Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/638

Cette page n’a pas encore été corrigée
2525
2526
IRÉNÉE (saint ;


Ru fin. Le prologue, publié par J.-B. Pitra sous le nom de Florus, indique cinq causes qui ont poussé à transcrire le Contra hssrescs : la première, c’est que perrarus est. Spicilegium Solesmense, t. i, p. 9. Ce prologue, s’il est vraiment de Florus ; deux citations, dont l’une inexacte, de Paschase Radbert ; la transcription, au IX » siècle, du Contra hæreses dans le Claromontanus, voilà, avec quelques textes hagiographiques, les seuls indices de la persistance du souvenir et de l’action d’irénée en Occident.

2° Jusqu'à la Renaissance. — Il est fort probable que saint Anselme n’a point lu Irénée. On a pu écrire, pourtant, qu' « il Renouvelle la réponse d’irénée à l'éternelle question que pose la raison à la foi : Car Deus homo ? « A. Dufourcq, L’atfenir du christianisme. I. Le passé chrétien, 3e édit., Paris, 1911, t. vi, p. 137. Ce qu’il dit de l’honneur de Dieu et d’une certaine nécessité de la rédemption qui en résulte rappelle, en l’accentuant, ce que dit Irénée, et, plus clairement et plus fortement que Irénée, mais un peu tout de même comme lui, Anselme expose la satisfaction du Christ pour l’homme pécheur. Du reste, entre la sotériologie de l’un et de l’autre, s’il y a des ressemblances, les différences ne manquent pas. Cf. F. R. M. Hitchcock, Irenæus of Lugdunum, p. 173-176. Le rehef de l’idée de l’incarnation est plus atténué dans saint Anselme que dans saint Irénée. Il indique à peine ce qu' Irénée montre si bien, à savoir que l’explication ultime de l'œuvre rédemptrice est dans l’amour de Dieu, qui a voulu se faire connaître de nous et conquérir notre amour à nous. Ni Anselme, ni les auteurs des grandes synthèses théologiques du moyen âge ne lui ont donné la place prépondérante qu' Irénée lui assigne, en vrai disciple de saint Jean.

Le moyen âge ne connaît guère Irénée. Quelques mentions de lui existent, par exemple, dans la littérature syriaque, par Denys Bar Salibi, cf. Harnack p. 280, et, parmi les Grecs, par Georges de Corcyre, Nicétas Acominat, Macaire Clirysocéphale, cf. Harnack, p. 280, 274, et Nicéphore Calliste. On peut se demander si un seul de ces écrivains a une connaissance directe des œuvres d’irénée. Nicétas semble lui faire des emprunts à travers saint Épiphane, et Nicéphore Cal iste, qui en parle longuement, Ecclesiaslica historia, t. IV, c. xin-xv, xxx, xxxix ; cf. c. v, ix, xx, xxi, P. G., t. cxLV, col. 1005-1012, 1049-1052, 1065-1068, 988, 997, 1029, 1032, et lui emprunte, comme Nicétas, des notices sur les gnostiques, c. n-iv, xi, col. 98Q-985, 1001, le fait manifestement d’après Eusèbe. Des scolies lui sont attribuées dans un codex de Moscou, du xie siècle. Cf. Harnack, p. 264. Parmi les Latins, on a, en dehors des martyrologes dérivés d’Adon, en particulier de celui de Notker le Bègue, P. L., t. cxxxi, col. 1111 ; cꝟ. 1069} de maigres notices, inspirées surtout de saint Jérôme : celles, par exemple, de Fréculphe, Chronic, t. II, c. xxH, P. L., t. cvi, col. 1168 ; d’Honorius d’Autun. De scriptoribus ecclesiasticis, t. I, c. xxxvi, P. L., t. CLXxii, col. 201 ; de Jean de Trittenheim (Trithème), De scriptoribus ecclesiasticis, Paris, 1494, fol. 70 ; de La mer des histoires, Lyon, 1491, t. ii, foL 89a. Il n’y a pas une ligne dans les De scriptoribus ecclesiasticis de Sigebert de Gembloux et de l’anonyme de Melk ; et saint Antonin de Florence, pourtant si abondant, se borne à dire un mot de lui, d’après Hélinand, à l’occasion de Papias et du millônarisme, Hislor., I* pars, tit. vri, c. VI, n. 3, Lyon, 1517, fol. clxix a. Les ressemblances entre le texte d’irénée sur la primauté de l'Église romaine et Hugues Eteriano, De hæresibus græcorum, t. III, c. xvi, P. L., t. ccii, col. 376-377, sont trop vagues pour autoriser la supposition de J. Langen, Geschiclite der rômischen Kitche bis zum Pontificale Leo’s I, Bonn, 1881, p. 173, que le passage d’irénée a été exploité par Hugues. Toutefois ce n’est pas l’insou ciance totale. On transcrit les œuvres d’Irén'ée. La traduction arménienne de la Démonstration et des livres IV-V du Contra hæreses nous est parvenue dans un manuscrit du xme siècle, entre 1270 et 1289, et la plupart des manuscrits connus de l’antique traduction latine du Contra heereses sont du moyen âge.

3° Jusqu'à nos jours. — 1. En Orient. — Au xvii » siècle, dans sa Réfutation de la Confession de Cyrille Lucaris, Mélèce Syrigos cita des passages d’irénée sur l’eucharistie. Mais on voit qu’il ne connaissait pas le texte original ; car, au lieu de le reproduire tel quel, il le retraduisit du latin en grec. Cf. P. G., t. vii, col. 429. Plus ou moins oublié dans l'Église grecque, Irénée a bénéficié du retour aux études théologiques et historiques, qui s’est dessiné au xix® siècle. Pour ne parler que d’un ouvrage, qui compte parmi les plus importants de la théologie russe moderne, l’Introduction à la théologie orthodoxe et la Théologie dogmatique orthodoxe de Macaire (Michel Boulgakow), trad. franc., Paris, 1857, 1859-1860, fait une bonne place aux textes d’irénée, « dont le témoignage, est-il dit. Introduction, p. 420, atteste la croyance non seulement de l'Église de Lyon, mais encore de toutes celles d’Occident, et même de presque toutes les Éghses du monde. » Cf. p. 419, 505-506, 559 ; Théologie dogmatique, t. i, p. 45, 46, etc.

2. En Occident.

L'édition princeps du Contra hæreses parut, à Bâle, en 1526, par les soins d'Érasme, qui appelait l’auteur « mon » Irénée : cur enim non meum appellem, disait-il, dans la dédicace à l'évêque de Trente, édit. de 1534, Bâle, foL 2a = P. G., t. vii, col. 1321, quem pêne sepultum, absterso, quantum licuit, situ, luci restituimus, indignum profecto qui perpétua oblivione obsolesceret ? Que l'éloge de ces écrits, spirant enim illius scripta priscum illum Evangelii vigorem, la recommandation que leur vaut leur antiquité, habes Irenœi commendationem ab antiquitate, et le souhait que de nouveaux Irénées surgissent, animés de son esprit de paix, utinam et, in his Ecclesiae tumultibus…, exoriantur aliquot Irenœi qui spiritu evangelico mundum redigant in concordiam, aient couvert la critique de l'Église et des théologiens du temps, c’est possible et même probable. Cf. A. Humbert. Les origines de la théologie moderne. I. La renaissance de l’antiquité chrétienne, Paris, 1911, p. 219-220. Quoi qu’il en soit, Irénée sortait définitivement de l’obscurité où il avait été enseveli. Les protestants, en principe, ne se rattachaient pas aux Pères. C’est ce qui explique les dures paroles de quelques-uns d’entre eux contre la doctrine d’irénée. Cf. P. du Moulin, Le bouclier de la foi], Charenton, 1617 (dix éditions), parmi les calvinistes, et, parmi les luthériens, les centuriateurs de Magdebourg, Ecclesiaslica historia, cent. II, Bâle, 1559, t. II, dans Feuardent, Anlidota aduersus probra et impias criminaliones, en tête de son édition d’irénée '= P. G., t. VII, col. 1341-1352. Mais cette sévérité s’atténua ou disparut chez la plupart des défenseurs du protestantisme. Dès 1570, Nicolas Desgallards ( Gallasius), publia, sous l’inspiration de Théodore de Bèze, une édition d’irénée, où, tout en avançant qu’on trouve, dans les écrits des anciens Pères, impuritatem nonnullam quam labantia jam illa tempora doctrinae christianæ attulerunt, dédicace, P. G., t. vii, col. 1329, il n’aiïirmait pas moins l’utilité d’irénée pour combattre et les anabaptistes, que Desgallards nommait, et les catholiques, qu’il ne nommait point, mais qu’il désignait en termes non douteux. L’année suivante, le pasteur Grynée publia, à son tour, une édition d’irénée et s’efforça de Lfaire servir à la cause protestante. Le cordelier Feuardent, au contraire, dans les préliminaires et dans les notes de son édition d' Irénée ( 1575), le revendiqua, avec fougue et avec une critique en progrès sur celle de Grynée et de Desgallards, mais