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IRENEE (SAINT'


Saint ne les avait pas encore abreuvés. » Mais ce texte contredit ce qui se lit un peu partout ailleurs : que Jésus-Christ n’est pas mort seulement pour ses contemporains et ceux qui naissent sous l'ère chrétienne, mais pour les hommes de toutes les générations, « pour tous ceux, sans exception, qui dès le commencement, par son secours, craignirent et aimèrent Dieu, pratiquèrent la justice et la bonté envsrs le prochain, désirèrent voir le Christ et entendre sa voix, » que < le même Dieu dirigea les patriarches en ses desseins et justifia les circoncis et les incirconcis. » Conl. hær., t. IV, c. xxii, n. 2 ; cf.c. XIV, n. 2, col. 1047, 1011 ; Dem., c. LVi, p. 702 ; cf. L. Capéran, Le problème du salul des infidèles. Essai historique, Paris, 1912, p. 69-70, 512. Pour les mêmes raisons il semble conforme à l’esprit d’Irénée d’admettre le salut des infidèles de bonne foi après le Christ. Les païens qu’il écarte du salut sont ceux qui ne voulurent point voir la lumière de la vérité, neque lumen verilatis videre voluerunt, sed si(Ul mures cœci absconditi in profundo sapientiæ. L. V, c. XXIX, n. 1, col. 1201. Il dit que Dieu « est le Dieu de tous » et que, pour les gentils comme pour les juifs et les croyants, il est » Providence, (Père) nourricier, roi et juge. » Dem., c. viii, p. 665. Il parle des préceptes de la loi naturelle, pcr quæ homo jusliflcatur, quæ etiam ante legisdalioncm custodicbant qui fide juslificabantur et placebanl Deo. Conl. hær., t. IV, c. xiii, n. 1, col. 10061007. N’est-ce pas, en germe, la thèse développée dans la suite par les théologiens, que l’observation de la loi naturelle, suffisante pour tous avant la loi mosaïque, est restée suffisante pour les infidèles et après Moïse et après l'Évangile ? Le difficile est d’expliquer comment ces infidèles peuvent atteindre au minimum de foi indispensable au salut et, selon l’expression d’Irénée « désirer de voir le Christ et d’entendre sa voix. » L’accord n’est pas encore fait là-dessus entre théologiens. Il n’est donc pas étonnant que saint Irénée n’offre pas une solution définitive. Voir, plus loin, son opinion sur la descente du Christ aux enfers, en ce qui concerne les justes morts avant lui. Revenons aux croyants. Dans les derniers temps, le Christ est apparu. A la loi de crainte a succédé la loi d’amour. Les serviteurs ont été des enfants. La vocation des gentils, annoncée par les prophètes, a eu finalement sa réalisation : « à ceux qui croient, qui aiment le Seigneur et qui vivent dans la sainteté, la justice et la patience, le Dieu de tous accordera la vie éternelle par la résurrection des morts, et cela en vue des mérites de celui qui est mort et ressuscité, Jésus-Christ. » Dem., c. XLi ; cf. lxxxvi-xcvii, p. 690, 720-729 ; Cent, hier., t. IV, c. iv, viii-ix, xiii, col. 981-983, 993-999, 1006-1010, etc. Ce que le Christ a apporté ce sont moins des vérités nouvelles — Irénée minimise les nouveautés dogmatiques du Nouveau Testament — que de nouvelles richesses d’amour, de nouvelles effusions de grâces. Quid i : jitur Dominus allulil veniens ? Cognoseite quoniam omncm novilalem ailulit, semeiipsum ufjei ens, qui j ueral annanlialus… Semeiipsum enimallulit, et ea quæ prædicta sunt bona, in quæ concupiscebant angeli intendere, donavit hominibus. L. IV, c. xxxiv, n. 1, col. 1083, 1084. Cf., entre autres textes, t. IV, c. XI, n. 3, 4 ; c. xxxvi, n. 4, col. 1002-1003, 1094 : majorcm donalionem palernie graliæ pcr suum adventum ejjudil in humanum genus. Plus de grâce, c’est plus de facilité pour le salut ; mais c’est aussi plus d’invitation à aimer, plus de responsabilité, une obligation morale plus impérieuse, et, pour les contempteurs de l’avènement du Christ, pour ceux qui meurent dans leur péclic, une punition plus sévère. L. IV, c. xiii, n. 3 ; c. xxvii, n. 2-4 ; c. xxviii ; c. xxxvi, n. 4, col. 1009, 1058-1063, 1093.

De même que Sa doctrine de la récapitulation a conduit saint Irénée à considérer comme une vérité

catholique le salut d’Adam, père du genre humain, t. I, c. xxviii, n. 1 ; t. III, c. xxiii, col. 690, 960-965, de même qu’elle l’a jeté dans la chimère millénariste, elle devrait, en bonne logique, aboutir à la théorie du salut universel, toujours, dans ce dernier cas ainsi que dans les précédents, au nom de l’honneur de Dieu, qui se doit à lui-même de faire triompher ses desseins et de ne pas céder au mal. Mais, dit P. Beuzart, Essai sur la théologie d’Irénée, Paris, 1908, p. 110, « l’instinct ecclésiastique, la règle de foi, la tradition, l'évêque enfin, l’empêchent d’aboutir à la conclusion logique. Irénée professe qu’il y a des damnés. Godts, De paucitate salvandorum, 3e édit., Bruxelles, 1899, le range même parmi les partisans du petit nombre des élus ; mais les textes qu’il allègue à l’appui de cette opinion ne sont pas probants. Voir Élus (Nombre des), t. iv, col. 2364, 2369. Et Irénée admet, t. II, c. xxviii, n. 7, col. 809, que, si des créatures transgressent la loi de Dieu, quædam, imo plurima, perseveraverunt et persévérant in subjectione ejus.

K. Passaglia, De parlitione divinee volantatis in primam et secundam deque univcrsali reparati ordinis amplitudine, c. cxvii-cxxi, dans ses Commentar. théologie, part. III, Rome, 1851, p. 276-294 ; J. Korber, Sanctiis Irenœus de gralia sanctificante, Bamberg, 1866 ; L. Atzberger, Geschichle der citristlichen Eschatologie innerhalb der vornicànischen Zeit, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 231-236 ; L. Fonck, Irenàus ùber die Sprachengabe, dans la Zeitschrift fiir die katholische Théologie, Inspruck, 1895, t. xix, p. 377-380 ; P. de LabrioUe, La crise montaniste, Paris, 1913, p. 207-244.

2. Les conditions subjectives du salut.

Sauvés par les mérites du Christ, nous ne le sommes pas sans des dispositions personnelles, qui se ramènent à deux : la foi et l’amour avec ses œuvres, « l’unité simple de la foi et de la charité. » 'Dem., c. lxxxvii ; cf. xii, Lxxxix, xcv, p. 721, 690, 723, 726-727.

a) La foi. — a. Nécessite de la foi. — Elle est explicitement indiquée à propos de la foi d’Abraham : fldes cnim, quæ est ad Deum altissimum, justificat hominem. L. iv, c. v, n. 4. 5 ; c. xxviii ; t. V, c. xxxii, n. 2, " col. 985, 1061-1063, 1211, etc. ; Dem., prol., notamment c. ii, p. 660 : « L’homme étant un être vivant, composé d’une âme et d’un corps, il est juste et nécessaire de tenir compte de ces deux éléments. Et, comme de ces deux côtés peuvent provenir des chutes, on distingue la sainteté du corps, consistant dans la continence, qui réprime tous les appétits honteux et proscrit tous les actes mauvais, et la sainteté de l'âme, laquelle consiste dans l’intégrité de la foi en Dieu, sans y rien ajouter ni en rien retrancher ; » c. iii, p. 662 : Comme l’affaire de notre salut dépend de la foi, il est juste et nécessaire que nous mettions tous nos soins à la défendre ; » c. xxxv, xciii, p. 686, 725, etc. Cf. ce qui a été dit, plus haut, de l’unité de l'Église et des hérétiques.

b. La notion de la foi. — « Si nous prenons la notion de la foi que nous a laissée la réformation, et qui se décompose en nolitia, assensus et fiducia, dit P. Beuzart, Essai sur la théologie d' Irénée, Paris, 1908, p. 125, nous voyons que, chez Irénée, la foi ne comprend guère que les deux premiers éléments et que c’est la nolitia qui l’emporte. La foi est, avant tout, créance. » La foi est, en cITet, avant tout, un assentiment à la vérité révélée par Dieu, annoncée par les prophètes, établie par ie Christ, transmise par les apôtres et offerte par l'Église à ses enfants ; or « en toutes choses il est juste et nécessaire de croire à la parole de Dieu, car Dieu est véridique en tout. » Dem., c. iii, xLin, xcviii, p. 662, 691, 730. La volonté a sa part dans l’acte de foi. Irénée l’afFirme dans une formule qui, à première vue, semblerait pélagienne, t. IV, c. xxxix, n. 2, col. 1110 : Si igitur trad.dcris ei (à Dieu) quod est luum, id est fidem in eum et subjectionem, recipics ejus artem