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IRENEE (SAINT !


encore insuffisante, comme un champion de la foi orthodoxe. Deux savants reformés, H. Dodwell, dans ses JJissertationes in Irenxum. Oxford, 1689, et J. E. Grabe, dans son édition d’Irénée, qu’il prépara avec l’aide de Dodwell, Oxford, 1702, recommencèrent la tentative d’annexer Irénée au protestantisme. Massuet, qui rendait justice par ailleurs aux mérites de Grabe, ne craignit pas de dire, P. G., t. vii, col. 1 1-12 : Ecclesiæ anglicanæ, cui se adjunxit, dam sludel impensius, potius un cura fuisse videtur ut Irenseum eliam invitum et reluctantem anglicanæ seetæ adjungeret, quam ut opus castigatius daret d emendatius. L'édition de Massuet (1710) améliora le texte d’Irénée et donna un exposé de la doctrine exact dans l’ensemble, quoique incomplet. Les catholiques furent armés pour la défense de leurs dogmes. Bossuet qui, plus que personne, utilisa Irénée, résumait ainsi leur pensée sur ce point : « Lisez-le comme un témoignage authentique de la foi de nos ancêtres, puisque c’est la foi d’un saint qui a conversé avec les disciples des apôtres, et qui a illustré le second siècle par sa doctrine et par son martyre : l'Église gallicane a eu l’avantage particulier de l’avoir pour évêque dans une de ses plus anciennes et principales Églises, et ce nous doit être une singuhère consolation de trouver dans ses écrits un monument domestique de notre foi. » // » instruction pastorale sur les promesses de l'Église, c. ccxiv ; cf. /// sermon pour la fête de r Annonciation, 1° point, Œuvres, édit. Lâchât, Paris, 1864, 1863, t. xvii, p. 232 ; t. XI, p. 167. En devenant plutôt historique après avoir été purement théologique, la polémique protestante avait également perdu son caractère d’universalité pour se restreindre de préférence aux deux questions de l’eucharistie et de l'Église. Irénée les éclairait l’une et l’autre. Dans L’eucharistie de l’ancienne Église, Genève, 1633, p. 65-87 (la l' « édition avait paru, en 1626, sous ce titre : Conformité de la créance de l'Église et de saint Augustin sur le sacrement de l’eucharistie), un des livres les plus forts écrits par les protestants, le ministre E. Aubertin prétendit, à rencontre du Traité du saint sacrement de l’eucharistie, du cardinal du Perron, Paris, 1622 ; 3e édit., 1633, p. 187-198, confirmer par saint Irénée la thèse de la présence simplement figurative. Tous les controverslstes protestants l’imitèrent. Du côté des catholiques, entre une multitude d’ouvrages, celui qui eut le plus de valeur fut la Perpétuité de la foi de l'Église catholique sur l’eucharistie, Paris, 1669-1674, dû surtout à Nicole. Cf., en ce qui regarde Irénée, III" partie, t. I, c. ii, édit. IMigne, Paris, 1841, t. ii, col. 678-690. Le débat sur l'Église a été résumé quand on a retracé l’histoire de l’interprétation du passage sur la primauté de l'Église romaine. Le Contra hæreses servit à établir la notion de l'Église, non seulement contre les protestants, mais encore contre les jansénistes et les gallicans. Le De vi ac rat iode primalus R. pontifîcum, Vérone, 1766, des frères Ballerini, un des traités qui ont le plus contribué à mettre en lumière le rôle du pape, est tributaire, pour un ? bonne part, de l'évêque de Lyon. Au xixe siècle, la faveur accordée à l'étude des origines chrétiennes et à la théologie positive a ramené de plus en plus l’attenlion sur Irénée. La controverse gallicane a pris fin avec le concile du Vatican, qui introduisit, dans la constitution Pastor seternus, la phrase d’Irénée sur la principauté principale de l'Égfise romaine. Quant aux protestants du xix « et du xxe siècles, il y a eu des retardataires qui ont gardé, ou peu s’en faut, en tout ce qui touciie l’auteur du Contra hæreses, les positions des ancêtres. D’autres les ont abandonnées partiellement, tout en continuant à dénoncer un certain désaccord entre la doctrine d’Irénée et le dév-eioppement dogmatique de l'Église catholique. A. Har- 1

nack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1897, t. iii, p. 775, a dit que Luther, plus éloigné, en bien des points, d’Irénée et d’Athanase que les théologiens du xiv^ et du xv siècles, est, à certains égards, plus près d’eux. Et J. Leitpoldt' Der neue armenische Irenâus, dans la Zeitschrift fur Kirchengeschichte, Gotha, 1906, t. xxvii, p. 478-479, a opposé le catholicisme au christianisme primitif qu’il croyait retrouver dans la Démonstration de la prédication apostolique. Ou bien des protestants ont prêté à Irénée des théories qui lui sont étrangères ; qu’on se rappelle, par exemple, les affirmations d' A. Sabatier sur le contrat d'échange entre Dieu et le démon pour la rançon de l’homme pécheur. Ou encore ils ont reconnu — et ceci est d’importance — qu’en somme l'Église catholique continue Irénée ; mais ils ajoutent qu' Irénée n’est pas fidèle à l'Église primitive, que les traditions apostoliques se sont corrompues en passant par ses mains, qu’il s' est écarté des données pauliniennes et évangéliques, que Rome est son but et non le Golgotha. « C’est la thèse de J.Werner, Z)er Paulinimus des Irenàus, Leipzig, 1889, et, avec des nuances, d’A. Harnack et de son école. Cf., en particuHer, L’essence du christianisme, trad. nouvelle, Paris, p. 248256. A tout prendre, les savants protestants rendent mieux justice à Irénée que leurs prédécesseurs. L’Essai sur la théologie d’Irénée de P. Beuzart (1908) etl'/renæuso/LuffrfunumdeF. R. M. Hitchcock(1914) ; cf. ibid., l’introduction de H. B. Swete, tranchent heureusement sur le ton hostile ou chagrin qui était fréquent. L’aveu de l’accord d’Irénée avec Rome n’exclut pas toujours la sympathie. C’est dans une page pleine d’admiration que T. Zahn, Realencyltlopadie, 3e édit., Leipzig, 1901, t. ix, p. 410, écrit qu" Irénée est chez lui à Rome, er ist in Rom wie in Ephesus zu Hause. Et, si A. Harnack avance inexactement, Des heil. Irenàus Schrift zum Erweise der apostotischen Verkûndiguny, Leipzig. 1907, p. 66, que, dans a. Démonstration, « l’autorité de l'Église et la tradition ne sont pas mises en scène, l’argument bibhque suffit, » il a ces mots d’un accent ému : « Tous les traits principaux de la doctrine religieuse de VAdversus hæreses se retrouvent ici : pour Irénée ils n'étaient pas seulement une théologie, mais la religion même, et cela à bon droit, de son point de vue. Chaque membre de la communauté devait les connaître et pouvoir défendre sa foi contre l’hérésie. Irénée vit vraiment avec toute son âme, avec sa tête et son cœur, dans la foi de l'Église… Et c’est une grande impression qu’on ressent à cette lecture : c’est donc ainsi qu'à Lyon, à la fin du ue siècle, le peuple chrétien était instruit et gouverné I »

/II. LES RÉSULTATS IMMÉDIATS. — f Saint Irénée occupe une très grande place dans l’histoire : il a tué le gnosticisme, il a fondé la théologie chrétienne, dit A. Duf ourcq. Saint Irénée (collection Les saints), p. 1 69 1° Il a tué le gnosticisme.

Non pas du coup, ni dans le sens rigoureux du mot. E. de Fay>', Gnostiques et gnosticisme, Paris, 1913, p. 465, est allé trop loin en affirmant que « paganisme populaire, philosophie grecque, gnosticisme et christianisme sont encore, au me siècle, sensiblement de force égale ; » mais il est vrai que le gnosticisme eut, au iiie siècle, comme un sursaut de vie nouvelle, et que la propagande clandestine du gnosticisme remporta encore de beaux succès même au ive siècle. Cf. E. de Faye, p. 460-461. D’autre part, on ne saisit point les preuves d’une action directe de l'œuvre d’Irénée sur les destinées du gnosticisme. Mais il est sûr que le gnosticisme subit alors une transformation, qui marqua sa banqueroute et prépara sa disparition complète, et de cette transformation la chronologie invite à croire qu' Irénée fut la cause principale. Un des attraits du gnosticisme