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IRENEE (SAINT]


surnaturelle sa conception dans le sein virginal ; donc surnaturel aussi, sauf preuve évidente du contraire, le mode d’enfantement. Le sens très clair des adjectifs parus, puram, dicte l’interprétation de l’adverbe qu’ils encadrent. » Non seulement la « preuve évidente du contraire » n’existe pas ; mais encore le commentaire du verset d’Isaïe sur l’enfantement virginal et la place qu’Irénée assigne à la naissance du Christ ex Virgine entre l’incarnation du Verbe et le passion, la résurrection d’entre les morts et l’ascension corporelle. Cont.hær., t. I, 'c. x, n. 1, col. 549, ce qui indique que ce sont là, pour lui, événements de même ordre, également surnaturels, tout confirme que l’adverbe pure désigne la virginité de Marie in parla. Sans doute il y a les mots aperiens vulvam, qui, pris tels qu’ils sonnent et isolément du reste, feraient croire que la naissance du Christ a subi la loi commune. Mais il faut se rappeler que les Pères, du iv « au vie siècle, habitués à confesser très nettement la virginité in partit, sur laquelle on ne discutait plus entre catholiques, employaient sans aucun embarras la même expression, consacrée par la citation de Luc, ii, 23 ; ils rattachaient à la loi de l’Exode, xju, 2, 1 2, rappelée par saint Luc, la présentation au temple de Marie, exempte, dans leur pensée, du rite purificatoire imposé aux mères Israélites, mais qui voulut s’y soumettre. Pourquoi Irénée ne serait-il point dans le même cas ? Aurait-il tant appuyé sur la pureté transcendante de cet enfantement, parus pure puram, pour lui attribuer, tout de suite après, la souillure légale commune ? <. A tout le moins, dit A. d’Alès, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. iii, col. 202, une accumulation de mots si extraordinaire nous ayertit qu’il y a là une question réservée, que le texte présente une nuance délicate, et qu'à y vouloir appliquer une exégèse brutale, nous le fausserons infailliblement. Ou l’adverbe pure ne signifie absolument rien, ou Irénée a voulu faire entendre que cette naissance ne ressemble pas à toutes les naissances. » Un mot seulement sur la sainteté de Marie. Massuet n’a pas eu de peine à démontrer, Dissert., III, a. 6, n. 69, col. 319, contre Grabe, qu’Irénée ne taxe pas Marie d’imperfection, quand il écrit, à propos du miracle de Cana, t. III, c. xvi, n. 7, col. 926 : Properante Maria ad admirabile vini signum et ante tempus volente participare compendii poculo. Dominas, repellens ejus intempestivam festinalionem, dixit… Le sens est que la demande de Marie était préftiaturée : ne sachant pas l’heure marquée par le miracle, elle la croyait venue, et intempestivam festinalionem repète l’idée contenue dans les mots : properante… ante tempus.

2. Marie mère des hommes.

Trois textes ou groupes de textes mettent en relief le rôle de Marie. D’abord s’offre à nous un parallèle entre Marie et Eve. Voir Eve, t. V, col. 1652 ; Immaculée conception, t. vii, col. 859-86 1. De même que le Chri st est le nouvel Adam, qui récapitule en lui l’humanité tout entière et répare l'œuvre du premier Adam, Marie est l’Eve nouvelle, associée à la rédemption. Sa virginité s’accorde avec la mission du second Adam. « Comme le premier-né Adam a tiré sa substance d’une terre nouvelle et encore vierge, car Dieu n’y avait pas encore versé sa pluie et l’homme ne l’avait pas encore travaillée, ainsi, en naissant de Marie qui était encore vierge, le Verbe, qui allait récapituler en lui Adam, a justement choisi la naissance d’Adam. » L. III, c. xxi, n. 10 ; cf. c. xviii, n. 7, col. 954-955, 938 ; Dem., c. xxxii, p. 684. Ce n’est pas tout. Marie a une part directe à l’oeuvre rédemptrice. Il n’est pas exact, ainsi que l’avait prétendu Pusey, An Eirenicon, in a letter td the author of « The Christian y car, » Oxford, 1865, p. 155-156, qu’Irénée et les anciens Pères « parlent de la sainte Vierge comme de l’instrument de notre

salut en ce qu’elle donna naissance au rédempteur » et uniquement en cela. Newman, dans sa lettre, à Pusey à l’occasion de ï'Eirenicon de ce dernier, nouvelle édition de la traduction parue sous ce titre : ' Du culte de la sainte Vierge dans l'Église catholique, Paris, 1908, p. 54-56, montre que, pour Irénée — et aussi pour Justin et Tertullien — Marie ne fut pas un simple instrument physique de la rédemption, mais coopéra positivement à notre salut. Voici quelques passages caractéristiques. L. III, c. xxii, n. 4, col. 959 : « Comme Eve, ayant Adam pour époux, mais vierge encore, fut, par sa désobéissance, pour elle-même et pour tout le genre humain, une cause de mort, inobediens fada, et sibi et universo humano generi causa facta est mortis, ainsi Marie, ayant un époux prédestiné et cependant vierge, fut, par son obéissance, pour elle-même et pour tout le genre humain, une cause de salut, obediens et sibi et universo generi humano causa facta est salutis. » Et, col. 959960 : « Le Seigneur est devenu le principe de ceux qui vivent, comme Adam était devenu le principe de ceux qui meurent. Ainsi le nœud de la désobéissance d’Eve a été défait par l’obéissance de Marie, car ce que la vierge Eve avait lie par son incrédulité la vierge Marie l’a délié par sa foi, quod enim alligavit virgo Eva per incredulitatem hoc virgo Maria solvii per fidem. » L. V, c. xix, n. 1, col. 1175-1176 : « De même que le genre humain a été lié à la mort par une vierge (Eve), c’est par une Vierge qu’il est sauvé. Ainsi les plateaux sont en équilibre : la désobéissance virginale est contrebalancée par l’obéissance virginale ; le péché du premier-né est réparé par le premier-né ; la prudence du serpent est vaincue par la simplicité de la colombe, et les liens sont défaits qui nous enchaînaient à la mort. » Massuet lit la première phrase, d’après le Claromontanas et d’autres manuscrits ; Quemadmodum astrictum est morti genus humanum per virginem, salvatur per Virginem. Certains manuscrits portent : solvatur, au lieu de salvatur, et c’est ainsi que la lisait saint Augustin, Contra Jalianum, t. I, c. III, P. L., t. XLiv, col. 644. Le sens est le même. Cf. encore Dem., c. xxxiii, p. 684-685.

Dans ce dernier passage, Cont. hær., col. 1175 ; Dem., p. 685, un mot se détache qui mérite qu’on s’y arrête un instant : Et si ea (Eve) inobedierat Deo, scd hsec (Marie) suasa est obedire Deo, ati virginis Evæ virgo Maria fieret advocata. Massuet, Dissert., III, a. 6, n. 65-68, col. 316-319, a vii, dans ce mot adyocata, le pouvoir d’intercession de Marie au ciel. C’est vraisemblablement à tort. Advocatus emporte, dans Irénée, soit l’idée de consoler, t. III, c. ix, n. 3, col. 871, soit, plus souvent, celle de venir au secours, t. III, c. xviii, n. 7 ; c. xxiii, n. 8 ; t. IV, c. xxxiv, n. 4, col. 937, 965, 1085. Cette dernière signification est la véritable : Marie est venue au secours d’Eve en réparant ce que la première femme avait détruit. Cf. E. Neubert, Marie dans l'Église anténicéenne, p. 263-264. Que si l’original était « paraclet » au lieu d' « avocate, » comme l’ont supposé Grabe et plusieurs critiques, « on devrait se rappeler, fait observer Newman, op. cit., p. 56, quand on nous accuse d’attribuer à la sainte Vierge les titres et le rôle de son Fils, que saint Irénée lui attribue le propre rôle et le nom même du Saint-Esprit. » Cf. O. Bardenhewer, Geschichte der altkir' chlichen Literatur, 2^ édit., Frlbourg-en-Brisgau, 1913, t. I, p. 428.

Irénée, enfin, ne redoute pas de parler de notre régénération par la mère du Christ, t. IV, c. xxxiii, n. 4, col. 1074-1075 : datam, quae est ex Virgine per fidem, regenerationem ; n. 11, col. 1080 : parus pure puram aperiens vulvam, eam qaæ régénérât homineS in Deum, quam ipse puram fecit ; Dem., c. xxxiii, p. 684. Cf. P. Galtier, L'évêque docteur : saint Irénée