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IRENEE (saint :


Abraham. Cf. A. Harnack, Des heiligen Irenâus Schrift zum Erweise der apostolischen Verkùndigung, Leipzig, 1907, p. 58 ; J. Lebreton, Le nouveau traité de saint îrénée sur la Démonstration de la prédication apostolique, dans la Revue de l’Institut catholique de Paris, Paris, 1907, t. xii, p. 136-138. J. Lebreton note que l’exégèse d' Irénée, c. ix, xxiv, est apparentée à celle de Philon. Nous avons signalé, en traitant de la règle de foi, l’hypothèse d’U. Mannucci sur le caractère catéchi tique de la Démonstration ; celui-ci a supposé, La didascalia délia Chiesa primitiva, dans la Rivista storicocritica délie scienze feologiche, Rome, 1907, t. iii, p. 139, que cette catéchèse ou didascalie primitive, dont la Démonstration ne serait qu’un développement, pourrait bien avoir son origine dans le judaïsme, « comme on y trouve désormais avec certitude celle des Deux voies par où commence la AiSccyri', » dans l’attente du Messie, aurait été élaborée peu à peu une sorte de récapitulation de la tradition biblique, mise à profit plus tard par les chrétiens.

Sources gnostiques.

1. Emprunts doctrinaux au gnosticisme. — Le gnosticisme a-t-il exercé une action directe sur la pensée et sur la liturgie de l'Église, par exemple, sur les rites eucharistiques, comme l’a cru E. Buonaiuti, Lo gnosticismo. Sloria di antiche lotte religiose, Rome, 1907, p. 264? Cf. P. Batifïol, Le gnosticisme, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Paris, 1907, p. 174. La preuve n’est pas faite qu’il ait eu une influence sérieuse, surtout avant le iiie siècle. Sur le « levain gnostique » qui imprégnerait t toute la littérature chrétienne du iiie siècle, » lire, avec des réserves, E. de Paye, Gnostiques et gnosticisme. Étude critique des documents du gnosticisme chrétien aux w et iii' siàcies, Paris, 1913, p. 471-494. Avant le nie siècle, et tout spécialement chez saint Irénée, certaines idées de ses docteurs ont pu être adaptées à l’exposition ou à la défense de la doctrine catholique. Encore ne faut-il pas soupçonner trop vite l’action du gnosticisme là où tout s’explique aisément par l’utihsation de l'Écriture et de la tradition patristique. Quand Irénée montre, dans Jésus-Christ, le docteur céleste qui apporte enfin la connaissance, la gnose, à ses disciples, ou quand il désigne par le mot de connaissance, agnitio, la révélation du Christ et se réfère aux paroles d’un presbytre sur la connaissance du Christ, il ne dit rien dont on ne trouve l'équivalent dans l'Évangile et dans saint Paul ou dans saint Justin ; évoquer à ce sujet le gnosticisme et supposer, avec A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), p. 124, qu’il a pu suivre les leçons d’un maître <t quelque peu teinté de gnosticisme, » c’est se lancer en plein arbitraire. De même, quand il se rencontre, t. IV, c. tcvi, n. 2 ; c. xxxvi, n. 4, col. 1016, 1093, avec Héracléon, P. G., t. vii, col. 1316, pour voir des anges dans les i fils de Dieu » de Gen., vi, 2, ou quand il développe, Dem., c. ix, p. 666, la conception des sept cieux chère aux valentiniens, cela n’atteste point une influence gnostique ; Irénée et les gnostiques ont pu s’inspirer directement ici de la littérature rabbinique, là de Josèphe, de Philon, de saint Justin. Cf. A. d’Alès, La théologie de Terlullien, Paris, 1905, p. 156-157, note ; J. Lebreton, dans la Revue de l’Institut catholique de Paris, Paris, 1907, t. xii, p. 137. Les ressemblances notées par A. Dufourcq, Saint Irénée (collection La pensée chrétienne), Paris, 1905, p. 182, 192, 193, entre Irénée, t. IV, c. xii, n. 1, 4 ; c. xv, n. 2, col. 1004, 1005, 1013, et Ptolémée, dans son épître à Flora, P. G., t. vii, col. 1284, ne sont pas très caractéristiques ; Irénée n’avait pas besoin d’emprunter au docteur gnostique ce que l'Évangile lui fournissait clairement. La phrase : « Celui qui est né de Dieu est Dieu, Dem., c. XLvn, p. 695, avait été énoncée par Ptolémée. Il est évident qu' Irénée avait pu faire de lui-même un

raisonnement aussi simple. L’influence gnostique est possible, non établie.

2. Emploi des sources gnostiques pour la connaissance du gnosticisme. — Pour combattre utilement et convaincre les gnostiques, il était nécessaire de les connaître : adversus eos Victoria est sententix eorum manifestatio. L. I, c. xxxi, n. 3, col. 705. Faute de cette connaissance, dit-il, t. IV, prsef., n. 2, col. 973, « ceux qui ont été avant nous et meilleurs que nous n’ont pu sufiisamment contredire les valentiniens. » Irénée a conversé avec des hérétiques, il a lu leurs livres. Cꝟ. t. I, prsef., n. 2 ; c. xxv, n. 2 ; c. xxxvii, n. 4 ; 1. V. prsef., col. 441, 684-685, 689, 1119. Il ne nomme ni les livres qu’il a lus ni les gnostiques qu’il a interrogés. Particulièrement documenté sur l'école de Valentin, il multiplie, dans sa notice, t. I, c. i-xii, les indications matéi’ielles de ses diverses sources d’information. Le mot Xéyouai. revient à chaque instant, et il introduit les paragraphes par ces formules : Xéyouai, è'vtoi, [xu60XoYoijat.v, çâaxouotv, etc. Deux de ces formules, mal comprises, ont entraîné dans l’erreur saint Épiphane, Panarium, hær. xxxii, c. ni, P. G., c. xli, col. 548, Théodoret, Hærelicarum fabularum compendium, t. I, c. V, P. G., t. Lxxxiii, col. 352, et, à leur suite, une foule d’hérésiologues, par exemple, Massuet, Dissert., I, a. 2, n. 78-80, col. 103-105. Là où Irénée parle de alius qui clarus est magister ipsorum, selon la version latine, ils ont transformé en nom propre l'épithète èraçavrjç, que rend le mot clarus, et ce docteur valentinien anonyme est devenu Épiphane, fils de Carpocrate. Non content de ces désignations générales, Irénée expose l’enseignement de Valentin, c. XI, n. 1, col. 560 ; de Secundus, n. 2, col. 564 ; des disciples de Ptolémée, prsef., n. 4 ; c. xii, n. 1, 3, col. 441, 569, 574 ; il reproduit peut-être un passage important de Ptolémée sur le prologue de saint Jean, à s’en rapporter aux mots : Et Ptolemœus quidem ita, c. vra, n. 5, col. 538, qui manquent dans ce que nous possédons du texte grec. Plus d’un trait de l’exposé de la doctrine des marcosiens donne à croire qu’il s’inspire d’un document écrit. Il se pourrait même qu’il fournisse le titre de cet écrit : Le silence de Marc, sans doute une sorte de livre des révélations de Marc, quand 11 dit, c. XIV, n. 7, col. 608, cꝟ. 609 : coç cpYjatv tj Mâpxou Siyr). Il connaît des écrits de Marcion et la Bible des marcionites, t. I, c. xxvii, n. 3 ; t. III, c. xii, n. 12, col. 689, 906, et, à peu près sûrement, un écrit hérétique de Tatien, t. I, c. xxviii, n. 1, col. 690-691. Il a eu entre les mains quelques-uns des livres des caïnites, c. XXXI, n. 2, col. 704. La notice qu’il consacre aux barbéliotes, c. xxix, col. 691-694, avait donné l’impression d’avoir été composée à l’aide d’un document, et cette impression a été confirmée par la découverte du document lui-même, l'Évangile de Marie. Cf. C. Schmidt, Ein vorirenàisches Originalwerk in koplischcr Sprache, dans les Sitzungberichte der k. preussischen Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1896, p. 839 sq. (sera publié dans le t. n des Kopiisch-gnostische Schriften). Enfin les renseignements, c. xxx, col. 694704, sur une secte, non nommée, de séthiens ou d’ophites, d’après Théodoret, Hæreticarum fabularum compendium, t. I, c. xiv, P. G., t. Lxxxiii, col. 364, et pour laquelle E. de Faye, Gnostiques et gnosticisme, p. 363, propose l’appellation d' « adeptes de la Mère, » sont dus certainement à un ou à plusieurs documents gnostiques. Cf. E. de Faye, p. 361.

Que vaut la documentation d' Irénée. et quelle est la portée de son témoignage sur les gnostiques ? La question a été longuement débattue au cours de ces dernières années. Un exposé exact et clair des opinions émises est l’Introduction à l'étude du gnosticisme au II' et au IIIe siècles, par E. de Faye, dans la Revue de l’histoire des religions, Paris, 1912, t. xlv, p. 299-312,