfois si effacé et n’avoir aux yeux de beaucoup de chrétiens qu’une importance si secondaire. Par contre, la haute signification traditionnellement reconnue à la chrismation et la préoccupation qu’on avait d’en assurer le bienfait à tous les chrétiens, aux convertis de l’hérésie et à tous ceux qui étaient baptisés en l’absence de l’évêque, quoique avec prévision de la confirmation à recevoir plus tard, font sutlisamment comprendre qu’elle ait seule retenu l’attention des écrivains qui ne relataient pas les détails. L’omission de l’imposition des mains ne proue pas qu’ils l’ignoraient ou qu’elle ne fût pas pratiquée. Dans un cas tout à fait analogue à celui des juifs d’Auvergne dont parle saint Grégoire de Tours, le IV" concile de Tolède en 633 la passe lui aussi sous silence : il s’agit de juifs convertis, hîien que l’imposition des mains fût pratiquée en Espagne, le concile ne parle à leur sujet que du baptême et de la chrismation : quia jam constat eos esse sacramentis divinis associatos, et baptismi gratiam percepisse, et chrismate unctos esse, et corporis Domini et sanguinis exslitisse participes. Can. 57, Mansi, t. X, col. 633. Pourquoi le silence que saini Grégoire de Tours garde au sujet de l’imposition des mains serait-Il plus significatif ? Ailleurs, il omet de la mentionner là

VII.

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