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IRENEE (SAINT'


talité bienheureuse, mais ceux qui sont ingrats à leur créateur s’en privent par leur faute, ipse se privât in sœculum sœculi perseveranlia. De l’immortalité bienheureuse il revient ensuite, n. 4, col. 837, à l’immortalité de l'être, et, bien loin d’y faire aucune exception, il s’exprime en des termes qui attribuent également l’immortalité à toutes les âmes aussi bien que l'être : Dco ilaque vitam et perpetuam perseveranliam donanie, capii et animas primum non exsistentes dehinc perseoerare, cum eas Deus et esse et subsistere volucrit, prineipari enim débet in omnibus et dominari voluntas Dei. Cꝟ. t. IV, c. xxxvra, n. 3, col. 1107-1108. Ce qui pourrait subsister d’imprécision dans ce passage s'éclaire, d’une part, des textes où Irénée affirme, tout court, que les âmes sont immortelles, et même immortelles par leur nature que Dieu vivifie, t. V, c. iv, n. 1, col. 1133, immortalia… quoniam vioiftcantur a Paire…, natura immortalia ; cf. Massuet, col. 359-360, sur l’abus queDodwell a fait de ce texte, et, d’autre part, des textes sur l'éternité des peines de l’enfer. Bref, sur l’immortalité de l'âme la doctrine d' Irénée se réduit aux points suivants. L'âme est naturellement 'immortelle, en ce sens que Dieu l’a dotée d’immortalité ; elle n’a point l’immortalité par sa nature, en ce sens qu’elle n’a point par elle-même le pouvoir de persévérer toujours dans son existence. Les élus auront, avec l’immortalité de l'être, l’immortalité de la béatitude. Les damnés n’auront pas l’immortalité du bonheur, mais garderont l'éternité de l'être. C’est ce que reconnut Ellies du Pin, à la suite des observations que lui valut son opinion sur l’anéantissement des âmes coupables ; dans la 3e édit. de la Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1698, 1. 1, p. 173, il ne prête plus cette croyance à Irénée, et se contente d'écrire qu' Irénée « prouve que les âmes subsistent après la mort et qu’elles sont immortelles. »

b)Le jugement particulier. — Le mot ne se lit pas dans Irénée. Chez lui, le « jugement », c’est le jugement universel. Mais l’idée du jugement particulier n’est pas absente. L’homme, dit-il, a été crée libre pour se faire, en collaboration avec la grâce divine, l’artisan de son sort éternel. En attendant le j ugement universel, le t juste jugement » de Dieu à la fin du monde, il passe sur cette terre et, après la mort, subit les conséquences de son libre choix. Merito omnes justum jadicium incident Dei…. Alii quidem laudantur et dignum percipiunt teslimonium elcctionis bonx et perseverantiæ, alii vero accusantur et dignum percipiunt damnum eo quod justum et bonum reprobaverint. L. IV, c. xxxvii, n. 1, 2, col. 1100. Irénée marque deux temps : celui du jugement universel, celui d’u ; ie « louange » ou d’une « accusation > qui le précédera et qui correspond au jugement particulier. Dans le récit du riche et de Lazare il note, t. II, c. xxxiv, n. 1, col. 835, manere in suo ordine unumquemque ipsorum : chacun a ce qui lui convient, Lazare les opulences de la table et le mauvais riche la punition, locum pienm, ce qui démontre que l'âme a une immortalité individuelle et dignam habitationem unamquamque gentem percipere eliam ante judicium. Donc, dès avant le jugement universel, chacun recevra le juste châtiment ou la juste récompense de ses actes. Donc un jugement particulier sera intervenu.

c) L'état des âmes des justes en attendant le second avènement du Christ. — Le salut commence en ce monde. L. V, c. xxviii, n. 1, col.l 197-1 198. Son achèvement ne se réalise point ici-bas, ni tout de suite après la mort. Irénée enseigne que les âmes des justes ne seront admises à la béatitude qu’après le jugement dernier. La tentative de Bellarmin, De Ecclesia Iriumphante, t. I, c. iv, dans le De controuersiis christianx fidei, Paris, 1020, t. ii, p. 686 : cf. J. de La Servière, La théologie de Bellarmin, Paris, 1908, p.299, de mettre

la doctrine d' Irénée d’accord avec les définitions ultérieures de l'Église a été malheureuse : prorsus infeliciter, dit Massuet, Dissert., III, a. 10, n. 121, col. 379, tam aperta siquidem Irenœiopinioest…. ut eam ad receptam hodic in tota Ecclesia catholica senientiam revocare vclle laterem crudiim lavare sit. Cf. D. Petau, De Deo Deiqne proprietatibus, t. VII, c. xiv, n. 1-5, dans ses Dogmata theologica, édit. J.-B. Fournials, Paris, 1865, t. I, p. 617-619. Voir Benoit XII, t. ii, col. 672-676. Vain également l’essai de justification de F. Feuardent, P. G., t. vii, col. 1835-1836. C’est en réfutant le gnosticisme qu' Irénée a dévié. L. V, c. xxxi, col. 1208-1210. Les gnostiques méprisent la créature de Dieu et n’admettent pas le salut de la chair ; aussi disent-ils que, dès la mort, se supergredi cselos et demiurgum, et ire ad Matrem vel ad eum, qui ab ipsis ajfmgitur, Patrem. Ce n’est pas étonnant qu’ils ignorent « l’ordre de la résurrection, » puisqu’ils réprouvent toute résurrection, et, autant qu’il dépend d’eux, la suppriment. Mais, de l’avis d' Irénée, ceux-là aussi ont hæreticos sensus qui méconnaissent l’ordre de la promotion à la béatitude et ignorent les degrés par lesquels on s'élève à la vision bienheureuse, et motus meditationis ad incorruptelam ignorant. Le Christ a gardé la loi des morts ; après avoir expiré sur la croix, il n’est pas allé de suite au ciel, mais il est descendu aux enfers, puis, ressuscité le troisième jour, il est resté avec les apôtres avant de monter au Père. De même les âmes de ses disciples, après la mort, vont dans un lieu invisible, fixé par Dieu, et y séjourneront dans l’attente de la résurrection ; lors de la résurrection, elles seront unies à leur corps, comme le Christ est ressuscité, et viendront en la présence de Dieu. Le disciple n’est pas au-dessus du Maître. Le délai que le Christ a consenti pour luimême s’impose à nous. La « digne habitation déterminée par Dieu pour les justes en attendant la résurrection n’est pas le paradis terrestre de l'Église, habité par les justes de la terre, t. V, c. x, n. 1 ; c. xx, n. 2, col. 1147, 1178, ni le paradis supramondial, mais un lieu inframondial, le i sein d’Abraham. » Ayant conclu de la parabole du pauvre Lazare et du mauvais riche l’immortalité de l'âme, t. II, c. xxxiv, n. 1, col. 835, Irénée dit que les âmes se souviennent, et propheticum quoque adesse Abrahæ, et dignam habitationem unamquamque gentem percipere etiam ante judicium. C’est supposer que le « sein d’Abraham » sera le séjour des justes d’après comme d’avant le Christ. L'état des justes qui attendent la résurrection semble susceptible de progrès. Le progrès est la loi de la vie présente et de la vie future. Ut semper quidem Deus doceat, homo autemsemper discal quæsunt a Deo, cette formule, t. II, c. xxviii, n. 3, col. 806, et la suivante, t. IV, c. xxxvii, n. 7, col. 1104 : uti… tandem aliquando maturus fiât homo, in tantis maturescens ad videndum et capiendum Deum, s’appliquent à tout le déroulement de la vie humaine. Les motus meditationis ad incorruptelam et ce mystère de la résurrection des justes et du royaume, quod est principium incorruptelæ, per quod regnum qui digni fuerint paulatim assuescunt capere Deum, . V, c. xxxi, n. 1 ; c. xxxii, n. 1, col. 12)71210, paraissent désigner des ascensions d'âme continuelles. Enfin, le salut est inamissible ; ce n’est pas encore la réalité de la vision béatifique, c’est le droit à l’obtenir. Irénée l’affirme indirectement par sa doctrine de la nécessité et de l’efficacité de la pénitence. Cf. L. Atzberger, Gcscliichte der chrisUichen Eschatologie innerhalb der vornicùnischen Zeit, p. 245-246. Du délai de la vision béatifique sont exempts les martyrs que l'Église omni tempore præmittit ad Patrem, t. IV, c. xxiii, n. 9 ; cf. c. xxxi, n. 3, col. 1078, 1070 ; parmi eux les saints Innocents, 1. 111, c. xvi, n. 4, col. 924. En quoi consiste leur bonlieur ? Sur ce point Irénée ne donne pas de réponse ferme.