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IRENEE (SAINT :


Cette dernière conclusion paraît inacceptable à P. Galtier. Loin d’admettre que l’acceptation spontanée d’une rédemption onéreuse constitue, aux yeux d’irénée, d’une façon quelconque, même purement matérielle et passive, une soumission à l’empire de Satan, il pense que « la théorie rédemptrice qu’on attribue au yrand docteur de Lyon aurait froissé son sens du Christ. » Recherches de science religieuse, t. iv, p. 71.

La question est délicate pour qui la considère dans son ensemble. Il semble bien, d’une part, que toute la justice observée par Dieu dans la défaite de Satan soit une justice qui s’exerce contre lui. D’autre part, Irénée concevait comme on l’a dit que le Rédempteur en faisant rendre gorge au voleur ' y avait mis des. formes », A. d’Alès, Recherches de science religieuse, 1916, p. 209-210. En tout cas il ne saurait être question de droits stricts du démon. Il faut reconnaître néanmoins que les formules embarrassées d’irénée où entre le mot « justice », ont pu, mal comprises, influer sur la théorie des droits du démon, élaborée dans la suite par certains Pères.

3° La nécessité de l’incarnation et de la rédemption. — 1. La nécessité de l’incarnation. — Le Verbe se serait-il incarné si Adam n’avait point péché? Irénée ne traite pas directement ce suiet. Mais des trois classes auxquelles les théologiens ramènent les motifs de l’incarnation : glorification de Dieu, bien de l’homme, victoire sur Satan, les deux premières, remarque H. E. Oxenham, Histoire du dogme de la rédemption, trad..1. Bruneau, Paris, 1909, p. 108, ne perdraient rien, ou à peu près, de leur valeur, même si Adam n’avait pas désobéi ; le bien de l’homme, en particulier, serait toujours procuré par l’exemple et la doclrine du Christ et, sinon la rédemption du genre humain, du moins la sanctification et la rédemption de l’homme individuel. Or, Irénée insiste sur la nécessité du Verbe incarné comme docteur, sanctificateur et déificateur des hommes. L. V, c. i, n. 1, col. 1120, 1121 : Non enim aliter nos discere poteramus quiB sunt Dei nisi magister nostcr Vcrbum existens homo factus fuisset… Neque rursus nos aliter discere poteramus nisi, magistrum nostrum videntes et per anditum nostrum vocem ejus percipienies, uti, imitalores quidem operum factores autem sermonum ejus jacli, communionem habeamus cum ipso. L. III, c. xx, n. 2, col. 944 : Capere Patrem donans Vcrbum Dei quod hubitavit in homine, et filius hominis factus est ut assuesceret hominem percipere Deum et assuesceret Deum habitare in homine, secundum placitum Patris. L. IV, c. xxxviii, n. 1-3, col. 1105-1107 : Quasi in/antibus ille qui erat panis per/ectus Patris lac nobis semetipsam præslavit, quod erat secundum hominem ejus advenlus…. Et propler hoc coinjantiatum est homini Verbum Dei, cum essct perlecius, non propter se, scd proptcr hominis infantiam, sic capax ejfectus qucmadmodum homo illum capeer potuit. L. IV, c. XX, n. 4, col. 1034 : Homo factus est ut finem conjungeret principio, id est hominem Deo. Dans le même ordre d’idées se présentent les textes sur le primat du Christ, surtout t. III, c. xxii, n. 3, col. 958. Il affirme que le Sauveur précède, par ordre de dignité, ceux qui lui devront le salut, et en tire cette conséquence : loin d'être conditionné par le fait de la chute, le décret de l’incarnation commande toute l'économie actuelle de la Providence. Ayant voulu le Sauveur, Dieu décida de lui donner des hommes à sauver ; avant même d'être le type d’une humanité régénérée, le Christ est le prototype d’une humanité parfaite selon Dieu. « Ici, dit A. d’Alès, La doctrine de la récapitulation en saint Irénée, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1916, t. vi, p. 191, nous reconnaissons les futures positions de l'école scotiste. »

Mais, ailleurs, Irénée dit expressément que, si la chair n’avait pas eu besoin de salut, le Verbe ne se fût pas incarné : si enim non haberet caro salvari, nequaquam Vcrbum Dei caro factum esset.L.Y, c. xjv, n. 1, col. 1161. Voir le chapitre entier. Et il est à noter que, même dans les passages les plus favoraules à l’opinion scotiste, intervient d’ordinaire la question de salut tout de même que de l'œuvre de la rédemption ne se sépare pas celle de l’incarnation. Faut-il en conclure à un certain fiottement de pensées dans une question mystérieuse et qui, du reste, n'était pas atiordée ex professa ? Peut-être. Peut-être aussi pourrait-on supposer qu' Irénée distingue dans les conseils divins plusieurs plans et plusieurs ordres, à savoir, dit A. d’Alès, loc. cit., p. 192, « d’abord un ordre idéal ou d’intention première, selon lequel le type du Verbe incarné, présent à la pensée divine, domine la conception de l’humanité possible, et puis un ordre réel ou d’exécution, selon lequel le décret efficace de l’incarnation est subordonné à la prévision du péché. Et l’on expliquerait, par la superposition de ces deux plans de persjiective divine, qu’en préludant, par l’ensemble de ses déclarations, à l’enseignement de saint Thomas, saint Irénée ait pu exceptionnellement parler comme Duns Scot. »

2. La nécessité de la rédemption.

- Irénée expose que l’homme ne pouvait, de lui-même, parvenir à l’adoption divine et, mortel et corruptible, être uni à l’immortalité et à l’incorruptibilité, et que le Verbe s’est fait homme pour lui donner l’incorruptibilité et l’adoption de fds de Dieu. L. III, c. xix, n. 1, col. 939940. Cela pourrait convenir à l'élévation de l’homme à l'état surnaturel aussi bien qu'à la reprise de l'état surnaturel perdu. C’est de la réintégration dans l'état surnaturel seule qu’il parle quand il dit que l’homme déchu ne pouvait, livré à ses propres ressources, se sauver et retrouver ce qu’il avait perdu en Adam, et que le Verbe s’est incarné pour suppléer à notre insuffisance. L. III, c. XVIII, n. 1, col. 932. L’homme était incapable de remonter, de lui-même, à l'état surnaturel. Irénée ne se demande pas si Dieu aurait eu d’autres moyens pour le relever ; il se borne à constater que Dieu l’a relevé par l’incarnation du Verbe.

Mais voici une autre question : le relèvement de l’homme était-il nécessaire ? Irénée ne l’a guère abordée, de façon directe, pour l’ensemble de l’humanité, si ce n’est d’un mot, en passant, Dem., c. xxxiv, p. 685 : « Par le Verbe de Dieu, tout est sous l’inlluence de l'économie rédemptrice, et le Fils de Dieu a été crucifié pour tout, ayant tracé ce signe de croix sur toutes choses. Car il était juste et nécessaire que celui qui s’est rendu visible amenât toutes les choses visibles à participer à sa croix. » Mais il pose directement la question à propos d’Adam, et les motifs pour lesquels il revendique le salut d’Adam « semblent bien avoir une portée générale, » selon la remarque de J. Rivière, Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétiennes, Paris, 1911, 1. 1, p. 173. Or, il n’hésite pas à employer le mot de nécessité, tant dans la Démonstration, c. xxxii, p. 685 : « il était juste et nécessaire qu’Adam fût restauré dans le Christ, » que dans le Contra hæreses, t. III, c. xxiii, n. 1, col. 960 : Necesse fuit Dominum, ad perditam ovem venienlem et lantx dispositionis recapitulalionem facienlem…, illum ipsum hominem salvare qui factus juerat secundum imaginent etsimilitudinem ejus, id est Adam.., quoniam et omnis dispositio salutis, qux circa hominem fuit, secundum placitum ficbat Patris, uti non vinceretur Deus neque infirmaretur ars ejus. Si enim qui factus fueral a Deo liomo ut viveret hic, amittens vilam Ixsus a serpente.., jam non reverterctur ad vitam…, victus esset Deus et superasset serpentis ncquitia voluntatem Dei, Ce passage est à rapprocher de celui qui se lit un