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IRÉNÉE (SAINT)


Telle est l’eschatologie d’Irénée : un mélange d’idées intéressantes, d’affirmations qui contiennent la substance de l’enseignement de l'Église, et de théories contestables ou même franchement erronées. C’est la partie la plus faible de son œuvre. Le millénarisme et l’opinion, aujourd’hui hérétique, du délai de la vision béatifique, qu’il eut en commun avec un certain nombre de Pères, lui viennent surtout d’un excès de confiance aux dires, réels ou prétendus, de quelques presbytres. Ses vues sur le travail de préparation graduelle requis pour que l’homme soit rendu capable de voir Dieu ont contribué à le maintenir dans une fausse route Tout ce qu’il y a de beau dans cette doctrine de la « maturation, » qui précède l’entrée au ciel et la vision de Dieu, se retrouve, sans l’alliage qui la dépare en saint Irénée, dans le dogme du purgatoire. Irénée ne nomme pas le purgatoire ; le « lieu invisible » où les âmes des justes attendent le royaume terrestre du Christ, qui disposera lui-même à la vision de Dieu, n’est pas sans lui ressembler, et nombre de ses textes seraient suffisants à le fonder en raison théologique, celui-ci, par exemple, t. IV, c. xxxvii, n. 7, col. 1104 : uti… landem aliquando maturus fiât homo, in tantis maturcscens ad videndum ci eapiendum Deutn.

C.Biitthingausen, De Apoca(ypsi ex /renœoL. V, c. XXX, Heidelberg, 1771 ; H. Corrodi, Kritlsche Geschichfe des ChiUasmus, Francfort, 1781 ; J. N. Sclineider, Die chiUasUsche Doctrin und ihr Verhàltniss zur christlichen Glaubenslehre, Schaffouse, 1859 ; W. Môller, Geschichte der Kosmologie In der griechischen Kirche bis auf Orf gènes, Halle, 1860, p. 474506 ; M. Kirchner, Die Eschatologie des Irenàus, dans les Theologische Studien und Kritiken, Hambourg, 1863, t. XXXVI, p. 315-358 ; L. Lescœur, Le règne temporel de Jésus-Christ. Étude sur le m17Zénar/sme, Paris, 1868, p. 214221 ; W. Volck, Der Chiliasmus seiner neuesten Be}<àmplung gegeniiber. Eine hisloriscli-exegeliscite Studie, Dorpat, 1869 ; A. Chiapelli, Le idée millenarie dei cristiani nel loro svolgimento storico, Naples, 1888 ; W. Haller, Die Lettre von der Auferstehung des Fleisches bis auf Tertullian, dans la Zeittchrift fiir lutherische Théologie und Kirclie, 1892, p. 325 sq. ; L. Atzberger, GescJiichte der christlichen Escliatologie innerhalb der vornicànischen Zeit, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 192-263 ; W. Wadstein, Die eschatologisclie Ideengruppe Antichrist, Weltsabbat, Weltende und Weligericht in den HauptmomentenihreTchristlich-miltelalterlichenGesamtentwicklung, Leipzig, 1896 ; V. Ermoni, Les pliases successives de l’erreur millénariste, dans la Revue des questions Instoriques, Paris, 1901, t. lxx, p. 353-388 ; J. Leblanc, Entre la mort et la parousie avant Origène, dans les Annales de philosophie chrétienne, Paris, 1904, W série, t.iii, p. 386-403 ; L. Gry Le millénarisme dans ses origines et son développement, Paris, 1904 ; L. Laguier, La résurrection de la chair dans saint Irénée, dans la Revue du clergé français, Paris, 1905, t. xLin, p. 225236 ; E. Buonaiuti, Il millenarismo d’Ireneo, dans la Rivisia storico-criilca délie scieme teologiche, Rome, 1906, t. ii, p. 909-918 ; J. Hoh, Die Lehre des heil. Irenàus iiber das Neue Testament, Mijnster, 1919, p. 146-150..


IV.La place de saint Irénée dans l’histoire de la théologie

I. Les Sources.

Sources païennes. —

Irénée fut un grand liseur. Son livre est la Bible. Mais il n’est pas indiflérent à la littérature profane. Tertullien, Adversus valentinianos, c. v, P. L., t. II, col. 548, l’appelle t explorateur très curieux de toutes les doctrines. Il cite volontiers les écrivains grecs, littérateurs et philosophes. Il a pu ne connaître tel ou tel d’entre eux qu'à travers un manuel. De plusieurs il a certainement une connaissance directe. C’est le cas d’Homère, qu’il allègue à plusieurs reprises en homme qui le connaît, ô S' ëjjLTieipoç t^ç ô|i.y)piXTJç Û7to6ÉCT£Cûç èTîiyvwasTai ; pour montrer que les gnostiques altèrent l'Écriture en cousant bout à bout des textes épars, il donne un centon de vers homériques choisis de manière à leur faire raconter l’envoi d’Hercule par Eurysthée à Cerbère, le chien infernal. L. I, c. ix, n. 4 ; c. xii, n. 2 ; t. II, c. v, n. 4 ; c. xiv, n. 2 ; c. xxii, n. 6 ;

L IV, c. xxxiii, n. 3, col. 544-545, 572, 724, 751, 786, 1074. C’est le cas encore de Platon ; il en parle pertinemment et avec chaleur, sauf à contredire sa doctrine de la métempsycose. L. II, c. xiv, n. 3, 4 ; c. xxxiii, n. 2 ; t. III, c. xxv, n. 5, col. 751-752, 831-832, 969-970. En revanche, le mot sur Aristote, t. II, c. xiv, n. 5, col. 752, dont la philosophie subissait alors une éclipse, contient un jugement par trop sommaire et injuste : « Aristote, dit-il aux gnostiques, vous a enseigné l’art de noyer toutes les questions dans un amas de subtilités OU de paroles oiseuses. » Les autres philosophes mentionnés sont Anaxagore, Anaximandre, Démocrite, Empédocle, Thaïes, Pythagore et les pythagoriciens, Épicure, et, en général, les stoïciens et les cyniques. L. II, c. xiv, n. 2-6 ; c. xxxii, n. 2 ; t. III, c. XXIV, n. 2, col. 750-754, 828, 967. Parmi les poètes, Hésiode, Pindare, Antiphane, Ménandre, Sophocle, Stésichore, et, en général, les comiques, et poetse et conscriptores. L. I, c. xxiii, n. 2 ; t. II, c. xiv, n. 1, 2, 4-5 ; c. xviii, n. 5 ; c. xxi, n. 2 ; t. V, c. xiii, n. 2, col. 672, 749-750, 752, 770, 780-781, 1157. En outre, une allusion à une fable d'Ésope, t. II, c. xi, n. 1, col. 737, et aux ludicra d’Anaxilaiis, sans doute le médecin et magicien, t. I, c. xiii, n. 1, col. 580. Cl. la note de Massuet.

Irénée est un chrétien de race grecque. Son hellénisme se marque moins par son attrait pour la spéculation abstraite — encore pénètre-t-il intelligemment dans les spéculations abstruses des gnostiques — qu’il ne se reconnaît « à son savoureux bon sens, à son amour du fait concret, du détail précis, à son horreur des songe-creux. » A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Les saints), 2e édit., Paris, 1904, p. 66. Quant à préciser les limites dans lesquelles il s’inspire de l’hellénisme, ce n’est pas chose aisée. A. Dufourcq, op. cz7., p. 68, note, pense qu'à la philosophie aristotélicienne « il ne doit peut-être que l’idée d'éducation progressive, dont il a, du reste, si heureusement tiré parti lorsqu’il a rattaché l’Ancien Testament au Nouveau, » et qu'à la philosophie de l'époque suivante il doit « peut-être l’idée qu’il se fait de la bonté de Dieu, les grandes lignes de son anthropologie, et le sentiment très vif qu’il a de la transcendance absolue de Dieu, n Mais tout cela il le trouvait, plus ou moins, dans l'Écriture, et ce qu’il a pu en emprunter à la philosophie grecque a été transformé sous l’influence de sa foi.

Sources juives.

Irénée a quelque connaissance de l’hébreu. CL t. I, c. xxi, n. 3 ; t. II, c. xxiv, n. 2 ; c. XXXV, n. 3 ; t. V, c. xxi, n. 2, col. 661, 664, 788, 789, 791, 838-840, 1181 ; Dem., c.XLin, liii, p. 692, 700. Ce n’est pas assez pour rendre plausible l’hypothèse de W. Harvey, dans son édition d’Irénée, 1. 1, p. v. cliii, que l'évoque de Lyon aurait une origine sémitique. "Tout au plus pourrait-on en conclure, avec T. Zahn, Realencyklopàdie, 3e édit., Leipzig, 1901, t. ix, p. 407, à la vraisemblance que, parmi les Asiates qui l’initièrent à la foi chrétienne, il y en eut qui étaient juifs de naissance. Lui-même dit, col. 788, que le nom de Jésus, dans la langue hébraïque, a deux lettres et demi, sicut periti eorum dicunt, ce qui le classe hors de la nationalité juive. Il tient compte du texte hébreu de la Bible ; Z)em., c. XLra, p. 692, ilciteuntexte probablement corrompu. Il connaît les versions des juifs Théodotion et Aquila. L. III, c. xxi, n. 1, col. 946. Il cite Josèphe. Fragment xxxiii, P. G., t. vii, col. 1245. Il utilise, à l’instar de saint Justin et de la plupart des exégètes de cette époque, les croyances haggadiques. Conl. hær., t. IV, c. xxxi, n. 3, col. 1070, sur la femme de Lot ; Dem., c. ix, sur le chandelier à sept branches et les sept cieux ; c. xviii, sur les maléfices et recettes magiques que les » fils de Dieu » auraient appris aux « filles des hommes ; » c. xxiv, sur le rôle donné à