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IRENEE (saint ;


p. 216. Ce recueil fut sans doute les Exégèses des discours du Seigneur, de Papias, que nous savons avoir été un assemblage de traditions des presbytres au sujet des paroles du Christ. Irénée, en efïet, après avoir cité le témoignage de ces presbytres, t. V, c. xxxiii, n. 3, col. 1213-1214, dit, n. 4, col. 1214 : « Tout cela aussi Papias, auditeur de Jean et compagnon de Polycarpe, un homme des anciens temps, l’atteste, l’ayant consigné par écrit au livre IV de son ouvrage, car il en a écrit cinq, raÛTa Se xal IlaTirtaç… êyYpâçuç ÈTnfjiapupTer. » N’est-ce pas laisser entendre qu’il connaît les dires des presbytres asiates à travers Papias, et n’est-il pas permis d’en conclure qu’il en est de même des autres passages où il se réclame de ces presbytres, tant avant (sur le chiffre de la bète) qu’après (sur les diverses demeures de la maison du Père) ce passage, col. 1203, 1222, 1223, cꝟ. 1135, et, beaucoup plus haut (sur l'âge du Christ), col. 785? — c. Papias. — On s’est trompé en faisant d' Irénée un disciple de Papias, au même titre que de Polycarpe. Deux textes de saint Jérôme ont donné lieu à cette méprise : celui du De viris illustribus, c. xxxv, P. L., t. xxiii, col. G49 : constat autem Polycarpi…. hune fuisse discipulum, et cet autre, Epist., lxxv, P. L., t. xxii, col. G87 : Irenœus.., Papiæ, audiioris evangelistce Joannis, discipulus. Massuet, Dissert., II, a. 1, n. 3, col. 176, a inféré de ces textes de Jérôme qu' Irénée, après le martyre de Polycarpe, n’ayant pu fréquenter longuement l'école du saint vieillard, se rendit auprès de Papias, autre disciple de saint Jean, et se confia à sa discipline. En réalité, le passage d' Irénée, col. 1214, duquel dépendent et le mot de Jérôme et l’interprétation de Massuet, prouve uniquement qu' Irénée fut disciple de Papias dans un sens large : il fut un lecteur, non un auditeur de Papias. Irénée, le premier, s'était trompé sur le compte de Papias, quand il en avait fait un auditeur de saint Jean, confondant l’apôtre Jean avec Jean le presbytre. Eusèbe, H. E., t. III, c. xxxix, P. G., t. XX, col. 296-297, fait observer qu' Irénée a mal lu Papias ; que, dans la préface de son ouvrage, Papias ne se dit pas auditeur des apôtres, mais de leurs disciples, ovi, mieux, des disciples de leurs disciples. Que ce soit parce qu’il a lu Papias rapidement, qu’il le cite de mémoire, ou que, citant le livre IV des Exégèses, il n’ait pas un souvenir exact de la déclaration du préambule, impressionné qu’il est, sinon hypnotisé, par le grand nom des presbytres, quelle que soit l’explication de l’erreur d' Irénée, l’erreur n’est pas douteuse. Impossible quand il affirme que saint Polycarpe, qu’il a vu et entendu, a connu l’apôtre saint Jean, elle s’est produite en ce qui regarde Papias, qu’il n’a ni vu ni entendu, à la suite d’une lecture insuffisamment attentive. Par là, disparaît cette véritable impossibilité qu’il y avait à prêter à l’apôtre saint Jean, parlant « de la part du Seigneur, le millénarisme effréné qu' Irénée lui attribue, ainsi que la fausseté sur l'âge du Christ. Ce n’est pas de l’apôtre saint Jean, mais des auditeurs des presbytres auxquels s'était fié Papias, homme crédule et « très petit esprit, autant qu’on peut en juger par son ouvrage, » dit Eusèbe, que venaient ces imaginations. Irénée les accueillit parce qu’il les croyait de l’apôtre. — d.Des anonymes distincts des presbytres.- — Il n’y a pas de raison qui oblige d’inscrire parmi les presbytres, avec A. Harnack, Geschichte der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, Leipzig, 1893, t. i, p. 65, l’anonyme dont Irénée cite, t. IV, c. iv, n. 2, col. 982, la belle parole sur le Fils mesure du Père immense : et bene qui dixit…, ni celui qu’il cite sous cette forme, c. xli, n. 2, col. 1115 : quemadmodum et quidam ante nos dixit, pas plus que ceux qui ante nos fuerunt, et quidem multo nobis meliores, t. IV, prsef., n. 2, col. 973, et qui ont combattu le valentinianisme avec une connaissance

insuffisante de sa doctrine. Dem., c. Lvra, p. 704, suppose une tradition particulière sur l'étoile des mages : « elle pénétra dans la maison où se trouvait l’enfant enveloppé de langes et vint se reposer sur sa tête, pour montrer aux mages le Fils de Dieu, le Christ. » — e. Saint Clément. — Nous avons vu qu' Irénée cite la lettre aux Corinthiens en des termes qui ont paru, mais à tort, impliquer qu’il la considérait comme une partie de l'Écriture. Serait-ce à Clément, / Cor., c. xii, n. 7, ou à Justin, Dialogus, c. cxi, P. G., t. ii, col. 733, qu' Irénée emprunte, t. IV, c. xx, n. 12, col. 1043, l’idée de la cordelette rouge de Rahab, figure du sang rédempteur du Christ ? Plutôt à Justin, d’après le contexte ; mais Justin a dû utiliser saint Clément. La vision d’Ezéchiel est invoquée comme témoignage en faveur de la résurrection par Clément, / Cor., c. L, par Justin, Apol., l, c. lii, P. G., t. vi, col. 406, par Irénée, t. V, c. xv, n. 1, col. 1164 ; l’application était si naturelle qu’il n’y a pas à supposer qu' Irénée dépende ici de Justin ou de Clément. — I. Hermas. — Voir ce qui a été dit à propos du canon des Écritures et, sur des ressemblances entre Hermas et Irénée, A. Harnack, Geschichte der altchristlichen Litteratur, t. I, p. 5r. Par ailleurs J. Lebreton, Le nouveau traité de saint Irénée dans la Revue de l’Institut catholique de Paris, Paris, 1907, t. xii, p. 139, pense qu’on peut retrouver, dans l’archange, « chiliarque administrateur » et chef de la milice céleste, Dem., c. xi, p. 468, « l’ange très vénérable » du Pasteur, Vis., V, ii ; Mand., V, i, 7. La conjecture est ingénieuse ; si elle était fondée, elle appuyerait l’hypothèse qui identifie « l’ange vénérable, » t l’ange saint, « l’ange illustre » du Pasteur avec saint Michel. — g. Saint Ignace. — Irénée cite, t. V, c. xxviii, n. 4, col. 12001201, sous cette désignation : t comme l’a dit l’un des nôtres, » une phrase d' Ignace, Ad Rom., ïv, 1. — h. Saint Justin. — Déjà Eusèbe avait noté, H. E., t. IV, c. xviii, P. G., t. XX, col. 376, que les écrits de Justin furent tenus en si haute estime par les anciens qu' Irénée s’est parfois servi de son témoignage, ainsi que l’attestent deux passages où l’auteur du Contra hæreses introduit, par ces mots : xaJ^wç 'Iouotïvoç, t. IV, c. vi, n. 2 ; t. V, C- XXVI, n. 2, col. 987, 1194, des citations de deux traités perdus de Justin, l’une d’un traité contre Marcion, l’autre d’un écrit inconnu. Irénée dépend des Apologies et du Dialogue un peu partout dans le Contra hæreses. Cf. l’index des auvres de Justin, édit. Otto, dans le Corpus apologetarum christianorum sœculi sccundi, léna, 1877, t. ii, p. 595-596, et aussi dans la Démonstration de la prédiccdion apostolique, cf. J. Lebreton, Le nouveau traité de saint Irénée dans la Revue de V Institut catholique de Paris, Paris, 1907, t. xii, p. 133-130. Il a vraisemblablement mis à profit le traité perdu de Justin contre les hérésies. Enfin, Il a pu suivre les leçons de Justin à Rome. Quoi qu’il en soit de cette dernière considération purementhypothétique, il est manifeste qu' Irénée doit beaucoup à Justin. Il a en commun avec lui et sans doute il lui emprunte plusieurs particularités du texte scripturaire, notamment le texte apocryphe sur la descente du Christ aux enfers. Il relève grandement de lui dans sa preuve de la religion chrétienne par les prophéties de l’Ancien Testament qui occupe une bonne moitié de la Démonstration, et, en général, dans ses interprétations de l'Écriture. Sa christologle, très supérieure à celle de Justin, n’est pas sans la rappeler. Peut-être est-ll tributaire du traité perdu contre Marcion pour sa doctrine de la récapitulation ; du moins le fragment qu’il donne de ce livre, col. 987, parle de la venue du Fils de Dieu en terre pour récapituler en lui-même sa créature. L’eschatologie d' Irénée a des traits de famille avec celle de Justin, plus même qu’il ne faudrait : le délai de la vision béatifique et le millénarisme appa-