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IRÉNÉE (SAINT]


démoniaque. Quant au jugement d’Ircnée, P. de Labriolle étudie, p. 231-240 : cf. Les sources de l’histoire du monlanismc, Fribourg, Paris, 1913, p. 6-8 (texte et traduction), le texte capital du t. III, c. xi, n. 9, col. 890-891. Ce texte controversé lui paraît exiger une correction, qui, » paicograpliiquement, n’a rien de choquant » et que la structure de la phrase, le parallélisme des deux exemples cités, la suite du raisonnement, l’esprit général du morceau, imposent d’une façon évidente. Là où les éditions portent : inicliccs vero qui pseudoprnphrtæ quidem esse volunt, propiulicam vero gratium repcllnnl ab Ecclesia, le texte véritable serait : qui psendoprophctas esse nolunt. Il ne saurait être question, dans ce passage, quoi qu’on en ait dit, des montanistes, qui ne rejetaient pas l'Évangile de saint Jean, et, loin d’exclure la grâce propliélique, l’exaltaient outre mesure, ni des ophites, dont les doctrines exposées ailleurs par Irénée ne cadrent pas avec celles qui sont indiquées ici. Irénée viserait les aloges ; contre eux il se poserait en champion du charisme prophétique, et le sens de son admonestation serait que ce n’est pas une raison, parce qu’il y a de faux prophètes, pour récuser toute prophétie, de même que ce n’est pas une raison, parce c|u’il y a des hypocrites, pour récuser les lois de la confraternité chrétienne. Cf. Dtm., c. xcix-c, col. 730-731. L’argumentation de P. de Labriolle est impressionnante. En tout cas, rien, dans ce chapitre, ne trahit une sympathie spéciale à l’endroit du prophétisme montanisle ; rien, à plus forte raison, ne laisse découvrir une adhésion implicite. Et volontiers en dirait-on autant du Contra liœrcscs tout entier. Un adepte du montanisme n’aurait pas excité les catholiques contre les faux prophètes, t. IV, c. xxxiii, n. 6, col. 1076, en un temps où les catholiques dénonçaient le mensonge de la prophétie montaniste. Il n’aurait pas stigmatisé les schismatiques, t. IV, c. xxxiii, n. 7, col. 1076, alors que l’attitude de l'Église tendait à acculer les montanistes au scliisme. Il n’aurait ni expliqué le rôle du Paraclet sans nommer celui en qui on voulait que le Paraclet se fût incarné, t. III, c. xvii, n. 2-3, col. 930, ni cité avec honneur le Pasteur d’Hcrmas, I. IV, c. xx, n. 2, col. 1032, suspect aux montanistes à cause de certaines de ses indulgences. Aussi TertuUien, tnumérant ceux qui, avant lui, ont combattu l’hérésie gnostique, Adoersus valentinianos, c. v, P. L., t. ii, col. 548549, mentionne-t-il le montaniste Proculus, Proculus noster, et, immédiatement avant, Irénée omnium doctrinarum curiosissimus explorator, sans insinuer qu’il le considère comme sien. Cf. P. de Labriolle, op. cit., p. 241-242.

c) Uniuersalité de la grâce. — Le salut est pour tous ; Dieu est « le Dieu de tous. » Dem., c. viii, p. C65. Le Christ est venu pour sauver tous les hommes : omnes enim venil per semelipsum salvarc…, ideo per omnem venit ictatem.., princcps vitw, prior omnium et prxcedens omnes. Cont. hier., t. II, c. xxii, n. 4, col. 784. « Comme il est, lui, le Verbe du Dieu tout-puissant, dont la présence invisible est répandue en nous et remplit le monde entier, il continue encore (son inlluence dans le monde) dans toute sa longueur, sa largeur, sa hauteur et sa profondeur ; car par le Verbe de Dieu tout est sous l’influence de l'économie rédemptrice, et le Fils de Dieu a été crucifié pour tout, ayant tracé ce signe de croix sur toutes choses… C’est lui qui illumine les hauteurs, c’est-à-dire les cieux, c’est lui qui pénètre les profondeurs des lieux inférieurs, lui qui parcourt la longue étendue de l’Orient à l’Occident, lui qui atteint l’immense espace du nord au midi, appelant à la connaissance de son Père les hommes dispersés en tous lieux. » Dem., c. xxxiv, p. 685-G86. Sur la vague idée d’un autre continent, dans Irénée, t. II, c. xxviii, n. 2, col. 805, cf. L. Capé ran. Le problème du salut des infidèles. Essai historique, Paris, 1912, p. 219, note.

Que le salut ait été possible toujours, ab initio, par le Christ, par le Saint-Esprit, c’est ce qu' Irénée affirme avec insistance : non enim proptcr eos solos qui, lemporibus Tiberii Cœsaris, crcdiderunt ei venit Christus, nec propter eos solos qui nunc sunt homines providentiam fecit Pater, sed propter omnes omnino homines qui ab initio, propter virtutem suam, in sua gencratione et limuerunt et dilexerunt Deum, et juste et pie <onversati sunt erga proximos et concupierunt videre Cliristum et audire voeem ejus. L. IV, c. xxii, n. 2, col. 1047 ; cf. c. v, n. 5 ; c. vi-vu ; c. xii, n. 5 ; c. xiv, n. 2-3 ; c. xvi, n. 1-2 ; c. XX, n. 7 ; c. xxii ; c. xxv, n. 1, 3 ; c. xxvii, n. 2 ; c. xxxiii, n. 1, 7, 15 ; c. xxxiv, n. 1 ; I. V, c. xv, n. 4 ; c. xvi ; c. xxviii, n. 4, col. 986-993, 1006, 1011-1012, 1016-1017, 1037, 1046-1047, 1050, 1052, 1058-1059, 1072, 1077, 1083-1084, 1166, 1168, 1200 ; Z)em., c. xlvXLVi, Lvi, p. 694-695, 702. En montrant les rapports qui unissent les deux Testaments, l’Ancien et le Nouveau, ces deux versants de l’histoire, « saint Irénée, dit A. Dufourcq, Saint Irénée (collection Lis saints), 2e édit., Paris, 1904, p. 106, cf. p. 106-110, résout le problème capital dont l’obscurité tourmente la conscience chrétienne ; et la double solution qu’il propose, à la suite de saint Paul, est celle dont nous vivons encore. » Il enseigne, d’abord, que l’Ancien Testament est une ample prophétie, annonçant d’avance l'œuvre du Christ, ensuite que l'Écriture est l’histoire du relèvement progressif de l’humanité. « Il n’y a qu’un salut, dit-il, t. IV, c. ix, n. 3, col. 998, comme il n’y a qu’un Dieu ; mais nombreux sont les préceptes qui forment l’homme et nombreux les degrés qui le font monter jusqu'à Dieu. « Dans cette histoire Irénée distingue, t. III, c. xi, n. 8, col. 889-890, par parallélisme avec les quatre Évangiles, une quadruple disposition » ou économie divine, quatre testaments, d’Adam, de Noé, de Moïse, du Christ. A Adam, Dieu donne la loi naturelle, formulée dans le décalogue. Irénée ne parle guère du testament de Noé. Ce qu’il a de plus explicite se lit, Dem., c. xxii, p. 675-676. Sa caractéristique est, avec l’engagement de Dieu de ne plus détruire par un déluge ce qui naîtrait sur la terre, la permission de se nourrir de la viande interdite jusqu’au déluge. N'était qu’il a voulu que l'Évangile tétramorphe eût sa correspondance dans « une disposition létramorphe du Seigneur, » col. 890, il n’aurait sans doute pas distingue les testaments d’Adam et de Noé. Au point de vue du salut, il les confond, I. IV, c. XVI, n. 2 ; cL c. xxxvi, n. 4, col. 1016-1017, 1093, mettant sur la même ligne omnis multitudo eorum qui ante Abraliam fuerunt justi et eorum patriarcharum qui ante Moijsem fuerunt, col. 1017. Et il ne compte que trois temps, t. IV, c. xxxvi, n. 2, col. 1091 : celui de lu plasmatio Adee et de Velectio Putrum ; celui de la législation mosaïque, qu’il appelle « le milieu des temps, » Dem., c. viii, p. 665 ; Cont. hier., t. III, c. XXIV, n. 1 ; t. IV, c. xxv, n. 1, col. 966, 1051 ; celui du Christ, qu’il nomme, avec l'Écriture, les anciens auleurs ecclésiastiques et les gnostiques, « la plénitude des temps, » « la fin, » « les derniers temps. » Cont. Itœr., . I, c. viii, n. 2 ; c. x, n. 3 ; t. IV, c. xxii, n. 1 ; c. xxv, n. 1 ; c. XXXIII, n. 15 ; t. V, c. xv, n. 4, col. 524, 557, 1046, 1051, 1083, 1 166, etc. ; Dem., c. xxii, xxx, lxxxix, p. 676, 683, 723. La législation mosaïque aggrave, pour les juiis qui ont oublié Dieu et se sont révoltés contre lui, la loi naturelle. Cont. hær., t. IV, c. xv-xvi, col.10121019 ; Dem., c. viii, xxvi, xxviii, p. 665, 680, 682. Quant aux gentils, non soumis à la loi mosaïque, on pourrait croire qu' Irénée considère leur salut comme impossible, à lire Dem., c. lxxxix, p. 723 : » Avant la vocation des gentils, c'était un désert aride ; le Verbe n’avait pas encore passé parmi eux ; l’Esprit-