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IRENEE (SAINT'


15, 22-24 ; J. Rivière, loc. cit., p. 173, 176-178, 197-198, 200 ; A. d’Alès, loc. cit., p. 206-210. En somme, avec des nuances que le contexte permet de déterminer, « ce terme, conclut J. Rivière, p. 200, n’a jamais, dans la langue et l’esprit de saint Irénée, que le sens moral de sagesse. »

4. Du côté du démon.

Ircnce paspe communément pour être le père de la théorie des droits du démon. Quand on lit, par exemple, t. V, c. i, n. 1, col. 1121, que Dieu non deflcicns insuajusliliaJOSTEeliam adversus ipsam conversas est apostasiam (e démon), ea quæ suntsuarcdimens abea, el cacorcc. xxi.n. 1, col. 1179 : nequc cnim JUSTE uic.lus fuisset inimicus nisiexmuliere homo essei qui vieil eum, on peut se demander si, dans l'œuvre de la rédemption, Irénée n’accorde pas au démon des droits en stricte justice, ou, tout au moins s’il ne le présente pas comme traité par Dieu selon les règles d’une justice au sens large du mot, d’une haute convenance, qui n’existerait pas seulement du côté de Dieu et de l’homme, mais aussi du côté du démon lui-même.

a) Le démon a-t-il des droits en justice stricte ? — On a prétendu qu' Irénée les lui reconnaît. D’aucuns lui prêtent l’idée d’une entente préalable et bénévole entre le Christ et le démon. Développée jadis par M. Miinscher et réfutée aisément par le vieil ouvrage de K. Bâhr, Die Lelire der Kirche vom Tode Jesu in den ersten dfei Jahrtiunderien, Sulzbach, 1832, p. 65-60, cette hypothèse a été reprise denos jourspar A. Sabatier, La doctrine de l’expiation et son évolution historique, Paris, 1903, p. 47-49. D’après lui, Irénée imagine entre Dieu et le démon un contrat d'échange, « lui offrant à titre de rançon l'âme de son Fils en échange des âmes humaines… » Le diable se laissa prendre au piège, il accepta le marché ; il relâcha les hommes pour recevoir à leur place l'âme du Fils de Dieu. Mais il ne fut pas assez fort pour la retenir. Le Fils de Dieu sortit de l’enfer après en avoir brisé les portes. Le contrat n’en restait pas moins valable. Ce n’est pas la faute de Dieu. Le grand dupeur s'était dupé lui-même. » — Sans aller aussi loin, bon nombre de critiques prêtent à Irénée la théorie de la rançon que l’on retrouve chez des écrivains postérieurs : la mort du Christ serait comme une rançon payée à Satan pour l’humanité captive, de sorte que Satan put se convaincre que la justice n’avait pas été violée à son endroit. Telle est l’opinion de quelques catholiques, entre autres de H. E. Oxenham, Histoire du dogme de la Rédemption, p. 142-143. Vo’r Descente DE Jésus aux enfers, t. iii, col. 603. Elle est commune chez les protestants. Voir Rédemption.

Cette théorie suppose au démon des droits en stricto justice. Or Irénée a grand soin de dire que, de même que, en la personne du premier Adam, le genre liumain avait offensé Dieu, par la mort du second Adam, Il s’acquitta à l'égard de Dieu : « Nous n’avions contracté de dette qu’envers celui-là même dont nous avions transgressé le précepte à l’origine. » L. V, c. XVI, n. 3, col. 1168. C’est dire nettement que le démon n’a pas de droit proprement dit. Quant à la construction théologique d’A. Sabatier, c’est un pur roman qui a bien moins encore de fondement dans les textes. Il reste néanmoins que, dans son œuvre de rachat, le Christ use non de contrainte, njais de persuasion, à la différence de l’apostasie (c’est-à-dire Satan). Non cum vi, qucmadmodum illa (apostasia) initio dominabatar noslri, ea quæ njn erantsua insaliabiliter rapiens, sed secundumsuadelam, quemadmodum dccebat Dcum suadentem, et non vim afjerentem, accipcrc qme vellel. L. V, c. i, n. 1, col. 1121. Mais qui est celui que le (Christ entend persuader ? Est-ce l’apostasie (la puissance satanique) elle-même ? L’idée serait déraisonnable ; que pourrait-on lui per suader ? Mais il s’agit des hommes victimes de la puissance apostate, et qui sont accessibles à la persuasion.

b) Le démon a-t-il des droits au sens large du moi ? — Dans Le dogme de la rédemption. Essai d'étude historique, Paris, 1905, J. Rivière, étudiant « la question des droits du démon, » montra, p. 373-380, que la doctrine des droits du démon ne fut ni exclusive chez uii seul des Pères de l'Étilise ni prédominante chez ceuxlà même qui l’ont le plus complètement adoptée. Irénée, le premier, aurait accordé au démon « une sorte de droit sur les hommes, exposé le principe que le démon devait être traité selon les règles de la justice, et tiré les deux principales conséquences : qu’il devait être vaincu par un homme et, d’une certaine façon, dédommagé de ses droits, » et ainsi Irénée ne serait pas tombé dans l’erreur grossière qui prétend que le sang du Christ fut donné au démon comme prix de notre rachat, mais « il était difficile d’en côtoyer plus dangereusement les bords, » p. 376, 377 ; cꝟ. 381, 386. P. Gallier, La rédemption et les droits du démon dans saint Irénée, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1911, t. ii, p. 1-24, reprit cette question. « Saint Irénée, dit-il, p. 24, proclame la justice de l'œuvre du Christ. Mais, à l’endroit du démon, cette justice n’est qu’objective et négative : » en arrachant les hommes à sa tyrannie, il ne lui fait point de tort, car il met fin seulement à l’injuste détention d’un bien usurpé. « Qu’on ne parle donc pas ici de ménagement, de dédommagement ou de persuasion. Du Christ au démon saint Irénée ne conçoit pas d’autres rapports que ceux du maître à l’esclave contraint' d’avouer son larcin.L’idée d’un arrangement ou d’une entente quelconque est aux antipodes de sa pensée. » Continuant à tenir que l’idée de justice purement négative ne suffit pas à rendre compte des expressions d’Irénée, J. Rivière exposa que la justice, dont parle Irénée, « ne signifie pas une sorte de contrat ou de transaction quelconque entre le Christ et Satan, mais un des aspects de la loi providentielle qui préside à toute l'économie de notre salut » et signifie tout simplement (1 sagesse », « haute convenance ». La doctrine de saint Irénée sur le rôle du démon dans la rédemption, dans le Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chré^zennes, Paris, 1911, 1. 1, p. 199-200 : Lc démon dans la théologie rédemptrice de saint Irénée, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1913, t iv, p. 269-270. Voir aussi Le dogme de la rédemption. Étude théologique, Paris, 1914, p. 91-19. De son côté, P. Galtier dans l’article cité plus haut interprète la justice dont parle Irénée dans le sens de « suprême convenance. » Que « justice » soit synonyme de « convenance, » convenance par rapport à Dieu, qui sans cela serait vaincu par le démon, convenance par rapport à l’homme, qui prend de la sorte sur le démon une noble revanche, telle est la conclusion commune aux deux théologiens et le gain assuré de la controverse. Mais que signifie cette justice à l'égard du démon, dont parle très certainement Irénée ? Pour J. Rivière, Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétiennes, t. 1, p. 196-199 ; cf. Recherches de science religieuse, t.iv, p. 267-269, Irénée envisage une convenance positive par rapport au démon en ce que Dieu voulut tenir compte de lui dans toute l'économie du plan rédempteur ; en ce que le Christ, en consentant pour nous une rédemption onéreuse à laquelle il n'était pas tenu, voulut opposer sa générosité à la perfidie de Satan, peut-être même en ce que la mort est comme une province de l’empire de Satan ; « dès lors, soulïrir la mort corporelle, n’est-ce pas tomber, au moins matériellement, en la puissance du démon ? Voilà pourquoi Jésus, en acceptant de mourir, se soumettait jusqu'à un certain point au prince de la mort.